Cannes Classics a célébré les 50 ans d’une Palme d’or algérienne, décernée en 1975 à Mohamed Lakhdar Hamina pour Chronique des années de braise, une fresque sur les étincelles qui mèneront à la guerre d’indépendance.
Une version restaurée a été présentée vendredi sur la Croisette, 50 ans après obtenu cette récompense. C’était le lendemain de son décès à Alger à un âge canonique.
Cette fresque cinématographique pleine de lyrisme retrace les années qui précèdent le soulèvement de novembre 1954, dans un pays au prise avec un colonialisme violent et cynique, qui refuse de voir les réalités terribles auxquelles étaient confrontés les indigènes, autrement dit, les Algériens.
Mohamed Lakhdar Hamina expliquait alors : « C’est un film contre l’injustice, contre l’humiliation. Ce qui domine, c’est la motivation de la guerre d’Algérie. Pour les jeunes qui n’ont pas connu cette époque, ça les aidera à la comprendre. Les plus âgés reconnaîtront l’authenticité des faits relatés. »
Célébration des 50 ans de la Palme d’or
Pour les 50 ans de cette palme attribuée à Mohamed Lakhdar Hamina, Sofiane Zemani a prononcé ce discours au festival de Cannes a l'occasion de la projection de "Chronique des Années de Braise"
« Je m’appelle Sofiane Zermani, comédien, rappeur et producteur, je suis né en France, mes parents sont venus d’Algérie. Je suis de cette génération qu’on appelle parfois « les Beurs », entre deux rives, entre deux mémoires, entre deux histoires qui se regardent sans toujours se parler.
Et aujourd’hui, je suis ému, fier et reconnaissant d’être ici à Cannes, pour rendre hommage à un monument du cinéma : Mohamed Lakhdar-Hamina.
« Chronique des années de braise », ce n’est pas juste un film. C’est un cri d’humanité, une œuvre de vérité; C’est un morceau de notre histoire, celle qui brûle encore dans les silences, dans les blessures, dans les souvenirs qu’on nous a trop souvent appris à taire.
Ce film c'est la voix de nos grands-parents. C'est la marche de ceux qui n'avaient rien, sauf leur dignité. C'est une lumière dans la nuit de l'oubli.
Et ce soir, cette lumière brille à Cannes.
Alors je veux dire merci. Merci au Festival de Cannes. Merci d’avoir eu le courage d’honorer un homme, un film, une mémoire; Ce n’est pas un geste banal. C’est un acte fort. C’est un pont tendu entre les peuples, entre les générations. C’est une main posée sur l’épaule de ceux qui ont été invisibles trop longtemps.
Mohamed Lakhdar-Hamina, par son œuvre, a fait ce que peu d’hommes savent faire : il a raconté la douleur sans la haine, la lutte sans vengeance, l’histoire sans l’effacer. Il a filmé pout guérir; Il a filmé pour rassembler.
Et pour nous, les enfants d’ici avec le cœur là-bas, Chronique des années de braise nous dit « Vous avez le droit de savoir. Vous avez le droit de vous souvenir. Vous avez le droit d’être fiers ».
Ce film, c’est un héritage. Et cet héritage, on le porte avec amour, avec respect, et avec la promesse de ne jamais oublier.
Alors merci à vous, Lakhdar-Hamina
Merci au Festival de Cannes
Merci à tous ceux qui savent que la culture, la vraie, celle qui vient du cœur et qui parle à l’âme, c’est ça qui fait avancer le monde. »
Mohamed Lakhdar Hamina, le cinéma comme mode de résistance
Né un 26 février 1934, alors que l’hiver s’éteint lentement sur les hauteurs pierreuses de M’sila, Mohamed Lakhdar Hamina voit le jour dans une humble demeure, fils de la terre, enfant des hautes plaines et du silence paysan.
Le destin, en habits simples, le mène à comprendre très tôt le sort fait par le colonialisme français aux Algériens.
Mais l’Histoire, avec ses crocs cruels, ne tarde pas à le rattraper. Pendant que la guerre d’indépendance fait trembler les montagnes et les plaines, son père est arraché à la vie par les mains froides de l’armée française : enlevé, torturé puis assassiné. Le jeune homme, alors appelé sous les drapeaux en 1958, choisit le refus et l’engagement — il rejoint le gouvernement provisoire algérien (GPRA) installé à Tunis. Là, on l’interroge : « Quel est ton métier ? » Il répond, avec une bravade qui frôle le rêve : « Cinéaste ». Il ne l’est pas encore. Mais le cinéma est déjà en lui.
Apprenant sur le vif, façonné par les actualités tunisiennes, il tourne ses premiers courts-métrages, découvre le regard à travers l’objectif, et affine son art à Prague, dans une école de cinéma où il apprivoise la lumière et la narration. De cette éducation rude et libre naît une œuvre habitée par la guerre, mais qui refuse les raccourcis et les conforts idéologiques. Une guerre qu’il explore sans fard, sans héros faciles.
On la retrouve dans « Hassen Terro » (1968), satire mordante portée par l’inimitable Rouiched, antihéros candide aux accents uniques, dans « Décembre » (1973), où la figure du père supplicié devient symbole d’un peuple meurtri, et bien sûr dans « Chronique des années de braise », fresque puissante où il disait puiser dans la mémoire pour retrouver « le ton juste ».
Mohamed Lakhdar Hamina n’est pas homme à se taire. C’était un cinéaste qui tonnait sur les plateaux comme hors champ, porté par une colère ancienne et une tendresse intransigeante. Avec « Vent de sable » (1982), il lève le voile sur l’enfermement des femmes dans les sociétés musulmanes, dédicaçant ce cri à sa mère, figure sacrifiée des 16 maternités : « Je l’ai toujours connue enceinte et cloîtrée », confiera-t-il.
Il évoque aussi l’éveil du cœur, l’innocence bouleversée, dans « La Dernière image » (1986), où il raconte son amour d’enfance pour son institutrice française, incarnée par Véronique Jannot — comme un dernier écho d’une Algérie plurielle, encore possible.
Au lendemain de l’indépendance, il devient directeur des actualités algériennes jusqu’en 1974, puis dirige, entre 1981 et 1984, l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique. Mais déjà, il a choisi la fiction comme territoire de vérité.
Son premier long-métrage, « Le Vent des Aurès » (1967), est un choc. Inspiré par le combat obstiné de sa grand-mère pour retrouver son fils, captif des Français, le film, traversé d’amour maternel et de paysages déchirés, reçoit le Prix de la première œuvre à Cannes. Ce souffle venu des montagnes annonçait déjà un auteur majeur, un témoin, un homme debout.
Rabah Aït Abache
Paix à son âme
Mais il a trompé son doigt de le khez algérien.
Il a une dette envers les étudiants de boumerdes figurants sans jamais touché un dinar.