19 avril 2024
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Cent deux Non, Sans eux Oui

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Cent deux Non, Sans eux Oui

Bouteflika et Gaïd Salah. Deux hommes, un agenda.

En appelant le mardi 26 mars 2019 à destituer, via l’Article 102 de la Constitution, Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Gaïd Salah ne satisfait pas les désidératas de millions de personnes descendues battre le pavé des différentes villes et zones territoriales du pays.

À partir de la 4e région militaire (wilaya d’Ouargla), le vice-ministre de la Défense se félicitait des « (…) marches populaires pacifiques (…) revendiquant des changements politiques » mais prévenait que ces mobilisations, « (…) pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, qui usent de manœuvres douteuses visant d’attenter à la stabilité du Pays. ».

C’est donc encore en vertu de la protection d’une population menacée par les supposés « desseins abjects » de mains endogènes ou étrangères que jaillira soudainement du chapeau un décret (article 102) arbitral maintes fois réclamé (en vain) dans le souci de planifier l’intervalle transitoire, d’éviter justement la présente crise institutionnelle.

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Le recours ultime à cette disposition ne dérogeant pas au cadre (non pas celui cerclant la figure de Bouteflika, mais constitutionnel), le chef d’État major emploie la méthode Coué pour dire que l’artifice convient «(…) aux revendications légitimes du peuple algérien ».

Croyant avoir déterré la pierre philosophale « (…) à même d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions, et faire l’unanimité de toutes les parties», le décideur habilité n’assume finalement que le service minimum servant à tracer la voie royale du futur coopté d’El Mouradia. İl ne s’agit donc pas chez lui d’ouvrir un processus démocratique évolutif mais d’entrevoir un remplacement légal à acter suite à l’application qui statuera l’impossibilité d’assumer des prérogatives présidentielles. Une fois celle-ci approuvée, le Conseil constitutionnel demandera au Parlement de valider l’intérim de 45 jours.

Seulement, Abdelkader Bensalah (le président du Conseil de la nation) ne prorogera (selon l’Article 104) la déclaration de vacance qu’en cas de démission du Président toujours en fonction. Autrement dit, si Ahmed Gaid Salah propose, Bouteflika dispose, notamment d’une carte majeure puisqu’il demeure toujours le maître du jeu, c’est-à-dire de la négociation.

Prompt à faire la Réconciliation nationale et attentiste lorsqu’il faut parlementer autour du « dégagisme », l’assigné à la résidence médicalisée de Zéralda signera l’espéré bond de délivrance lorsque l’ensemble de la fratrie aura assuré ses arrières, obtiendra des garanties crédibles.

Le deal paraphé, le Conseil constitutionnel constatera définitivement la vacuité d’un pouvoir qu’assumera le président du Conseil de la nation pendant 90 jours, terme au bout duquel se tiendra un suffrage qu’accommodera le chef de l’Exécutif, Noureddine Bedoui.

À la tête du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaiz (un très proche de Bouteflika reconduit anormalement à ce poste) surveillera les résultats d’un scrutin duquel pense sortir vainqueur Ahmed Ouyahia. Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) se frotte les mains et applaudit à l’initiative d’un général de Corps d’Armée dont les revirements dénotent moins le souhait de commander les leviers du système que d’aménager, lui aussi, sa retraite dorée (il a 83 ans).

On ne prendra donc pas forcément aux mots Ahmed Gaïd Salah, particulièrement lorsqu’il décline le contournement de la Constitution. Celle-ci a été tellement traficotée au gré des lubies de Bouteflika qu’elle n’a vraiment plus de légitimité.

S’en passer, dissoudre l’Assemblée (à fortiori les deux Chambres) au moment où des corporations (avocats, magistrats, journalistes, philosophes, sociologues, anthropologues, écrivains, artistes, scientifiques, économistes, etc…) nommeront des représentants chargés de traiter directement avec le haut commandement militaire, voilà à notre sens un coup d’éclat à bandes multiples, une solution à l’impasse politique, une manière d’éliminer plusieurs groupuscules zélateurs et corrupteurs. Aux concessions de quelques généraux impliqués au stade de tractations ou commissions maffieuses, le collège d’intellectuels répondra en accordant certaines clémences.

Dans ce cas, Mostefa Bouchachi (comme Saïd Sadi, il n’envisage pas, à tort, de mettre en exergue des individus compétents et sans reproche) verra de facto l’annulation de l’Article 102 (d’après lui, « (…) une forme d’avortement du soulèvement pacifique ») et l’ensemble des administrations, organismes officiels, ambassades ou consulats retirer le 28 avril 2019 le « Cadre » de substitution, refuser de voir se proroger un statu quo qui n’a que trop duré.

Nous envisagions d’abord Mouloud Hamrouche comme l’Homme capable de décanter l’intenable situation, d’autant mieux qu’il veut ranger le FLN au rayonnage patrimonial de l’Histoire. En le plébiscitant opportunément en tant que possible prétendant à la magistrature suprême, Amar Saadani (ou Saïdani) a en quelque sorte court-circuité l’option liminaire.

L’ancien Premier ministre a évidemment décliné la probabilité entrevue du côté de ce porteflingue de la « Famille révolutionnaire » (à travers une invitation lancée en direction des imams et zaouïas, l’adepte des chemins tortueux cherche à remobiliser les corps intermédiaires de l’islamo-conservatisme), car, et à l’image de Mohamed Boudiaf, il hésite, réfléchit avant de poser le pied au milieu du panier de crabes.

Envisager une campagne présidentielle en septembre 2019 (période à laquelle amènera les 135 jours d’atermoiement ou stand by) alors que le champ médiatique reste verrouillé, que les fidèles serviteurs de l’État profond n’attendent que les ordres pour bourrer les urnes ou octroyer plusieurs cartes, c’est privilégier la foire d’empoigne, aller tout droit au cœur du traquenard parfois sollicité au nom de la dégradation économique, laquelle s’arrangera immanquablement à la suite du Grand nettoyage.

Auteur
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art

 




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