27 avril 2024
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Bachir Hadj Ali : un communiste aux multiples facettes

 

Bachir Hadj Ali
Bachir Hadj Ali

Au cours de l’élaboration de cette contribution, nous avons vérifié combien est ardue, dans ce cas de figure, la tâche de l’exercice historique qui consiste à mettre en relief le parcours aux multiples facettes qu’est celui de Bachir Hadj Ali : l’idéal communiste, les idées révolutionnaires, la lutte anticoloniale, les visions de progrès, la poésie et la valorisation du patrimoine culturel national.           

Le déficit de documents historiques est la source de cette difficulté. Très rare, en effet, sont les historiens qui ont consacrés leurs travaux de recherches au cheminement politique du Parti communiste algérien(PCA) et à l’apport singulier du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS) dans la construction de la conscience politique et sociale de l’Algérie postindépendance, autant dans les idées progressistes que dans le patriotisme économique.

Pour comprendre la trajectoire politique et le sens de l’engagement patriotique de B. Hadj Ali, il est nécessaire, d’abord, de le situer dans son contexte historique, c’est-à-dire dans la montée du mouvement anticolonial et national algérien dans toutes ses dimensions et ses composantes,  ensuite, maitriser les principes marxiste-léniniste, et enfin mettre en exergue sa conception internationale du combat contre l’impérialisme et le colonialisme. Il considère, en effet, que les problèmes et les crises vécues par le monde du capital naissent en son sein et sont le résultat logique des contradictions antagoniques internes de la vielle société.

L’histoire du mouvement national et sa culture doivent être étudiés autrement que par une analyse monolithique ou cloisonnement réducteurs en éléments totalement distincts. Nous devons mettre en avant ce mode de pensée, qui définit l’individu par la nation, laquelle doit elle-même son existence et autorité à une tradition de lutte supposée ininterrompue, interdépendante  et transnationale.

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L’écriture de l’histoire demeure souvent inachevée et est soumise à des évolutions nécessaires due à des éclairages nouveaux. Elle doit représenter un cadre toujours ouvert à des recherches complémentaires et qui doivent rester acquis une fois pour toutes sur le double plan de la vérité historique et de l’analyse des événements.

En raison des difficultés financières que connait sa famille venant d’Azeffoun, B. Hadj Ali abandonne ses études et intègre les services techniques des PTT. C’est au début de sa vie professionnelle, au contact des communistes et du syndicat CGT qu’il découvre la littérature marxiste-léniniste et aiguise sa conception nationale du patriotisme en fréquentant les dockers, les traminots et les autres corporations.

A la deuxième guerre mondiale, à l’instar de beaucoup d’algériens de sa génération, il est mobilisé par l’administration coloniale pour combattre le nazisme sur le terrain militaire. Tout le long du combat qu’il mène contre le projet d’hitlerisation du monde, son éveil entre en interaction avec le contexte international  qui se caractérise par la montée en puissance d’une alliance mondiale contre la « suprématie raciale » incarnée par le III Reich. Il prend, ainsi, connaissance dans ces conditions historiques de l’importance primordiale de la jonction du national et de l’international. Il est démobilisé à l’issue de cette guerre à la fois héroïque, atroce et couteuse. Par son engagement militaire, il contribue à la libération de l’Europe des griffes hégémoniques du nazisme.

C’est dans la dynamique de la victoire contre ce dernier que B. Hadj Ali s’engage véritablement dans l’action politique partisane en intégrant les rangs du Parti communiste algérien. Pour lui, cet évènement fondateur doit naturellement déboucher sur l’indépendance du pays. Il s’agit bien d’une libération planétaire et par-dessus tout, il est aussi dans le tumulte de la seconde guerre mondiale pour défendre la liberté et l’honneur de la France.

En mai 1945, les marches pacifiques revendiquant l’auto-détermination algérienne ont été réprimées dans le sang et les larmes, se distinguant foncièrement par une répression brutale et une violence inouïe, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata où plusieurs milliers d’Algériens ont été sauvagement assassinés par les colons et l’armée française. Cette brutalité coloniale a eu des conséquences positives sur le contenu de son engagement révolutionnaire,  a gagné en évolution politique et a accéléré, irrémédiablement le processus de l’algérianisation du PCA, jusque là, en majorité européens dans les instances dirigeantes.

