14.9 C
Alger
AccueilMise en avantClémence présidentielle : quand la grâce devient sélective

Clémence présidentielle : quand la grâce devient sélective

Date :

Dans la même catégorie

Mohamed Amine Belghit s’excuse auprès du Tebboune après sa grâce

​L'universitaire et enseignant en histoire anti-amazigh, Mohamed El Amine...

Algérie : quand l’État « socialise » la justice économique

Alors que la lutte contre la corruption demeure une...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

La libération récente de figures intellectuelles et politiques par décret présidentiel a ravivé le débat sur l’usage de la grâce en Algérie. Si ces décisions sont saluées comme des gestes d’apaisement, des militants politiques et des juristes y voient surtout une clémence appliquée de manière discriminatoire, profitant à quelques profils médiatisés tandis que des dizaines de détenus d’opinion, moins visibles, demeurent incarcérés ou poursuivis arbitrairement.

C’est dans ce contexte que la grâce présidentielle accordée à l’enseignant universitaire en histoire Mohamed Lamine Belghit, après celle dont a bénéficié l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, a suscité un soulagement immédiat dans certains cercles intellectuels et politiques. Mais au-delà de ces libérations à forte portée symbolique, la décision a ravivé un malaise plus profond : celui d’un recours à la clémence perçu comme sélectif, appliqué au cas par cas et détaché d’une approche globale de respect des libertés fondamentales.

Pour l’avocat Me Hakim Saheb, si la libération de toute personne détenue pour ses idées, ses écrits ou son engagement pacifique demeure « une bonne nouvelle en soi », elle met néanmoins en lumière un « deux poids, deux mesures » dans l’usage de la grâce présidentielle. Selon lui, la sortie de prison de figures connues, bénéficiant d’un certain écho médiatique ou de soutiens influents, contraste brutalement avec la situation de centaines d’autres détenus d’opinion, moins visibles, toujours incarcérés.

Journalistes, militants du Hirak, défenseurs des droits humains, activistes amazighs ou simples citoyens ayant exprimé un désaccord : pour Me Saheb, ces profils composent une réalité largement occultée. À cela s’ajoutent de nombreux prévenus maintenus dans une attente judiciaire prolongée, parfois pendant des mois, voire des années, dans un contexte où les procédures sont régulièrement dénoncées pour leurs irrégularités et leur usage dissuasif.

Dans une lecture juridique, Me Abdellah Heboul estime que la grâce individuelle accordée à Mohamed Amine Belghit devrait, par souci de cohérence, être étendue à l’ensemble des situations similaires. Il invoque le principe d’égalité entre citoyens, consacré par l’article 35 de la Constitution, et rappelle que l’État de droit suppose l’absence de discrimination dans le traitement des affaires liées aux libertés publiques.

Du côté des militants politiques, le constat est plus sévère. Mohcine Bellabes dénonce une « Algérie des grâces à la carte », où la liberté ne dépendrait plus du droit, mais du « calcul politique ». À ses yeux, la libération de quelques figures emblématiques ne saurait masquer le sort de dizaines d’autres détenus, privés de visibilité, de relais et de perspectives claires.

Mohand Bakir va plus loin dans la critique. S’il rappelle que Mohamed Lamine Belghit, poursuivi, selon lui, pour l’expression d’une opinion, « n’aurait jamais dû être emprisonné », il estime que le recours à la grâce présidentielle, dans le contexte actuel, relève moins d’un geste d’apaisement que d’une manœuvre politique cynique.

Le militant dénonce une approche qu’il qualifie de politiquement prédatrice et froidement calculée. Selon lui, cet acte de clémence, intervenu dans un contexte politique précis marqué par le rejet quasi unanime de la proclamation unilatérale d’indépendance de la Kabylie par le MAK, relève davantage d’un signal adressé au courant idéologique auquel appartient l’enseignant en histoire — courant qui, depuis son incarcération, a multiplié les pressions et les sollicitations auprès du chef de l’État — que d’une réelle volonté de consacrer le respect des libertés individuelles et de la liberté d’opinion.

Ces prises de position convergent vers une même interrogation : la grâce présidentielle relève-t-elle d’un principe de justice universel ou d’un instrument de gestion politique ponctuelle ? En libérant quelques noms emblématiques tout en laissant perdurer une machine judiciaire punitive, les autorités alimentent un sentiment d’injustice et fragilisent la confiance dans les institutions.

Pour leurs auteurs, la véritable mesure de l’État de droit ne réside pas dans des gestes isolés, mais dans une politique cohérente et transparente de respect des libertés. Tant que l’emprisonnement restera une réponse à l’opinion ou à la critique pacifique, la promesse d’une Algérie démocratique et réconciliée avec elle-même continuera de se heurter à la réalité des cellules et du silence.

Samia Naït Iqbal

Dans la même catégorie

Mohamed Amine Belghit s’excuse auprès du Tebboune après sa grâce

​L'universitaire et enseignant en histoire anti-amazigh, Mohamed El Amine...

Algérie : quand l’État « socialise » la justice économique

Alors que la lutte contre la corruption demeure une...

Dernières actualités

spot_img

2 Commentaires

  1. Ce sont toujurs les humbles qui paient. Ainsi a été le monde. Ainsi sera le monde. Jusqu’à l’Eternité.
    Le voleur de pommes est toujours plus sévèrement puni que le voleur de milliards… Surtout en Algérie.

  2. Ce qui m’interpelle c’est l’idiotie du régime Algérien ; je précise tous les clans autour de la rente pétro-gazière.
    Aucune stratégie
    Aucune Vision ni à court, ni à moyen et encore à long terme.
    Ca flotte trop c’est inquiétant !!!
    Ce pouvoir (depuis l’assassinat de ABANE) est anti Algérien (je ne vais pas énumérer toutes le actions, prises de positions litigieuses ainsi que les différents coups d’état) Franchement sans De Gaulle qui voulait certainement se débarrasser du fardeau, l’indépendance aura été impossible (d’ailleurs les chefs du FLN post assassinat de ABANE se sont entendu pour le partage du butin et se sont entre-tués après)

    C’est ce pouvoir qui a fait que le MAK est la ou il est
    Apres le FILS du FLN et le GIA c’est le MAK

    Et malheureusement les anes gériens tombent dans le panneau crient à tue tête one two tree viva l’Algérie !!!! et insultent les kabyles.
    Je ne suis pas pour le MAK mais force est de constater que c’est une bouée de sauvetage alors que même dans la formulation de sa déclaration il y a de l’amateurisme (république fédérale ; de quoi fédérale il v a y avoir d’autres républiques en Kabylie ou alors chaque thajmaathe sera une république ???)
    Par contre si le MAK souhaite une république Kabyle dans la République fédérale Algérienne c’est une autre affaire mais la place est déjà prise.

    Que les anesgériens se saisissent et réfléchissent avant les insultes et les invectives.

    Libération (et non amnistie ou grace) de toutes et tous les otages (politiques, d’opinions ou sacrifiés pour l’exemple) sans préalables.

    La seule solution : la République Amazigh de Kabylie

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici