Lundi 16 avril 2018
C’est dans de pareils drames que l’on aurait voulu entendre le président
L’Algérie est en deuil : elle a perdu 257 de ses valeureux enfants. Tout le monde les pleure. Le drame est tel que des centaines de milliers, voire, des millions de messages de réconforts sont échangés entre les enfants de Novembre, qui pour dire son émoi, qui pour exprimer sa solidarité avec les familles des victimes.
L’heure du recueillement passée, on se retrouve à réfléchir sur ce qui a causé ce drame, mais aussi, sur ce qui manquait à un peuple touché dans sa chair. Les messages des officiels n’ont pu apaiser la douleur que tout un chacun ressent encore. Il manquait une chose de plus important.
C’est dans de pareilles circonstances tragiques que le peuple aurait voulu entendre son président, le voir se rendre sur les lieux, prendre des décisions courageuses, parler aux familles des victimes et saluer solennellement leurs mémoires. C’est dans la douleur qu’un chef de l’État doit apparaître pour s’adresser aux Algériens meurtris et prononcer des mots forts, pour apaiser, réconforter, se recueillir et rassurer.
A quoi ont eu droit les familles éplorées, et toutes les personnes atterrées par ce drame ?
Un message diffusé par une agence, lu par une tierce personne, par une journaliste, retransmis par des radios ou des télés, aussi long et aussi fort qu’il puisse être, ne peut aucunement remplacer des mots vibrants qui font frissonner des gens et des cœurs affligés.
On n’ose même pas imaginer, une Algérie confrontée à une catastrophe plus grande où des décisions doivent être prises au nom du peuple, et où l’on engagerait l’intégrité physique de nos concitoyens. Une situation de catastrophe naturelle ou pire, d’un conflit armé. Même le Premier ministre s’est contenté d’un message de condoléances, comme n’importe quel gouvernement étranger ! N’aurait-il pas dû se déplacer sur les lieux du drame ? Rendre visite aux familles des victimes de ce drame ? C’est une évidence, un deuil de trois jours décrété par qui de droit sans les gestes solennels à la hauteur de la gravité de la situation, ne suffit pas pour panser la douleur.
Nous sommes hélas une nation sans guide, sans aiguilleur, comme une peuplade sans boussole, qui perd son nord, qui erre dans le désert, qui tâtonne.
L’horloge nationale est en panne ! Le temps est comme suspendu à d’improbables échéances.
Les discours par les prises de positions fortes et le choix des mots ont changé biens des situations compromises et même l’issue des guerres. Qui pourrait imaginer l’issue de la guerre d’indépendance de l’Algérie sans les discours de Ferhat Abbas ou de Krim Belkacem, ou celle de la Seconde Guerre mondiale, sans les mots retentissants d’un Churchill, ou du général De gaulle ?
Les discours à la nation d’un président ou d’un souverain ont une telle importance que certains sont devenus mémorables et ont rejoint définitivement la mémoire indélébile de l’Histoire. Le discours du 3 septembre 1939, par lequel George VI annonçait au monde l’entrée en guerre des Britanniques était attendu, non seulement, parce que ce roi était bègue, mais aussi parce qu’en face, au pays des nazis, un orateur belliqueux savait enflammer les foules par la simple force des mots. Dans ce sens, le discours du roi bègue est resté dans les annales, parce qu’il avait rempli son objectif de montrer au monde entier, qui attendait un discours ferme et plein de détermination, que les Britanniques étaient résolus et armés d’un courage infini pour affronter la machine destructrice nazie.
Les Algériens auraient voulu entendre leur président leur dire que le drames qu’il ont vécu n’allait plus se reproduire, que toutes les mesures sont prises pour désigner les responsabilités, que leur pays se relèvera, qu’il fera tout pour que les victimes soient dignement honorées, qu’elles auront des obsèques nationales qu’il veillera personnellement à organiser. Mais de tout cela, nous n’avons rien vu, rien entendu. C’est doublement dramatique. Affligeant même.