La fondation du Parti communiste algérien en 1936 ne peut être réduite à la seule volonté d’une poignée de personnes européennes se réclamant du communisme, même si l’évolution géopolitique qu’a été le mouvement communiste international à travers le Parti communiste français(PCF) a été déterminante. Il  a été, avant tout, l’expression et le prolongement des actions de masse dans toute l’Algérie et la résultante de l’engagement exceptionnel à la base de la population laborieuse musulmane exploitée par l’ordre colonial dans les usines, les mines et dans les domaines agricoles. Il s’était distingué essentiellement par son enracinement à la fois social, national et organique dans le prolétariat autochtone.

Bachir Hadj Ali est très actif politiquement et contribue à l’éveil social, culturel et idéologique de la société algérienne. Il participe avec son parti au processus historique de la jonction du social au politique dans les conditions de l’aggravation de l’arbitraire colonial. Les moments forts de cette lutte sont l’encadrement du PCA des travailleurs dans les usines, les chantiers et les mines dans les démarches et les structures syndicales et associatives. Avec le soutien des travailleurs, le parti renforce la lutte de classe et aiguise la contradiction entre le travail et le capital.

Au début des années cinquante, il devient l’un des dirigeants politiques les plus dynamiques du parti et le plus exposé aux foudres de la france coloniale. Il dénonce publiquement l’arrestation des membres de l’Organisation spéciale (OS) et organise des rassemblements de soutien en 1952, devant la prison de Serkadji. Il est poursuivi à plusieurs reprises par les autorités françaises et est condamné par contumace à deux ans de prison à la veille de la guerre de libération qui le contraint à la clandestinité.

A l’insurrection armée déclenchée par le FLN/ALN, dès le 2 Novembre 1954 et dans les limites d’une déclaration politique légale, le PCA apporte son soutien au FLN en mettant en avant les aspirations nationales légitimes des Algériens, dénonçant la répression coloniale et appelant à la libération de tous les progressistes, démocrates et militants syndicaux arbitrairement arrêtés.

On a beaucoup épilogué sur cette déclaration du Bureau politique du PCA qui a été souvent  dénaturée et soumise à des mutilations et manipulations très graves de la part de certains historiens qui colportent l’idée que le parti aurait condamné l’insurrection nationale, en l’assimilant à une « entreprise aventuriste et provocatrice irresponsable », pendant que d’autres, la confondent sciemment avec celle du Parti communiste français (PCF) en date du 8 Novembre 1954. De telles falsifications, de la part d’universitaires et d’historiens présentés comme éminents sont à mettre au compte de l’anticommunisme qui a pour objectif de jeter la suspicion sur le PCA et son apport dans la guerre de libération nationale.

Le FLN, n’ayant pas répondu aux avances insistantes des communistes, à partir du premier semestre de l’année 1955, et conformément à une résolution politique prise par le comité central, le PCA créa sa propre organisation militaire intitulée « les Combattants de la libération », connu aussi sous le nom « Maquis Rouge ». Ses unités de combattants indépendantistes étaient particulièrement opérationnelles et actives dans la Mitidja, l’Algérois, Cherchell, Ténès et l’Ouarsenis. L’opération la plus spectaculaire, qui a eu aussitôt un impact considérable et qui a permis de nouer les véritables contacts avec le FLN, a été menée par le militant communiste algérien Henri Maillot. Avec un groupe de combattants de la libération(CDL), il s’était emparé d’un camion d’armement des troupes coloniales au profit de la résistance indépendantiste algérienne, dont une partie a été affectée aux maquis de l’ALN avant l’accord FLN-PCA.

Dans le Nord constantinois et à l’issue de l’offensive du 20 Août 1955, initié par Zighout Youcef, Plusieurs exemplaires du journal «Liberté », l’organe central du le PCA et d’autres documents de propagande ont été trouvés sur les corps de plusieurs victimes algériennes massacrées par l’armée française à El Halia. En effet, un énorme travail de sensibilisation du parti a été effectué dans l’encadrement offensif de la paysannerie porté ainsi à participer directement à des attaques organisées contre les postes militaire. Par ailleurs, et dans les Aurès, la structuration militaire en cours a été avortée par les cadres dirigeants du FLN/ALN de cette zone qui ont ordonné l’exécution de Laid Lamrani, le représentant communiste.

