22 novembre 2024
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C’est l’été : gare aux pyromanes !

Tribune

C’est l’été : gare aux pyromanes !

La fréquence des incendies en Algérie n’a cessé d’augmenter à travers le temps, avec un nombre de feux quatre fois plus élevé que pendant la période coloniale, dépassant pour les trois dernières années 3500 feux par an.

Il n’est pas normal, estiment les experts, que les points d’éclosion de grands feux reviennent à intervalles réguliers dans certaines de nos régions et les changements climatiques n’en sont pas les causes principales, affirment-ils !

Ils pointent du doigt le nombre croissant des habitants en prise directe avec la forêt même si les années noires de grands feux sont des scénarios sans cesse répétés. Ils sont surtout exacerbés par la pression démographique et l’interpénétration croissante des espaces forestiers et de l’habitat qui font que les enjeux s’accroissent considérablement.

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L’analyse des feux passés, survenus dans les 40 wilayas les plus boisées du nord du pays, fait ressortir que durant la période 1985-2010, l’Algérie a enregistré 42 555 incendies qui ont parcouru une superficie totale de 910 640 hectares.

L’Algérie est l’un des pays où le problème des feux de forêt doit être pris en rapport avec le modeste tissu végétal, car si en valeur absolue les superficies brûlées restent, relativement, modestes comparativement à certains pays du bassin méditerranéen, la rareté des forêts et les menaces de désertification font que les incendies ont un impact particulièrement désastreux.

De plus, notre pays ne possède que 4,1 millions d’hectares de forêt, soit un taux de boisement de 1,76 % !

Chaque année donc, des milliers d’hectares de forêts sont dévorés par les flammes. Les incendies se déchaînent surtout entre  les mois de juin et de septembre. La faune, la flore, le tourisme et l’air ambiant sont les principales victimes des feux de forêt qui ont ravagé ces dernières années les massifs montagneux de l’Algérie. En Kabylie, dans l’Ouarsenis, Skikda et beaucoup d’autres contrées !

Ces catastrophes ont bien sûr fait réagir d’autant plus que derrière les récents incendies, des criminels pyromanes ont agit pour propre compte ou pour des lobbies.

Si les causes directes des feux sont le plus souvent humaines, que ce soit par des départs de feu accidentels ou criminels, les études tendent à prouver que l’augmentation de l’étendue des dégâts est une répercussion du changement climatique qui assèche la végétation et entraîne une augmentation du risque des feux des forêts. Les températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et assèchent l’eau contenue dans les sols. Ces deux faits conjugués rendent plus propice le risque d’incendie.

Mais les spécialistes sont allés plus loin en affirmant avoir identifié 29 motifs d’incendies possibles pour l’Algérie ! Ils les ont divisés en trois catégories :,Naturels ; accidentels et ar négligence et par malveillance. Il y a de quoi faire donc.

Ces experts sont arrivés à la conclusion qu’en Algérie, il n’existe pas de « programme institutionnalisé d’enquêtes sur les motifs des incendies » ! Ce qui réduit, selon eux, l’efficacité potentielle des initiatives de prévention, par manque d’actions ciblées sur les groupes humains responsables. La prévention, disent-ils, restera donc vouée à l’échec. Et ancrée à des modèles maintenant dépassés qui ne s’appuient que sur des infrastructures du type pistes, points d’eau et pare-feux.

Le ministre de l’Intérieur s’en est tenu, quant à lui à son idée, à savoir que des nombreux incendies qui ont ravagé l’été dernier des milliers d’hectares de forêts dans les wilayas du pays, ont été causés par des « mains criminelles » ! Et la motivation de cette « pyromanie » est avant tout pécuniaire !

Il rejoint en cela Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des Travailleurs qui avait estimé que l » »on est en face de prédateurs du foncier ; c’est une opération politique, une vengeance orchestrée par des centres prédateurs dérangés visant à garrotter la prédation, récupérer le foncier agricole détourné de sa vocation ou utilisé, exclusivement, comme garantie pour l’obtention des crédits bancaires qui ne donnent lieu à aucun projet ».

C’est maintenant établi : des maffieux tirent profit des hectares dévastés qui sont récupérés pour les besoins des promoteurs immobiliers sans scrupules. Il y a aussi l’escroquerie à l’assurance pratiquée par certains pour retaper leurs maisons ou se faire rembourser leurs plants ! Il y a également les chercheurs de miel sauvage qui n’hésitent pas à enflammer les branches pour récupérer le produit.

Que font, entre- temps, les collectivités locales ?

  1. Disposent-elles, par exemple, d’un système d’alerte rapide pour signaler tout départ d’un feu ?

  2. Ont-elles conçues et mis en œuvre des aménagements adéquats pour faciliter l’intervention des services compétents en matière de lutte contre les feux de forêt ?

