Azouz Begag
Azouz Begag. photo DR

Azouz Begag est une figure marquante de la scène intellectuelle et littéraire française. Écrivain, sociologue, chercheur et homme politique, il incarne une parole engagée, nourrie par une double appartenance culturelle qu’il explore avec finesse et humanité. Né le 5 février 1957 à Lyon dans une famille d’origine algérienne, Azouz Begag puise dans son parcours personnel les fondements d’une œuvre riche, plurielle et profondément ancrée dans les réalités sociales de la France contemporaine.

Son enfance, marquée par la précarité et les défis de l’immigration, se déroule dans le bidonville du Chaâba, à Villeurbanne. Ce cadre de vie difficile devient, des années plus tard, le cœur battant de son roman le plus célèbre, Le Gone du Chaâba, publié en 1986. Ce récit autobiographique, devenu un classique de la littérature française, raconte avec tendresse et lucidité les premières années d’un enfant pris entre deux mondes, celui de ses racines algériennes et celui de la République française, exigeante et souvent indifférente.

Brillant étudiant, Azouz Begag poursuit des études en économie et sociologie, disciplines qui lui permettent de théoriser ce qu’il a vécu, la vie en marge, l’exclusion, les tensions identitaires et la quête d’appartenance. Il soutient une thèse de doctorat intitulée L’immigré et sa ville, avant d’intégrer le CNRS comme chercheur et de devenir enseignant à l’École centrale de Lyon. Ce va-et-vient constant entre la théorie et l’expérience, entre l’analyse sociologique et l’expression littéraire, constitue l’un des traits distinctifs de son œuvre.

De 2005 à 2007, il fait une incursion en politique en tant que ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin. Fidèle à ses convictions, il met alors en lumière les inégalités structurelles et défend une société plus équitable, fondée sur la reconnaissance de toutes les identités et la valorisation de la diversité.

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Azouz Begag est l’auteur de plus de vingt ouvrages, parmi lesquels romans, essais, récits autobiographiques et littérature jeunesse. Son écriture, à la fois accessible et subtile, se distingue par une grande sensibilité et un humour discret. Le Marteau pique-cœur (2004), hommage poignant à son père, rend compte des sacrifices et du silence de toute une génération d’immigrés venus bâtir la France d’après-guerre. En 2025, il cosigne avec Mamadou Sow Né pour partir, un texte bouleversant sur le parcours d’un jeune migrant guinéen, mêlant témoignage personnel et regard critique sur les drames migratoires contemporains.

À travers chacun de ses engagements, qu’ils soient politiques, artistiques ou académiques, il poursuit un même objectif, faire entendre les voix qu’on entend trop peu, redonner leur dignité à celles et ceux que l’on regarde trop souvent de biais.

Portée par une vision humaniste et inclusive, son œuvre constitue une véritable passerelle entre les cultures, un espace de réflexion sur ce que signifie « être français » dans un monde marqué par le métissage et les migrations. En mettant des mots sur des trajectoires souvent invisibles, Azouz Begag contribue à élargir notre regard collectif et à construire une mémoire commune plus juste et plus riche.

Azouz Begag est une figure majeure de la littérature contemporaine française et un fervent défenseur de la diversité et de l’égalité des chances. Écrivain, sociologue et ancien ministre, son parcours est marqué par une double identité culturelle qu’il explore avec finesse et humanité dans ses œuvres littéraires. Depuis son enfance dans le bidonville du Chaâba jusqu'à son engagement politique, il n'a cessé de mettre en lumière les défis de l'intégration, les tensions identitaires et les richesses du multiculturalisme.

À travers ses romans et essais, dont le célèbre Le Gone du Chaâba, il invite les lecteurs à une réflexion profonde sur la société française, tout en partageant des récits universels empreints d’humour, d’émotion et de tendresse. 

Les Yeux dans le dos, son dernier livre paru chez Erick Bonnier, s’inscrit dans la continuité de l’œuvre d’Azouz Begag, qui, à travers ses écrits, cherche à promouvoir la compréhension interculturelle et à dénoncer les injustices sociales. Ce livre offre une réflexion profonde sur les défis du vivre-ensemble, toujours d’actualité, Azouz Begag explore des thèmes universels tels que la fraternité, la solidarité face à l’adversité, et les dangers du fanatisme religieux. À travers cette fable romanesque, il met en lumière l’importance de la compassion et du respect mutuel dans des sociétés multiculturelles. La figure de l’émir Abdelkader incarne l’espoir d’une coexistence pacifique entre les différentes confessions.

Dans cet entretien, Azouz Begag revient sur son expérience de vie, ses inspirations littéraires et ses aspirations pour un avenir plus inclusif et égalitaire. À travers ses réflexions, émerge une pensée profonde sur la mémoire, la transmission et l’importance de bâtir des passerelles entre les cultures.

Le Matin d’Algérie : Comment votre enfance dans le bidonville du Chaâba à Lyon a-t-elle influencé votre écriture et votre vision du monde ?

Azouz Begag : Je suis né pauvre, j’ai vécu pauvrement, avec des parents pauvres, sans aucun confort, et c’était une grande chance que de devoir tout apprendre et construire pour faire sa vie avec ses propres mains. Chez nous, le mot héritage n’a jamais existé. Sauf pour une chose : les valeurs. Celles que nos parents nous ont transmises : respect des autres, hospitalité, humilité, écoute, partage… C’est mon cadeau familial. Il guide encore ma route, ma vision du monde et mon écriture. Mon dernier roman, Les Yeux dans le dos, traite de ce thème avec un aveugle et un paralytique comme principaux personnages.