L’organisateur du congrès de la Soummam, Abane Ramdane, dès qu’il a pris le commandement du FLN dans l’Algérois et au nom de l’unité de l’action, a entrepris des consultations avec l’ensemble de la classe politique. Il considère en effet que la libération de l’Algérie sera l’œuvre de tous les Algériens, et non pas celle d’une fraction d’un peuple quelle que soit son importance.

Les négociations ont abouti sur le ralliement des partis, la dissolution de leurs structures politiques et leurs intégrations individuelles dans les rangs du FLN/ALN. Seul le PCA, représenté par son premier secrétaire B. Hadj Ali et secondé par S. Hadjrès, avait refusé de se dissoudre, considérant que l’unité d’action et la mobilisation politique gagneraient plutôt à réaliser la cohésion dans des formes de coordination plus souples et plus rassembleuses en maintenant l’autonomie de chaque parti. Une manière de préserver des possibilités les plus larges et les plus diversifiées d’action en direction des masses et de l’opinion publique internationale dans l’intérêt d’une cause nationale unique : l’indépendance algérienne.

Après d’âpres et longues négociations, finalement un compromis est trouvé : il y aura centralisation militaire, les CDL intégreront le FLN/ALN et relèveront de ces derniers. Ils n’auront plus de liens organiques avec le PCA durant toute la période de la lutte armée de libération nationale, sans pour autant renier leurs convictions. Cependant, le PCA maintiendra son existence en tant qu’organisation politique autonome. Dans une lettre en date du 12 juillet 1956, à la direction du FLN, le PCA précise le contenu de cet accord, tout en exposant les motivations des communistes quant à la décision de ne pas dissoudre leur parti.

A l’issue du congrès de la Soummam et dans une résolution politique intitulée « le communisme absent », la direction nationale du FLN/ALN a condamné le PCA et l’a exclu des instances dirigeantes suprême de la révolution (CCE et CNRA). Le parti a fait l’objet de virulentes et violentes attaques, lui déniant ainsi son apport dans le processus de la formation de la conscience nationale et l’affirmation de l’identité algérienne, particulièrement dans le milieu ouvrier et la paternité des journées d’action et des grèves nationales initiées par des organisations syndicales qui lui sont inféodées avant qu’Abane ne s’affirme dans capitale au nom du FLN.

En outre, son rôle déterminant dans le massif de l’Ouarsenis en combattant notamment les milices de Bachagha Boualem, le chef de la tribu des Béni Boudouane, qui a implanté des contre-maquis au profit de la France coloniale, profitant d’absence d’une ossature politico-militaire couvrant l’Algérie et permettant de coordonner l’action avant que le FLN ne s’impose au cours de l’année 1957.

La résistance du PCA à l’hégémonie du FLN incarné par R. Abane, puis l’approche internationale du parti dans le combat contre l’impérialisme, et enfin, Amar Ouzeggane qui fut un des plus actifs concepteurs des textes de la Soummam et qui a été exclu du parti communiste en 1948 à cause de la déviation de la ligne politique, à l’issue de la répression sanglante de mai 1945 peuvent constituer, entre autres, les motivations  d’une telle condamnation.

A cela s’ajoute les vicissitudes de l’approvisionnement en armes, géré par la délégation extérieure. Sur le plan international, dés 1956, Ramdane Abane cherchait des appuis logistiques des pays socialistes. Il écrivait aux représentants du FLN se trouvant au Caire: « … si les communistes veulent nous fournir des armes, il est dans nos intentions d’accepter le Parti communiste algérien au sein du FLN si les communistes sont en mesure de nous armer…». Cependant, force est de constater qu’à la tenue du congrès de la Soummam, le soutien militaire était du coté Egyptien, pendant que les appuis diplomatiques se manifestaient plutôt de l’occident : l’UGTA venait d’être admise à la CISL, une organisation syndicale internationale liée aux objectifs et activités de l’OTAN dans la guerre froide.

