Dimanche 7 juin 2020
Ces profils atypiques qui veulent se faire une place en politique !
Aura-t-on un Beppe Grillo algérien pour soulever les foules ?
Le populisme est le plus dangereux des narcotiques, le plus puissant des opiums pour endormir et anéantir l’intelligence, la culture, la patience et l’effort conceptuel. (Michel Onfray)
En France, de l’humoristique au politique : le pas a été vite franchi par Jean-Marie Bigard ! Critique à l’égard du gouvernement, il avait pris la parole dans une vidéo début mai. Il évoquait notamment la mauvaise gestion de la crise sanitaire, et militait pour la réouverture de ces lieux de vie si chers aux Français. À la question d’une possible candidature à l’élection présidentielle de 2022, il a tout simplement répondu « ça pourrait m’intéresser, si ça pouvait aider le peuple. Oui, ça pourrait me tente ». L’humoriste souhaite « donner une voix sincère », plus franche et plus directe.
Jean-Marie Bigard pose une condition à sa possible future candidature : « Ne faire partie d’aucun parti politique ». L’humoriste n’envisage donc pas soutien ou adhésion à un parti. Il se dit « flatté » que « sa voix, sa carrière, ses idées, passent joyeusement à travers le peuple et les gilets jaunes ».
La déclaration de Jean-Marie Bigard n’est pas sans rappeler la brève candidature de Coluche à l’élection présidentielle de 1981 qui a déclaré : « j’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les apprentis, les noirs, les piétons, les chevelus, les fous, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques, à voter pour moi, à s’inscrire dans leurs mairies et à colporter les nouvelles ».
Rappelons pour mémoire, que lors des élections présidentielles françaises de 1981 plusieurs sondages ont placé Coluche en troisième position avec 10 à 12% d’intentions de vote et qu’il a recueilli 632 promesses de signatures d’élus (pour se présenter, il lui fallait en recueillir 500).
Jusqu’à ce que «l’établissement politique » s’en mêle, pour le faire abandonner, lui qui a bâti sa stratégie politique, sur son fameux slogan de campagne: «jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! ».
D’autres exemples, plus récents, démontrent le succès que peuvent obtenir des profils atypiques en politique. Dans plusieurs pays, des comiques ont réussi à se faire une place sur l’échiquier politique, à la surprise générale.
Il y a eu déjà, l’humoriste Beppe Grillo en Italie. Personne ne le « calculait » comme on dit chez nous. Son mouvement 5 étoiles avait l’air ridicule, jusqu’à ce qu’il arrive en troisième position dans les urnes. Il a obtenu lors des élections de février 2013, entre 23 et 25% des suffrages pour chaque chambre du parlement.
Son programme politique tenait du slogan : « tous des voleurs, tous des menteurs ». Ce genre « d’engagement politique », qui tient du populisme, commence à se multiplier et l’apparition de Beppe Grillo n’est en fait, que la dernière en date.
En Allemagne tout d’abord ou le « Parti des Pirates » s’appuie sur une plate-forme, mêlant idées de droite et de gauche, et proposant, par exemple, un revenu qui serait garanti à tous les citoyens, sans exigence de contrepartie.
Leur programme, en forme de résolution numérique, prévoit le libre accès à l’information sur internet, la légalisation du partage, la protection des donnés personnelles, la transparence de la vie politique et l’ouverture des données publiques. L’autre exemple se situe en Haïti, où le vainqueur des élections présidentielles de 2011-2012, à l’issue d’une suite de crises, fut un chanteur, Michel Martelley, qui passe du statut d’aimable plaisantin, à celui de candidat de tous ceux qui étaient remontés contre le gouvernement.
En Grèce, le parti « Aube dorée » s’est lancé dans l’aventure, avec une base électorale de 20.000 personnes. Il a totalisé 420.000 voix, équivalent à 18 sièges au parlement. La seule constante qui guide tous ces électeurs d’Europe, des Antilles et d’ailleurs, tient de leur écœurement de la politique telle qu’elle leur est proposée, par les partis en place. Et surtout l’incapacité de ces derniers d’apporter des solutions concrètes aux problèmes posés aux citoyens tels que le chômage, l’absence de logement et de loisirs. Mais l’exemple le plus récent reste l’acteur et humoriste Volodymyr Zelensky, devenu président de l’Ukraine en 2019.
Est-ce que tout cela, peut arriver en Algérie ?
Le terrain est-il favorable à l’émergence de ce type de candidat sorti de nulle part ? Ou de mouvement spontané ?
En tous les cas, les ingrédients nécessaires à l’éclosion d’un tel personnage, sont déjà en place :
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un décor de morosité politique extrême.
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un ras-le-bol des électeurs.
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une crise sanitaire, économique et sociale
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un rejet du personnel politique.
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un mouvement, plus ou moins, contestataire, le Hirak, par exemple, qui peut constituer le socle idoine, sur lequel pourrait s’appuyer « notre Beppe Grillo national»
Ses lettres de noblesses, il les aura acquises, non pas dans le militantisme politique classique, mais sur les planches, ou le cinéma où se jouent les mélodrames reproduisant la vraie vie des algériens.
En vrai, qui mieux qu’un comique, peut se targuer d’emballer les foules et d’en faire des fans inconditionnels ! Et Hadj Attallah, était de ceux-là : n’a-t-il pas été élu député de sa région? Au suffrage universel, alors qu’il n’était même pas prédestiné à embrasser une carrière politique, préoccupé qu’il était par son petit rôle « d’aarroubi »,qu’il campait avec plus au moins de bonheur ?
De ce qui précède, l’apparition d’un Beppe Grillo algérien reste du domaine du possible, tant en ce qui concerne les élections locales à venir, voire même la prochaine présidentielle !
Pour cela, il n’aura qu’à adopter un discours véhément, fait de protestation et d’invective. Un discours populiste en somme. Il affichera des positions « alter scientifiques » consistant à nier les résultats de la science au nom d’une idéologie ou d’une philosophie, qui a failli, soit-dit en passant, nous mener à la ruine et qui continue, paradoxalement, à parler à beaucoup de nos concitoyens. La route lui est d’ailleurs balisée avec la morosité des partis politiques algériens et l’indigence de leur programme.
C’est ce qu’il faut pour enflammer le peuple, dégoûté de voir les mêmes figures l’entretenir de politique et les mêmes personnages se transmettant les maroquins, dans une ambiance « de long fleuve tranquille ». Dans ce cas là, l’électorat national, n’aura d’autre choix que de se reposer, une fois encore sur deux repoussoirs :
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Celui des partis majoritaires dits « de l’alliance présidentielle », soit le FLN et le RND maintenant « revigorés » et prêts à rouler pour tout candidat du « consensus ».
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Ou celui du populisme, d’où qu’il vienne.
Le premier, lui proposera un vote-refuge, avec en prime de poursuivre son programme « dans la continuité », appuyé en cela par des partis « traditionnels » qui ne proposent ni sortie de crise ni perspectives.
Le second, adepte de la politique spectacle, qui ne s’appuie que sur la protestation et l’incantation, en guise de programme lui proposera de « tout faire péter», de sortir les sortants et d’éjecter les personnels en place, sans plus. Or, et depuis le 22 février 2019, ces deux politiques et ceux censés les porter, sont en décalage complet avec la réalité vécue par les gens, sur tous les plans.
Par conséquent, le « dégagisme » fera florès longtemps encore.