23 novembre 2024
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Rabah Belamri : 27 ans déjà

Rabah Belamri

Rabah Belamri nous a quittés le 28 septembre 1995. Une éternité. Cet écrivain prolifique a eu plusieurs cordes à son arc.

Poète : Le galet et l’hirondelle, L’olivier boit son ombre ; conteur : Contes de l’Est algérien, L’oiseau du grenadier, L’âne de Djeha ; romancier : Le soleil sous le tamis, Regard blessé, L’asile de pierre, Femmes sans visage, Mémoire en archipel ; essayiste : Jean Sénac, entre désir et douleur. Et chose assez rare chez nos auteurs pour être saluée ici, il a publié des ouvrages en édition bilingue (français, arabe), notamment : Proverbes et dictons algériens et L’âne de Djeha.

Dans ses œuvres, Belamri cadrait ses personnages en des lieux géographiquement déterminés (Oued Bousselem, Hammam Guergour, Bougaâ…) et en plantant les décors où se meuvent ses héros (il n’hésitait pas d’ailleurs à les faire parler en arabe dialectal ; en tout cas, à puiser leurs expressions dans le terroir local). Il est vrai aussi que le monde fascinant de l’enfance et l’Algérie en guerre et post-indépendance étaient des domaines de prédilection pour lui.

Ainsi dans Femmes sans visage, il décrit l’euphorie d’alors : « Les salves du fusil, les klaxons en folie, les vibrations de tambour… une rumeur de youyous ou de chants patriotiques diffusés par haut-parleurs. » Conteur émérite, il empruntait à la culture populaire algérienne « des symboles, des métaphores, des tournures de phrase, des rythmes de langage, des modes de narration ».

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Mais plus qu’un conteur, Belamri s’intéressait naturellement aux problèmes algériens ; ainsi, s’agissant de la condition féminine, pour lui : « Notre société sera condamnée à l’erreur et à l’impuissance tant que la femme ne sera pas prise en compte », car « symbole de liberté et de vie ».

Il dit non aux « idéologies de la régression. » Dans l’entretien que j’ai eu avec lui (in Le Soir d’Algérie du 18 octobre 1992), il me disait à propos de l’enfance : « Présents dans mes romans, les thèmes de l’enfance sont au centre du Soleil sous le tamis et de Mémoire en archipel. Ces deux récits, situés dans l’univers de l’enfance, se présentent à la fois comme une exploration des soubassements de mon être et comme une archéologie de la mémoire collective. »

Quant à la place des écrivains algériens de graphie française dans la culture nationale : « Voilà plus de quarante ans que la littérature algérienne de langue française a acquis une légitimité en Algérie et hors de l’Algérie. Imposée par l’histoire, elle est, qu’on le veuille ou pas, une réalité nationale. Vouloir chasser de notre mémoire littéraire Amrouche ou Sénac, Kateb ou Mammeri : un comportement d’automutilation. L’anathème jeté sur cette part de notre culture est franchement scandaleux. Il constitue une atteinte à la liberté d’expression et de création. »

L’absence de diffusion de ces œuvres algériennes en Algérie le révoltait, mais comme il le disait alors, cela ne l’empêchait pas de vivre dans la sérénité son rapport à la langue française qui « ne s’oppose pas à la langue de la mère, mais entretient avec elle un rapport d’échange créatif ».

Ammar Koroghli

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