Le parti fut interdit en septembre 1955, ainsi que le journal Alger républicain  et toutes les corporations qui lui étaient inféodées. Des travaux historiques indiquent que 21 des 40 membres du Comité central du PCA, ont été emprisonnés durant la guerre de libération. Pendant que sur 8 membres du Comité central qui ont rejoint l’ALN, 4 sont morts au combat, et que parmi les officiers et les commissaires politiques de l’ALN, il y avait 39 membres du PCA. Sans compter de nombreux communistes, militants de base peu connus, qui ont pour la plupart rejoint l’ALN sans passer par les CDL.

Le combat du PCA fut d’abord une lutte de classe, et ce n’est que plus tard, qu’à partir de 1946 que sa vision politique prit un caractère plus radical. Il passe de l’intransigeance de classe à l’intransigeance politique et de l’intransigeance politique au soulèvement armé à partir de 1955. Il a milité avec passion et conviction à l’union des toutes les forces nationales dans un Front national démocratique algérien (FNDA), avec comme objectif, l’indépendance à terme de l’Algérie.

Dans cette tribune, ressusciter des faits historiques avérés et des positions politiques longtemps ensevelies à cause d’une approche souvent monolithique de l’histoire du mouvement national, ce n’est pas occulter le rôle d’avant-garde de l’Etoile nord-africaine, puis du PPA/MTLD dans la dynamique indépendantiste algérienne. En outre, il ne s’agit pas de contester le rôle pionnier et dirigeant du FLN/ALN dans l’insurrection de Novembre ou nier le retard qui caractérisait l’UDMA, le PCA et les Ouléma quant à la question nationale.

Il s’agit, en revanche, de restituer à la mémoire nationale, l’apport des différents courants politiques qui ont stimulé les luttes populaires autour d’objectifs même partiels et limités de cette démocratisation multiforme en contribuant à forger la résistance, l’unité et la conscience patriotique de notre peuple et à faire murir les conditions de l’insurrection de Novembre 1954.

Bachir Hadj Ali échappe à la répression et à l’arrestation. Dans la clandestinité et sur le sol national, il poursuit le combat anticolonial jusqu’à la libération. Depuis ses caches, il ne cesse de soutenir l’essence populaire de Novembre en diffusant la presse clandestine du PCA et écrit des poèmes en hommage au peuple algérien en célébrant notamment le 11 décembre 1960.

Dans une lettre en date du 15 juillet 1959, adressée au Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), B. Hadj Ali au nom du PCA fait état des discriminations à l’égard des combattants communistes au sein de l’ALN, qu’en cantonnent à des taches inferieures ou particulièrement risqués. Il écrit : « …d’en finir avec la discrimination dont sont frappés les communistes algériens au sein de l’ALN et de les rétablir dans leurs droits, comme les autres patriotes…. ». En effet, l’exemple d’Ahmed Inal, militant communiste devenu lieutenant de l’ALN en Oranie qui a été brulé vif par l’armée française, sciemment exposé au risque d’être pris témoigne l’anticommunisme de certains cadres de l’ALN.

Ayant conquis l’indépendance nationale, le manque de vision d’ensemble et combiné aux divergences idéologiques et à son corollaire, la lutte pour le leadership aura raison de la démocratie parlementaire portée par le GPRA. La question du pouvoir est au cœur d’affrontements et de confrontations violentes.

Le Parti communiste algérien renoue avec l’activité politique avant qu’il ne soit à nouveau interdit par A. Ben Bella en novembre 1962. B. Hadj Ali se tourne vers l’art et la culture. Avec  Jean Sénac, Mouloud Mammeri et Mourad Bourboune, il fonde l’Union des écrivains algériens avant de démissionner à l’issue de son instrumentalisation politique.

Putsch et tortures     

Après la prise du pouvoir par Houari Boumediene le 19 juin 1965, le PCA, s’oppose ouvertement et le qualifie de coup d’Etat orchestré au profit des forces impérialistes. Au nom du parti, Bachir Hadj Ali, S. Hadjerès et d’autres cadres fondent avec Hocine Zehouane et M. Harbi, les représentants de la gauche du FLN l’Organisation de la résistance populaire(ORP). B. Hadj Ali est arrêté en septembre 1965 et est soumis, deux mois durant, à des tortures insoutenables. Dans le livre l’Arbitraire, il décrit dans les détails les tortures subies et dépeint ses tortionnaires. Il sortira amoindri physiquement avec des graves séquelles.

Jusqu’à sa disparation le 8 mai 1991, son épouse, Lucette Safia Hadj Ali, lui manifeste un soutien indéfectible dans le travail de la reconstruction psychologique faisant face à cette entreprise de déshumanisation par laquelle ses bourreaux ont tenté vainement de briser sa résistance et le faire renoncer à ses convictions politiques.

L’enfant de la Casbah savait que dans les moments de lutte pour la conquête du pouvoir, la férocité du système à toujours atteint son paroxysme. Réfutant la posture victimaire et ne cédant ni à la haine ni à la vengeance, B. Hadj Ali s’élève et affirme sa stature d’homme d’Etat. En effet, pour lui, le patriotisme et l’amour de l’Algérie sont inséparables, indissociablement liés et le soutien aux luttes démocratiques nationales renforce la propre lutte du peuple algérien. Du fond de sa cellule, il prend rendez-vous avec l’honneur, l’amour et le pardon. Dans sa poésie, il n’ ya point d’hostilité, tout est bienveillance, cohérence et assurance. Il dénonce la torture et fait le serment de pardonner à ses bourreaux.

Je jure sur les nuits dénaturées de septembre

Je jure sur les larmes et la voix du la suppliciée

Je jure sur la langue sanguinolente de Hocine

Je jure sue les cataclysmes psalmodiés par Yacine

Je jure sur les corps tailladés et les ceurs en sanglots

Je jure sur découragement parcellisé des héros

Je jure sur la fierté qui survit au carnage

Je jure sur le silence vital et la peur de mourir

Je jure sur les regrets sincères de deux qui ont parlé 

 Je jure sur les âmes mortes après trahison

Je jure sur le verbe sale des bourreaux bien élevés

Je jure sur le dégout des lâchetés petites bourgeoises

Je jure sur l’angoisse démultipliée des épouses

Que nous bannirons la torture

Et que les tortionnaires ne seront pas torturés. 

Il participe depuis la prison à la création du Parti d’avant garde socialiste (PAGS). Il est maintenu en détention jusqu’à 1968, assigné à résidence à Saida puis Ain Sefra et est interdit de séjours dans les grands centres urbains jusqu’à 1974.

Après avoir qualifié de coup d’Etat impérialiste le renversement de Ben Bella en 1965, et à l’issue de la nationalisation des mines et des banques en 1966 par le régime de H. Boumediene, le parti rectifie progressivement sa ligne politique. En 1969, il proclame une résolution politico-idéologique qui est axée sur la révolution nationale démocratique et la réalisation des taches de l’édification nationale générales dans la perspective du socialisme. Le parti s’engage dans le soutien des orientations patriotiques du régime, et B. Hadj Ali appuie le principe de la centralisation des ressorts de l’économie pour jeter les bases de l’industrialisation en apportant  particulièrement son concours aux mesures d’intérêt national visant l’intégration du système productif, les qualifiant ainsi, de processus irréversible dans la révolution socialiste naissante de l’insurrection de Novembre. Sa préoccupation majeure est de savoir quelle sera l’Algérie d’après-guerre, quels seront le visage et les positions du socialisme dans l’arène nationale.

« Soutien critique » du PAGS

Le PAGS adopte la ligne politique du « soutien critique », qui consiste à soutenir une dynamique qui manifeste sa volonté et sa résolution de mettre en œuvre les transformations venues à maturité et qui met au cœur de sa politique les intérêts radicaux des travailleurs et les idéaux de la justice sociale. Elle vise à accélérer les taches de l’édification nationale dans le développement socio-économique de la société algérienne.

Cette stratégie politique ne signifie pas le ralliement des communistes au régime. Ils appuient avant tout, les orientations anti-impérialistes et progressistes. Il ne s’agit pas pour le parti d’accorder une confiance inconditionnelle à des pratiques politiques ou à un homme d’Etat quel qu’il soit. Il apprécie toute politique avant tout dans les actes. C’est dans cet esprit que le PAGS a apporté un soutien à la ligne générale qu’appliquait et défendait le président H. Boumediène, malgré les critiques qu’il exprimait sur certains problèmes importants ou secondaires.

