19 avril 2024
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Biélorussie : les migrants s’inquiètent du nombre de disparus à la frontière

À la frontière biélorusse, des milliers de personnes sont toujours massées pour tenter d’entrer dans l’Union européenne. Les médias polonais estiment qu’au moins douze personnes sont mortes des deux côtés de la frontière. Le bilan pourrait être bien plus élevé. Témoignages.

Voilà deux semaines qu’une grande partie des migrants bloqués à la frontière ont été rassemblés dans un grand hangar par les autorités biélorusses. Sur les larges palettes prévues pour l’entrepôt de marchandises, hommes, femmes et enfants ont installé leur sac de couchages. Certains escaladent les échafaudages pour atteindre les niveaux les plus élevés. Assis au sol d’autres discutent, ils semblent attendre. Mais quoi ? « Vous entendez derrière moi, ils font des annonces au mégaphone pour nous proposer de rentrer en Irak, nous explique Bahadin au téléphone. La vérité c’est qu’ils peinent à en trouver. »

Plusieurs vols ont ainsi rapatrié des centaines d’Irakiens majoritairement venus de Kurdistan. Mais selon notre interlocuteur qui tente lui-même de rejoindre l’Europe, il reste toujours 1 500 à 2 000 personnes dans ce hangar et dans les foyers aux alentours. Sans compter ceux qui attendaient à Minsk et qui continuent d’arriver à la frontière.

« Il y a très peu de volontaires pour retourner en Irak », selon Bahadin. Lui-même ne s’imagine pas retourner au Kurdistan irakien. Au-delà des plusieurs milliers d’euros qu’il a dépensés, Bahadin est depuis longtemps dans le collimateur des autorités de la région. Il est poète et l’une des figures du soulèvement populaire mené depuis une dizaine d’année contre la classe dirigeante. Cette expérience-là et sa maîtrise de l’anglais ont fait de Bahadin le porte-parole improvisé de cette foule d’êtres humains utilisés comme des pions au milieu du conflit entre la Biélorussie et l’Union européenne.

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Bruxelles accuse en effet Minsk d’aider les migrants à passer la frontière européenne pour déstabiliser l’Union. De leurs côtés, les autorités biélorusses tiennent pour responsables la Lituanie et la Pologne. Après avoir trouvé deux morts à leur frontière en début de semaine, elles ont accusé leur voisin de tuer des migrants pour ensuite traîner leur corps du côté biélorusse.

Entre les deux frontières, de nombreux disparus

Derrière ce ping-pong macabre, se joue en réalité un drame humain. « Plusieurs personnes qui ont tenté de rejoindre la Pologne dans la nuit, m’ont dit avoir piétiné deux ou trois corps », affirme Bahadin. Selon lui, au moins 200 personnes seraient actuellement bloquées dans la zone tampon entre les barbelés des deux pays. Chaque jour, des Kurdes irakiens le contactent pour l’informer qu’ils sont bloqués. Beaucoup d’entre eux n’ont plus donné de nouvelles depuis plusieurs jours. Il craint donc que le nombre de morts ne soit bien plus élevé que les 12 annoncés récemment par les médias polonais.

« La zone entre les deux frontières est large de 500 à 600 mètres, mais elle s’étend bien sûr sur plusieurs kilomètres, explique-t-il. Si vous êtes dans ce hangar, les policiers biélorusses viennent vous chercher le soir et ouvrent leur grillage. Ensuite, ils vous disent de marcher jusqu’à la frontière polonaise. Mais généralement, les gens se font rejeter côté polonais. C’est à ce moment-là qu’ils sont bloqués. S’ils tentent de retourner en Biélorussie, ils savent qu’ils se feront sévèrement tabasser. Alors ils restent là dans le froid à tenter d’entrer dans l’un des deux pays à un endroit de la frontière qui ne serait pas surveillée. »

À côté de Bahadin, Sirwan confirme : « Moi, je me suis retrouvé dans cette situation. Nous étions un groupe de 21 personnes et nous avons essayé de retourner en Biélorussie. J’ai cru que j’allais mourir. Les policiers biélorusses nous ont tapé pendant presque 3 heures avec les crosses de leur fusils et des matraques électriques. Ils ont lâché les chiens sur nous et ils nous ont ensuite ramenés dans un camp horrible sans nous donner ni eau ni nourriture. Ils nous ont dit que c’était une punition pour avoir voulu couper le grillage biélorusse. Au bout de deux jours et demi, ils nous ont finalement donné une bouteille d’eau pour les 21 personnes que nous étions. Une bouteille et un peu de pain et puis ils nous ont ramené dans ce hangar. »

Pourtant Bahadin et Sirwan s’estiment chanceux, par rapport à leurs camarades de voyage qui n’ont pas pu entrer dans ce hangar. Par le bouche-à-oreille, ils ont appris que ceux qui attendaient dans des appartements ou des hôtels à Minsk étaient maintenant systématiquement renvoyés en Irak ou détenus à l’aéroport. Malgré le froid, la faim et les coups, pour eux, il n’y a pas de doute, ils continueront leur chemin vers l’Europe

Auteur
RFI

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