  3. Ont-elles procédé en temps et en heure, aux débroussaillages nécessaire des endroits à risque

  4. Ont-elles identifié les moyens humains et matériels à mobilier rapidement en cas d’incendie ?

Le laisser-aller, et les interventions conjoncturelles d’un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit.

Mais force est de constater qu’en l’absence d’une stratégie d’intervention à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels. 

Autre question : nos communes disposent-elles d’un plan ORSEC ?

Oui avait répondu indirectement un élu de l’APW de Tizi-Ouzou en ce qui concerne le plan ORSEC ; il affirme toutefois que « les plans de lutte contre les incendies sont très mal adaptés et vraiment dérisoires dans une wilaya telle que Tizi-Ouzou dont le boisement occupe 38 % de sa surface totale». 

Et à l’élu d’asséner : «Le plan ORSEC a démontré tout au long de cette calamité exceptionnelle, qu’il était tout simplement obsolète, car il n’a pas répondu à l’urgence du moment ». Il en est ainsi des 600 autres communes dont les plans ORSEC nécessitent, pour le moins, et de l’aveu du responsable de la Délégation aux risques majeurs dépendant du Ministère de l’intérieur, des opérations de mise à niveau de moyens d’intervention et de lutte contre les risques majeurs. 

Et pas que ! La mise à niveau concerne aussi les responsables des collectivités locales, et leur formation à la gestion des risques majeurs. Dans une époque pas si lointaine les présidents d’APC avaient bénéficié d’une formation de 5 semaines à l’ENA, en matière « de management opérationnel et de gestion des risques ». 

De plus, les communes étant sommées de fonctionner comme des « entreprises » ; elles ont été dotées de tous les équipements et autres engins à même de leur permettre de suivre et de réaliser leurs projets, mais aussi, en cas de besoin, pour, pouvoir intervenir pour dégager les voies de circulation et réaliser les opérations de secours. 

En plus de ces dotations, les 1541 communes du pays ont bénéficié de l’apport de cadres techniques de haut niveau : 1000 architectes et ingénieurs ont été ainsi recrutés et déployés dans les collectivités locales. 

Question : où sont passés ces moyens humains et matériels ?

Le ministre de l’Intérieur, des collectivités locales et de l’aménagement territorial serait bien inspiré de lancer « un audit » à ce sujet ou pour le moins, dépêcher une inspection pour connaître les causes de ce gâchis !  

De ce qui précède, nos responsables locaux, dont la responsabilité est engagée, seraient bien inspirés après tous ces incendies et les pertes humaines et matérielles qu’ils ont occasionnées, de relire le code communal et de méditer, quelque peu, sur deux dispositions en particulier :

  1. Celle relative à l’article 145 qui stipule : « Toute décision prise par le président de l’Assemblée populaire communale, ne tenant pas compte des avis, dûment exprimés par les services techniques habilités, entraînant des préjudices au citoyen, à la commune et/ou à l’Etat, font encourir à son auteur les sanctions prévues par la législation en vigueur ».

  2. Ou encore celle concernant l’article 147 qui stipule : « En cas de catastrophe naturelle, la responsabilité de la commune n’est pas engagée à l’égard de l’Etat et des citoyens s’il s’avère que la commune a pris les précautions prévues à sa charge par la législation et la réglementation en vigueur ».

Les étés meurtriers et les incendies ont marqué profondément les populations durement touchées dans leurs chairs et leurs biens. Elles s’attendaient, pour le moins, et devant la gravité de la situation, à ce que le gouvernement classe leurs régions « zones sinistrées ». Il n’en fut rien, à leur grand désespoir !

C’est cette insolente torpeur , le manque de réactivité, voire l’indifférence des institutions, tant centrales que locales ,à l’égard de la détresse des populations qui a provoqué par le passé la désaffection de ces dernières à l’occasion des élections ,a tenu à le rappeler opportunément un éditorialiste .

Il est certes vrai que Noureddine Bedoui, le ministre de l’intérieur, des collectivités locales et de l’aménagement territorial s’était déplacé dans les zones « mangées » par les flammes ; il était toutefois accompagné d’un wali « en tenue d’apparat, d’un blanc immaculé » ; se présentant ainsi aux citoyens hagards dans des lieux dévorés en partie par les flammes n’était pas de nature, vraiment, à renforcer « le lien », ou pour le moins remonter le moral de populations qui ont tout perdu.

C’était plutôt contre productif et le dire ne participe pas forcément de la critique, si la leçon est assimilée.

 

Auteur
Cherif Ali

 




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