Selon B. Hadj Ali, les mutations sociales en cours doivent modifier les conditions de l’évolution sociale ultérieure issues des structures coloniales et féodales. Notre indépendance impose à la société Algérienne des nouvelles exigences et de nouveaux facteurs économiques, politiques et culturels qui doivent entrer en action. La meilleure façon de continuer le 1er Novembre, c’est d’apporter des solutions justes aux problèmes nouveaux, de réaliser les objectifs de dignité, de démocratie, de progrès social, de sécurité et de paix dans notre pays pour lesquels tant d’Algériens se sont sacrifiés. Dans ces conditions historiques, selon lui, une tache s’impose avec force : il s’agit de mettre d’abord un terme à l’analphabétisme, l’ignorance, la sous-alimentation chronique et de la famine, la terrible mortalité infantile et les épidémies qui frappent des centaines de milliers d’Algériens.

Au plan culturel, il considère que l’hégémonie impérialiste a apporté aussi à notre peuple un appauvrissement de sa culture nationale et un dépérissement des valeurs culturelles créées au cours des siècles. On ne peut pas ne pas penser aux conséquences morales et psychologiques qu’aura à long terme la pratique impérialiste dans la sphère de la culture algérienne sous la pression de la stratégie de l’effacement. Il conçoit, ainsi la culture nationale comme une forteresse protectrice contre la domination culturelle colonialiste seule détentrice du pouvoir politique et des richesses nationales. La sauver, la protéger de la dépravation bourgeoise et du vandalisme de la colonisation du peuplement européen, c’est là une question que pose fondamentalement et à la laquelle il se penche dans ses travaux de recherches culturelles.

Il se distingue en effet, par ses recherches sur le patrimoine musical algérien, particulièrement le chaabi et le Malouf. Ce faisant, il souligne que la santé culturelle d’une nation se mesure aux degrés de la création et de l’innovation de ses enfants : aux livres, films, spectacles, tableaux et œuvres musicales de talent, originaux, indispensables à la société et capables d’enrichir la vie intellectuelle et culturelle du peuple. Selon lui, rien n’élève plus l’homme que les connaissances et la culture.

L’indépendance nationale doit enfanter un nouveau mode de vie en rupture avec l’ordre colonial, fondé sur les principes de la justice socialiste permettant ainsi au peuple algérien d’avancer dans la voie de l’épanouissement harmonieux des richesses intellectuelles, culturelles et morales. Selon Bachir Hadj Ali, le communisme et le socialisme, c’est la possibilité réelle offerte au peuple algérien de vivre dans la dignité, l’humanisme authentique et le triomphe des idées de progrès.

L’alternative véritable pour le Parti d’avant-garde Socialiste est celle du front de toutes les forces anti-impérialistes où quelle se trouvent et dans les formes appropriées à tous les niveaux et y compris au sein du Front de libération nationale (FLN), en s’appuyant sur ses forces révolutionnaires. Mais la rénovation démocratique de ce dernier ne pourra se faire que dans les cas d’une conquête des masses laborieuses et de leurs forces d’avant-garde, en alliance avec toutes les autres forces patriotiques. Ainsi, le parti a appelé toutes les forces de progrès à être attentives et présentes pour exercer une influence bénéfique dans les nombreuses luttes qui s’engagent autour des intérêts de la population laborieuse.

Voilà pourquoi, le parti a longtemps continuer à œuvrer à une telle ouverture dans le cadre du système institutionnel de l’époque. Il considérait en effet, que les problèmes des formes d’existence et d’activité des instruments révolutionnaires dans notre pays, partis et front qui ont surgi au cours des luttes de libération ou après l’indépendance à toujours dépendu et sera tranché à l’avenir par le degré et la force des liens avec les masses laborieuses que les forces patriotiques et de progrès, dont celles du PAGS, parviendront ou non à élargir et consolider. Ce succès, bien entendu, ne dépendait pas seulement du parti, mais aussi, en grande partie de véritables intentions du régime en place.

Le PAGS se distingue par une analyse globale et pénètre profondément la dialectique des événements, leur logique objective et fait ressortir les conclusions correctes qui reflètent l’évolution de l’époque en mettant en exergue les visions qui s’affrontent dans le cadre du système et dans la société algérienne.

