23 novembre 2024
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Cancer du sein : entre les chiffres effrayants et les espoirs thérapeutiques

Santé

Cancer du sein : entre les chiffres effrayants et les espoirs thérapeutiques

L’actualité récente a été marquée par la dégradation de la sculpture de la fontaine d’Ain-Fouara à Sétif. L’auteur de ce regrettable acte de vandalisme a délibérément ciblé la partie qui symbolise la féminité : les seins. L’allaitement est la fonction physiologique fondamentale des seins et de nombreuses affections touchent cette glande, cependant depuis quelques années le cancer du sein est devenu un véritable problème de santé publique en Algérie. Cette maladie touche la femme non seulement dans son intégrité physique et psychologique mais également dans sa féminité.

En 2012, près de 6625 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en Algérie, le nombre de nouveaux cas ne cesse d’augmenter ces dernières années pour atteindre les 11000 nouveaux cas/an. Il représente environ 40 % de l’ensemble des cancers et devient ainsi le cancer le plus fréquent chez la femme. On estime à 3500 décès par an liés à la maladie et selon les résultats de l’étude Concord (registre de cancer de Sétif), le taux de survie à 5 ans est de 39% alors que dans les pays développé ce taux atteint les 90%. Le cancer du sein peut toucher la femme à tout âge.

En Algérie les patientes atteintes ont en moyenne 47 ans alors que dans les pays occidentaux l’âge moyen est de 60 ans.

Plusieurs facteurs participent au développement de la maladie. Le style de vie a une action non négligeable dans la carcinogenèse de ce cancer comme le tabagisme actif ou passif, la consommation d’alcool même modéré et l’obésité. Également, les antécédents personnels sont importants, ainsi toute femme qui a eu un cancer du sein a un risque plus élevé de développer un nouveau cancer du sein qu’une femme du même âge. les lésions bénignes mammaires associées à des atypies sont considérées comme des lésions précancéreuses, de même une irradiation du thorax dans le cadre de traitement d’une pathologie comme le lymphome par radiothérapie peut augmenter le risque de développer un cancer du sein. Enfin, 10 % des cancers du sein ont une origine héréditaire, c’est-à-dire une mutation génétique transmise de génération en génération, elle est responsable d’atteinte de plusieurs membre de la même famille (grand-mère, mère, tantes, sœurs) de cancer du sein précoce. La recherche a permis d’identifier un certain nombre de mutations de gènes parmi lesquelles BRCA1 et le BRCA2.

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La sensation d’un nodule (boule) à l’autopalpation, des écoulements, des lésions du mamelon, des douleurs mammaires ou un examen mammographique sont souvent des circonstances de découverte du cancer du sein. Le diagnostic de certitude est établi lors d’un prélèvement biopsique de la tumeur après un examen histologique sous microscope, il permet d’apporter des éléments d’importance capitale pour la prise en charge ultérieure.

Le plus souvent, une chirurgie conservatrice est réalisée en premier, elle permet l’extraction de la tumeur toute en préservant le sein ; c’est la tumorectomie. Elle consiste à retirer la zone tumorale avec une marge de tissu sain. Quand la tumorectomie est insuffisante l’ablation du sein est proposée ; c’est la mastectomie. Au cours de l’intervention chirurgical sur le sein, un ganglion lymphatique appelé sentinelle (premiers relais de la chaine ganglionnaire) est prélevé pour un examen histologique à la recherche d’une métastase ganglionnaire. Si toutefois, ce ganglion est atteint, une extraction de l’ensemble des ganglions situés dans le creux axillaire est réalisée lors d’une autre intervention.

Bien qu’elle ne soit pas systématique, une radiothérapie est souvent indiquée en complément de la chirurgie. Elle permet de contrôler localement la maladie, réduire les rechutes et augmenter de façon significative la survie. La radiothérapie est effectuée dans les 3 mois après la chirurgie. De nombreux effets secondaires existent, le plus souvent, ils sont transitoires mais ils peuvent persister durablement et laisser des séquelles.

La chimiothérapie peut être administrée avant la chirurgie dans certains cas, c’est la chimiothérapie néo-adjuvante, mais en général, elle est proposée après la chirurgie. Elle n’est plus systématique et son indication repose sur la présence ou non de facteurs de récidive histologiques et cliniques. Si le cancer a un haut risque de récidive, la prise de ce traitement est nécessaire car il a un impact certain sur l’évolution de la maladie, si ce risque est bas la chimiothérapie n’est pas indiquée. Ces dernières années, plusieurs tests ont été développés, ces outils appelés tests génomiques (Oncotype DX, Endopredict) permettent de mesurer le risque de récidive dans certains cas de cancer du sein. Le cout de ces tests est d’environ 3000 euros, rarement pris en charge par les caisses d’assurance maladies.

Les molécules de chimiothérapie détruisent sans distinction les cellules malades et les cellules normales ce qui engendre des effets secondaires désagréables pour les patientes. Les effets secondaires dépendent du médicament ainsi que l’état de sante des patientes. 4 à 6 cures espacées de 21 jours sont le plus souvent indispensable. La thérapie ciblée est une autre arme contre le cancer du sein, en effet c’est un traitement dirigé contre la protéine HER2 parfois exprimé en excès en surface des cellules de certains cancers du sein. La mise en évidence de la surexpression de HER2 détermine les patientes qui reçoivent ce type de thérapie.

Les hormones féminines (œstrogènes, progestérone) jouent un rôle important dans la croissance des cellules cancéreuses. En effet, la plupart des cancers du sein expriment les récepteurs hormonaux et sont dits hormonosensibles. Pour empêcher l’action de ces hormones, un traitement médicamenteux complémentaire est proposé à base d’anti-hormones, il est administré par voie orale sous forme de comprimé pendant 5 ans. Également, il existe des méthodes pour arrêter la production des hormones par les ovaires comme une ablation chirurgicale (ovarietectomie) ou une destruction par irradiation.

Chez la femme porteuse de mutation BRCA, un traitement chirurgical préventif est conseillé, il repose sur l’ablation des seins et des ovaires. Aujourd’hui, il existe des possibilités de reconstruction mammaire immédiate ou différé, il est réalisé par la pose d’un implant mammaire ou reconstruction par lambeau (muscle, ou tissu graisseux).

Un des problèmes majeurs de la prise en charge des cancers du sein est le stade tardif de découverte (plus de la moitié des cancers du sein diagnostiqués sont des tumeurs de grande taille et présentent un envahissement des ganglions), le pronostic en termes de survie et de morbidité en dépend. Indépendamment des moyens mis en place pour la prise en charge des patientes atteintes du cancer du sein, il est impératif de sensibiliser les femmes sur leur rôle dans le dépistage des lésions aux stades les plus précoces par l’autopalpation régulière et la consultation au moindre changement constaté sur le sein. Également, il est important qu’elles participent au programme de dépistage du cancer du sein qui propose gratuitement à toutes les femmes de plus de 40 ans une mammographie renouvelable chaque 2 ans.

Grâce au progrès thérapeutiques, l’actrice américaine Angelina Joly qui a subi une double mastectomie garde toujours son élégance et sa féminité, espérons que la sculpture de la fontaine d’Ain-Fouara retrouvera rapidement sa beauté et sa tendresse.

Auteur
Dr Tarik Yadaden, MD MSc

 




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