Le Matin d’Algérie : « Dans Les Yeux dans le dos, votre nouveau livre, la fraternité entre Ibrahim et Elias résonne avec la figure de l’émir Abdelkader, protecteur des chrétiens de Damas. En quoi ce personnage historique éclaire-t-il votre message sur le vivre-ensemble et l’engagement face à la haine ? »

Azouz Begag : J’ai presque tout lu ce qui concerne l’émir. J’en ai même fait une bande dessinée chez Dalimen, à Alger. A l’âge de 6-7 ans, le fils de Mahieddine savait lire et écrire à la Guetna où il a grandi avec ce père soufi érudit et savant. Abdelkader connaissait les philosophes grecs dans son enfance ! En 1815-1820 ! Vous imaginez ?! Son père avait compris la clef du développement spirituel de son fils : les livres. La lecture. La connaissance. D’ailleurs, pendant les années de résistance à la colonisation française, il transportait toujours sa bibliothèque dans sa smala. Quel héros ! Quel maître ! Avec ce dernier roman, je rends hommage au chantre de la fraternité entre les religions. Aux USA, une ville porte son nom dans l’Iowa. J’y suis allé deux fois pour me recueillir.

Le Matin d’Algérie : Dans « Le Gone du Chaâba », vous décrivez avec tendresse et humour les défis de l’intégration. Quel message souhaitez-vous transmettre à travers ce livre ?

Azouz Begag : C’est celui de l’éducation, évidemment. Il faut lire, lire, sans cesse tout au long de sa vie pour s’enrichir. Nos enfants doivent connaitre cette vérité le plus tôt possible dans leur existence. Iqra ! L’école est un marche-pied formidable pour la liberté. La connaissance c’est la sève de l’arbre, elle donne de belles feuilles, toujours.

Le Matin d’Algérie : En tant que sociologue et écrivain, comment parvenez-vous à concilier réflexion académique et expression littéraire ?

Azouz Begag : Mes romans s’appuient toujours sur les savoirs que j’ai acquis dans les sciences sociales et humaines à l’université. Par exemple, depuis ma terrasse, chaque matin je vois derrière les montagnes le soleil qui se lève et qui se déplace dans le ciel. C’est beau, mais je dois me pincer chaque fois pour me souvenir que le soleil ne bouge pas, c’est moi qui tourne parce que je suis sur la terre qui tourne elle aussi ! Vous voyez, ce n’est pas simple à comprendre… nos yeux ne nous disent pas la vérité ! Mais c’est de la matière littéraire.

Le Matin d’Algérie : Votre engagement en faveur de l’égalité des chances a marqué votre parcours politique. Quels sont, selon vous, les principaux défis pour une société plus inclusive aujourd’hui ?

Azouz Begag : Je dois dire d’abord que le racisme est un poison. Quand il pénètre dans le corps social, il est presque impossible de l’en sortir. Il envenime tout, notamment l’égalité des chances, l’inclusion, la fraternité. Or, en France, comme dans beaucoup d’autres pays, ce cancer progresse à grande vitesse… Dans sa campagne présidentielle, Donald Trump a déclaré en public que les immigrés haïtiens mangeaient des chats et des chiens… Malgré tout, l’éducation reste le vecteur le plus important de l’accès à l’ascenseur social pour les enfants d’immigrés et les autres de catégorie modeste…  racisme ou pas racisme. Il faut se battre.

Le Matin d’Algérie : Vous avez exploré différents genres littéraires. Qu’est-ce qui vous motive à écrire pour des publics variés ?

Azouz Begag : J’essaie plusieurs genres pour me régénérer, ne pas me laisser prendre par la facilité. Mon dernier sur l’émir Abdelkader à Damas en 1860 est une fable historique pour laquelle j’ai écrit différemment que d’habitude, avec un style qui n’a rien à voir avec l’autobiographie. J’aime beaucoup changer. Raconter des histoires d’enfant, d’enfance, me fait plaisir également. Enfin, l’humour est mon ingrédient préféré. Rire est mon médicament.

Le Matin d’Algérie : Quel rôle la littérature peut-elle jouer dans la sensibilisation aux questions d’identité et de diversité culturelle ?

Azouz Begag : À présent, elle ne peut jouer qu’un rôle faible. Le monde est devenu fou. La guerre éclate partout. Que peut un livre dans cette explosion planétaire où seul l’argent compte. Donald Trump et Elon Musk en sont les incarnations maléfiques. D’ailleurs, ces deux-là, milliardaires, interdisent l’usage du mot ‘diversité’…

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Azouz Begag : Je pars en mai faire une tournée au Japon avec Le Gone du Chaaba qui est traduit. Je suis ravi de ce voyage extraordinaire où l’enfant du bidonville né de parents immigrés sétifiens, va raconter son histoire à des Japonais. Tout cela a du sens. 

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Azouz Begag : Oui, je le dédie à mes parents qui sont nés analphabètes et morts analphabètes. Ils se sont sacrifiés pour moi. Je ne les oublierai jamais. Je suis devenu écrivain pour eux. Ma réussite est leur revanche. Allah yarhamhoum.

Entretien réalisé par Brahim Saci

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