Mercredi 16 octobre 2019
Au procès Karachi, un prévenu plaide les « coïncidences » et le « complot »
Des « lingots d’or », des « coïncidences » et la « fable » d’une ex-femme: au procès du volet financier de l’affaire Karachi, Thierry Gaubert, accusé d’avoir rapatrié des valises d’argent liquide de Suisse au profit de la campagne Balladur de 1995, s’est dit mercredi victime d’une épouse revancharde.
Des six hommes renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris dans cette tentaculaire affaire, l’ancien membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy est celui contre lequel les accusations sont les plus précises.
Les juges d’instruction lui reprochent d’avoir rapatrié des fonds remis par son ami Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais et intermédiaire dans de juteux contrats d’armements avec l’Arabie saoudite et le Pakistan, pour « assurer le financement » de la campagne Balladur.
A la barre, il conteste tout: il n’a « absolument pas participé à la campagne Balladur », n’a « jamais reçu d’argent » provenant de commissions sur des contrats d’armement, jamais été « assez fou » pour traverser la frontière suisse avec des mallettes de billets, et dénonce l’acharnement de son ex-femme par qui cette « fable » est arrivée.
Il a incontestablement été trahi. Alors que son couple avec la princesse Hélène de Yougoslavie se déchirait, il a été directement accusé par son épouse de détenir des commissions pour des tiers, mais aussi par celle de Ziad Takieddine, et un temps par ce dernier.
Pendant l’enquête, son « ami » a affirmé lui avoir remis des espèces pour « boucler les comptes » de campagne. A l’audience, ce « frère » s’est rétracté, évoquant désormais des « cadeaux » – du cash, des cigares, du vin – pour satisfaire des caprices de « nouveau riche ».
« Simple problème fiscal »
Un point de désaccord subsiste entre eux: la date de leur rencontre, que les Takkieddine situent en 1993 alors que Thierry Gaubert assure – soutenu en cela par son co-prévenu Nicolas Bazire, ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur – qu’elle est bien plus tardive, en « novembre 1995 ».
Le détail a son importance, Ziad Takieddine ayant initialement situé les remises de liquide – environ 6 millions de francs – aux mois de février et mars 1995.
Pour tout le reste, Thierry Gaubert parle de « complot » féminin et de « coïncidences ».
« Cette histoire, c’est une fable », dit-il en balayant le témoignage de son ex-femme aux enquêteurs, auxquels elle avait même apporté un enregistrement d’une conversation où il lui intimait de mentir concernant de l’argent dissimulé – en Suisse et aux Bahamas – pour déjouer un éventuel contrôle fiscal.
A la barre, il explique qu’à l’époque, pour lui, « c’est simplement un problème fiscal ». Rien à voir avec la campagne Balladur. Et il s’attarde longuement sur « l’acharnement d’Hélène Gaubert ».
« Je pense qu’il y a un complot entre Mme Takieddine et Mme Gaubert, avec une troisième personne très active, l’avocat William Bourdon (qui avait été son adversaire dans une autre procédure) », dit-il.
« Elle aurait été plus crédible en ne parlant que d’argent. On part d’un fait vrai, et elle extrapole des choses fausses. C’est vrai que j’ai un compte à la banque Safdié (à Genève). Mais là, elle dit +le compte Safdié a servi à la campagne+. C’est une charge pour me nuire », affirme-t-il.
La présidente Christine Mée veut tout de même savoir d’où vient l’argent. Il se souvient d’un remboursement d’une connaissance et, surtout, de « lingots d’or » que son père voulait mettre à l’abri.
La magistrate fait remarquer que les flux sur ce compte ouvert en mai 1995 à la banque Safdié « ont été mis en perspective avec des retraits d’espèces des comptes de sociétés créées pour recevoir les commissions » des intermédiaires sur les contrats d’armement.
Elle donne des exemples: le 23 mai 1995 un retrait de plus de 2 millions de francs sur le compte d’un intermédiaire et le lendemain un dépôt de 2,28 millions de francs sur le compte de Thierry Gaubert. Le 7 juillet, un retrait de 700.000 francs suisses et le 12 juillet, un dépôt de 679.000 francs suisses.
A chaque fois, l’enquête a pu établir la présence à Genève de MM. Takieddine et Gaubert. « Une coïncidence », a martelé le prévenu, car, a-t-il souligné, « à l’époque, je ne connaissais pas Ziad Takieddine ».