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vendredi 4 juillet 2025
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Belghit et Sansal : deux fœtus d’un débat contradictoire sans cesse avorté

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Deux hommes, deux paroles, deux chutes. Mohamed Lamine Belghit et Boualem Sansal, que tout oppose dans la texture de leurs discours, se retrouvent pourtant dans le même abîme judiciaire.

Cinq ans de prison. Même peine. Même silence imposé. L’un, replié dans une vision ethniciste de l’Algérie, nie l’amazighité du pays et fabrique de toutes pièces un complot « franco-sioniste » pour nourrir sa paranoïa idéologique.

L’autre, figure plus installée dans les circuits intellectuels occidentaux, ne cesse de dynamiter les fondements symboliques de l’État post-indépendance, jusqu’à remettre en cause les frontières mêmes de la nation.

Aucun des deux n’élève la pensée. Ni l’un ni l’autre n’offre à la société un espace fécond de réconciliation, de profondeur ou de vérité. Tous deux enfoncent le langage dans la provocation, dans le simplisme, dans l’excès. Et pourtant, leur condamnation ne marque pas leur chute à eux seuls, elle marque le point exact où une nation décide de substituer la peine à la pensée, la clôture judiciaire à l’ouverture critique.

Car ce qui se joue ici n’est pas l’histoire, ni l’identité, ni la cohésion sociale. Ce qui se joue, c’est le droit d’un peuple à penser librement, même au risque de la fracture, de l’erreur, de l’égarement.

Car une pensée que l’on ne peut contredire que par l’incarcération n’est plus pensée, c’est un dogme.

Et un État qui en vient à répondre par le pénal à la parole, aussi misérable soit-elle, devient lui-même un producteur de mutisme collectif. Dans toute société vivante, il existe une zone ardente, celle du désaccord. C’est là que la conscience collective s’éprouve, se forge, se déstabilise, se réinvente.

Une société mûre n’en a pas peur. Elle accepte que certains y errent, que d’autres y brûlent, parce que c’est le prix de l’intelligence partagée. Mais lorsque cette zone devient périlleuse, lorsque s’y risquer expose à la geôle, alors l’horizon de la pensée se referme, et avec lui celui de la liberté.

Que reste-t-il alors du débat national ? Un théâtre d’ombres où ne circulent plus que les mots sûrs, les paroles filtrées, les discours domestiqués. L’université se tait. Les médias se replient. Les intellectuels s’exilent dans l’euphémisme.

La contradiction devient suspecte. L’interrogation, un danger. Et le doute, ce ferment de toute conscience éclairée, devient lui-même coupable.

Belghit et Sansal ne sont pas des martyrs de la pensée. Mais leur condamnation fait d’eux autre chose : les symptômes d’une crise plus profonde que leurs idées. Ce n’est pas leur voix qu’il fallait censurer, c’est notre impuissance à leur répondre autrement que par la loi. Car dans une nation adulte, on ne gouverne pas la pensée, on y répond. On n’en trace pas les limites au nom de l’unité, on y ouvre les passages au nom de la vérité.

À force de croire que l’unité se protège par la répression, on oublie qu’elle se construit par la confrontation. Une confrontation raisonnée, parfois violente, mais qui a pour vertu de faire circuler l’intelligence et de mettre chaque idée à l’épreuve du réel. L’Algérie a besoin de cette friction. Non pour se diviser, mais pour se réveiller.

Le philosophe italien Giorgio Agamben rappelait que « l’État moderne est né de l’état d’exception », le moment où le droit se suspend au nom d’un danger. Mais ce danger, ici, est imaginaire. Ce ne sont pas des paroles excessives qui menacent l’unité, c’est l’absence de contre-paroles. Ce n’est pas le tumulte des idées qui fissure une nation, c’est leur stérilité organisée.

Par conséquent, Belghit et Sansal ne sont que les extrémités bruyantes d’une pensée qui n’ose plus exister. Leur emprisonnement ne les grandit pas. Mais il nous diminue.

Mohamed Rachid Charfaoui

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