Le système abrite et arbitre les groupes de contradictions par sa position vis-à-vis des problèmes qui surgissent que par son aptitude à les appréhender et à les régler. La genèse de ces contradictions remontent au mouvement national et dont les différences fondamentales sont apparues à la fois dans le projet politique national et dans l’appréciation de la perspective sociale et économique algérienne.

Le socialisme incarné par le régime de H. Boumediene a démontré la possibilité de résoudre les problèmes sociaux sur une base fondamentalement nouvelle, à savoir, la base collectiviste, a mené le pays vers un niveau de développement plus élevé et a donné aux travailleurs une vie digne et assurée. Cette stratégie a perfectionné constamment les rapports sociaux et a multiplié méthodiquement les acquis. Elle a contribué activement au progrès social et est devenue une puissante force matérielle et morale permettant l’ascension sociale aux plus démunis en montrant les possibilités qui s’ouvrent au peuple algérien.

Il faut rappeler par ailleurs que les chemins n’ont pas été réguliers ou aisés. La nouveauté même des tâches sociales, l’incessante pression psychologique, politique, économique de l’impérialisme, la nécessité de déployer d’énormes efforts pour la défense nationale, tout cela ne pouvait pas ne pas se répercuter sur le cours des événements, leur caractère, et des transformations socio-économiques. Tout cela ne s’est pas passé sans erreurs politiques et sans écarts subjectivistes de toute sorte. Mais telle est la construction d’un Etat, elle se manifeste toujours dans la diversité des contradictions.

Avec l’avènement de B. Chadli, les promoteurs du libéralisme ont démantelé l’appareil productif national, permettant  ainsi au capital de passer à la contre-offensive et de retirer aux travailleurs une grande partie de leurs conquêtes sociales. Ils ont renversé la tendance d’évolution engagée depuis les années soixante, patriotique dans sa ligne générale. Selon plusieurs indices de niveau de vie, les travailleurs se sont retrouvés rejetés de nombreuses années en arrière et le chômage a atteint le chiffre record de tout l’après-guerre.

Par ce glissement à droite, les milieux dirigeants n’ont pas compris que cette orientation politico-économique portait en germe des explosions sociales, la déstabilisation politique, et que les conséquences d’un pareil virage sur le pays sont difficilement prévisibles.

En effet, force est de reconnaitre que la république opportuniste a cédé aux caprices des islamistes. Et c’est précisément autour des questions du contenu réel des projets de société que se déploiera, autant qu’on puisse juger, la lutte principale au cours des années 90 et qui implosera incontestablement le Parti d’avant-garde socialiste (PAGS).

Bachir Hadj Ali est un patriote qui chérissait profondément son pays et un internationaliste authentique, un communiste convaincu, engagé et désintéressé. Un cadre dynamique dévoué à la cause de la classe ouvrière, la paysannerie, les femmes, les syndicats, les jeunes et les collectifs des travailleurs. Il œuvre et soutient les mesures visant à approfondir les acquis du peuple algérien et le caractère démocratique du régime socialiste. La démocratie socialiste, selon lui, c’est l’air sain et pur où l’organisme social peut vivre en toute plénitude et dans lequel le développement accéléré de la société trouve sa place de tous ses aspects et manifestations.

Son œuvre resurgira sans doute dans une Algérie moderne et retrouvera même une surprenante noblesse d’esprit. Elle deviendra une source d’inspiration de beaucoup de militants et cadres politique progressistes.

L’histoire retiendra que Bachir Hadj Ali, toute sa vie durant, a agi dans l’intérêt de la patrie socialiste et aux noms des grands idéaux, auxquels il s’est consacré sans réserve en étant aux avant-postes de la lutte menée pour appliquer sa ligne politique révolutionnaire.

Cette histoire qui ne lui a pas imparti d’autres destinées se doit encore de lui rendre l’hommage mérité et au parti qui l’a formé : le Parti communiste algérien(PCA).

