L’immense Boualem Rabia est parti comme il a vécu dans la discrétion. Cette voix majeure de la culture kabyle s’est donc tue, mais son œuvre, elle, plurielle et riche, continuera de vibrer dans les cœurs et les consciences de tous ceux qui portent en eux la culture et la mémoire vive de la Kabylie et Tamazgha.
Né à Azazga, il y a 67 ans dans le creuset d’une terre fière et indomptable, Boualem Rabia n’a jamais cessé de cultiver l’héritage de ses ancêtres. De sa plume naquirent des œuvres de chair et d’âme, marquées du sceau de l’exigence, de la rigueur et de la beauté. Car Boualem, l’enseignant, le poète, le chercheur impénitent, n’écrivait pas pour combler le silence : il écrivait pour le nourrir, pour le faire résonner, pour lui donner des mots capables d’élever la langue amazighe au rang de chant universel.
Dès son plus jeune âge, la littérature fut son souffle. Il se rapprocha de figures tutélaires comme Mouloud Mammeri, dont l’ombre bienveillante le guida vers l’excellence. Bilingue subtil, habité à la fois par le français et le tamazight, il fit dialoguer ces deux langues dans des ouvrages devenus phares : Florilège de poésies kabyles, recueil vibrant où la parole ancestrale se mêle au lyrisme contemporain, et Nnig usennan, roman profondément enraciné dans l’imaginaire kabyle, réédité tant son impact fut grand.
À travers Si tala n Chcix Muhend, son essai consacré au grand poète Cheikh Mohand Ou Lhocine, Boualem Rabia retraça les sentiers spirituels d’un autre maître de la parole. Mais l’homme n’était pas seulement écrivain : il était professeur de français, poète dans l’âme, parolier du groupe Yougourten, scénariste pour le cinéma amazigh, peintre à ses heures, et animateur passionné d’émissions littéraires à la radio. Il vivait pour transmettre, pour faire éclore les graines de beauté dans les esprits fertiles. Boualem Rabia c’est aussi et surtout ses inoubliables émissions radiophoniques à la chaîne II avec Zira Lahouazi. Des pépites en la matière.
Et pourtant, derrière cette œuvre immense, se tenait un homme d’une discrétion bouleversante, humble et habité d’une passion sincère. Il n’a jamais cherché les feux de la rampe. C’est la lumière qui venait à lui, attirée par l’intégrité de son regard, par la noblesse tranquille de sa voix.
Sa disparition laissera un vide immense dans le paysage culturel amazigh. Mais son souffle, lui, ne s’éteindra jamais. Il continuera à vivre à travers tous livres et ses créations. Il traverse les montagnes, les poèmes, les notes de musique et les souvenirs partagés.
Boualem Rabia habite désormais la mémoire collective, comme une étoile parmi les siennes, guidant les générations futures vers les hauteurs de leur identité.
La veillée funèbre se tiendra ce vendredi 8 août 2025, au domicile familial situé en face de l’école Zaidat, à Azazga. L’inhumation aura lieu le lendemain, samedi 9 août, dans son village natal. Là où tout a commencé. Là où la terre saura garder précieusement celui qui lui a tant offert.
Yacine K.
La rédaction du Matin d'Algérie adresse ses sincères condoléances à la famille du défunt et s'incline à sa mémoire.