Mustapha Hadni

3 Commentaires

  1. La réalité est que « l’indépendance » et le communisme étaient tous deux voués à l’échec dès le départ en Algérie. L’indépendance parce que le système de production était aux mains du pouvoir colonial tandis que les masses autochtones étaient dans une majorité écrasante formée de paysans pauvres dans les campagnes et de lumpen-prolétariat dans les villes. Un système de production ce n’est pas seulement des machines et des matières premières, ça inclut aussi la matière grise et une idéologie qui va avec, c’est à dire des travailleurs avec les connaissances et l’attitude (discipline) qu’il faut pour faire marcher le système de production. Tout ça ne se crée pas par la volonté d’un petit groupe, si encore ce petit groupe au pouvoir avait cette volonté en Algérie. Quand les colons sont partis, ils ont laissé quelques moyens de production, pas beaucoup, une certaine infrastructure – largement insuffisante de toute façon, et tout le reste non materiél est parti avec eux. Le pays a hérité de peu de moyens mais d’une population aux besoins soudain devenus énormes. Le pétrole n’a fait qu’empirer les choses en reléguant le rôle du travail à l’arrière-plan et engendrant la corruption.
    Quant au communisme, c’est de la blague de croire qu’on peut l’instaurer dans un pays sous-développé. Pour l’Algérie, il aurait été plus facile (ou moins inconcevable) en tant que partie/colonie d’une France devenue communiste. L’URSS, la Chine, la Corée du Nord, et l’Europe de l’Est ont démontré l’impossibilité de créer le communisme en dehors d’un pays hautement industrialisé. On ne met pas la charrue avant les bœufs, on ne partage pas un gâteau avant de l’avoir fait. On ne partage pas des richesses avant qu’elles existent. Promettre à des paysans que s’ils travaillent dur et obéissent aux « chefs », dans quelques années ils construiront un pays riche dans lequel chacun aura sa part de tout c’est ne pas connaître la réalité du terrain, c’est ne rien savoir de la nature du paysan, ni de la nature humaine. On peut convaincre une petite partie de la population, mais pas l’écrasante majorité. Une vision du communisme endehors d’un pays déjà muni d’un système de production performant et d’une population politisée ne peut être que de l’utopie. C’est un communisme utopique, qui repose sur les bonnes intentions, qui elles, n’existent que si le ventre est plein.

  2. @Kichi
    Tout à fait d’accord avec votre commentaire tout à fait pertinent.
    @ Mustapha Hadni.
    1. La direction du PCA fut, dès sa création en 1936, un appendice du PCF, lui-même prisonnier, sur la question nationale en Algérie, de la théorie de la « Nation en formation », énoncée par Maurice Thorez, selon laquelle l’émancipation de l’Algérie serait conditionnée par la prise du pouvoir de la classe ouvrière en France ! Ce n’est qu’au lendemain des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, puis, surtout, de la crise dite «berbériste » en 1949 au sein du PPA-MTLD, que PCF pu s’en affranchir, en accueillant de nombreux militants acquis à la cause nationale
    2. Dans son livre, paru en 2019, intitulé « Les communistes et l’Algérie », Alain Ruscio écrit, je cite : « les communistes algériens ont été surpris par la date et les effets de l’explosion du 1er Novembre. Mais pas par l’explosion elle-même. Ils sentaient, à divers indices, que des événements importants se préparaient. Mais comme la plupart des acteurs historiques, ils ne surent pas alors à qui ils avaient affaire.
    Il se trouva que Bachir Hadj Ali, secrétaire du PCA, et Jean Galland, instituteur communiste, étaient fin octobre-début novembre en tournée de propagande en Kabylie. Le dialogue entre les deux militants montre l’étendue de l’interrogation. Hadj Ali : « Ce ne sont pas les messalistes, ni les centralistes du MTLD, trop occupés à s’exclure mutuellement. Ce n’est sûrement pas l’UDMA, qui paraît oublier les termes du Manifeste »…Galland : oui, mais « il a fallu pendant des mois, et cela à l’insu de tous, gouvernement et opinion publique, constituer des équipes, plus ou moins les armer, choisir des objectifs, prévoir des replis, organiser la coordination et l’exécution ! C’est extraordinaire. Un ensemble pareil représente une réelle capacité d’organisation, une autorité et des moyens humains nombreux et convaincus ». Sur le chemin du retour vers Alger, Hadj Ali ne cessait de répéter : « Pourvu que ça tienne ! » ;
    3. Tout en vous remerciant pour votre riche contribution pour resituer le PCA au sein du Mouvement National algérien, j’observe le peu de références aux importants travaux et au rôle éminent de Sadeq Hadjerès, qui vient juste de nous quitter.

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