1 mai 2024
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Comment mettre fin à l’échec recommencé ?

Élections locales

Comment mettre fin à l’échec recommencé ?

En se rendant ce jeudi aux urnes, les Algériens ne se font pas trop d’illusions sur la portée du geste ni sur l’étendue des missions confiées aux élus locaux (exécutif communal et assemblée de wilaya). La raison est toute simple: la commune et la wilaya font partie d’un système institutionnel, ancré depuis plusieurs décennies dans la gouvernance algérienne et en décalage manifeste avec les aspirations de la population en matière de gestion des affaires publiques locales, de cadre de vie et de participation citoyenne à la vie locale. Ce sont autant de notions creuses, qui n’ont presque aucun prolongement dans la réalité, et que l’on ne retrouve que dans le discours officiel et les médias publics.

Le scrutin de ce jeudi, quoi que l’on dise, est moins « politique » qu’il n’y paraît. En d’autres termes, la poids des partis et des discours d’ordre général pèsent beaucoup moins que l’ancienne division tribale de la société, mais aussi moins que les inquiétudes « terre-à-terre » générées par la crise financière qui prend en étau le pays depuis l’été 2014. On revient, sans doute sans grand effort de recherche, aux questions pragmatiques et pratiques de la vie quotidienne, du cadre de vie, parfois de la survie, qui ont déserté le paysage politique et médiatique pendant les longues années d’euphorie et d’embellie financière qu’a vécues l’Algérie.

En effet, les grands clivages partisans et idéologiques ont beaucoup de peine à mobiliser l’électorat, dans un contexte où les ménages sont aujourd’hui affectés par baisse drastique du pouvoir d’achat; vivent avec une terrible hantise le risque de chômage; se mettent, dans plusieurs communes à acheter l’eau potable chez des vendeurs par citerne (en raison de la séchresse qui a presque vidé les barrages), font mille acrobaties pour acheminer un casse-croûte à leurs enfants scolarisés (car des centaines de cantines scolaires sont fermées cette année); font face avec grande appréhension aux rares averses automnales, de crainte de voir leurs maisons inondées ou emportées par les eaux, comme ce fut le cas septembre dernier à Djelfa et Laghouat; vivent avec angoisse les risques de maladies que les dépotoirs sauvages, à travers toutes les communes du pays, sont susceptibles de générer.

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Ainsi, la gestion de proximité commence à devenir un des éléments de poids dans le choix des candidats. Mais, visiblement, cela ne suffit pas à dégager une voie nouvelle, celle d’un scrutin régulier, rationnel, supposé être un point d’appui à l’accès à la modernité politique. Les raisons en sont nombreuses, et la camisole de force dans laquelle est engoncée la gestion communale n’est pas des moindres. Une camisole faite d’hypercentralisation institutionnelle, de déséquilibre régional, de déficit de rationalité dans l’aménagement du territoire, de manque de formation d’un grand nombre d’élus et d’administrateurs territoriaux,…etc.

Dans pareil scrutin, où l’on demande aux électeurs de choisir leurs élus locaux, aussi transparente et propre que soit l’opération électorale, il est manifestement difficile de lutter simultanément contre les vieux reflexes, la médiocrité et le « tribalisme » imposé par un système rentier.

Sur l’ensemble des éléments qui obèrent la libération des énergies et des initiatives locales, les médias ont légitimement traité à satiété la problématique des codes de la commune et de la wilaya datant de 2012. La révision intervenue à cette date, qui pouvait pourtant recevoir les leçons et les « éclairages » du Printemps arabe qui avait atteint alors sa vitesse de croisière, n’a pas été à la hauteur des aspirations des populations et des ambitions de la démocratie locale participative. À peine les élections passées, que les blocages ont commencé à se manifester un peu partout y compris par la fermeture forcée des sièges de mairies par les citoyens protestataires. Ce « procédé »- qui touche également des structures de service public, comme la Sonelgaz, l’Algérienne des eaux,…etc.-, est devenu une « sunna hamida » (sainte tradition) dans le bréviaire de la protesta juvénile algérienne.

La révision des codes de la commune et de la wilaya en 212 n’a, malheureusement, rien apporté de nouveau en matière d’élargissement des prérogatives des élus, depuis longtemps réclamé, et sur le plan du rapprochement de l’idéal de la « démocratie participative » qui est revenue comme un leitmotiv sur la bouche des derniers ministres de l’Intérieur (Zerhouni, Ould Kablia, Belaïz et l’actuel Bedoui). Le code communal, tel qu’il est actuellement, n’énonce que des principes et des professions de foi qui ne possèdent pas d’instrument d’exécution sur le terrain de la réalité.

Le scrutin de ce jeudi n’a pas pour vocation de faire une révolution dans ce domaine. Les deux questions -élargissement des prérogatives des élus et initiation de la démocratie participative- restent pendantes et évasives. L’occasion ne leur est même pas offerte pour être posées clairement et sereinement au sein de l’institution la plus indiquée, à savoir l’Assemblée populaire nationale (APN). À ce niveau d’observation, la camisole de force dont il a été question tout à l’heure, ne fait que confirmer l’acharnement des ses tenailles.

Un tel contexte, caractérisé par un grave déficit d’ouverture sur la société, ne peut sécréter que des pratiques vénéneuses au sein de la « corporation » des élus locaux. L’illustration n’a pas besoin d’être recherchée très loin. Au moment même où se déroulent les élections, des élus croupissent en prison et d’autres font l’objet de poursuites judiciaires, suite à leur implication dans des affaires de corruption et de détournement de fonds publics.

Et c’est précisément à ce moment-là, crise financière oblige, que le gouvernement sollicite les communes pour créer de la richesse et de l’emploi! Le gouvernement Sellal en fait son cheval de bataille, avant de se rendre compte de l’inanité d’une vision peu portée sur le réalisme et la dimension prospective. Aux dernières statistiques officielles, deux tiers des communes algériennes sont classées « pauvres », n’ayant pas de ressources propres.

L’on sait que, déjà, avec l’aisance financière qu’a connue le pays pendant plus d’une décennie, les différentes protestations sociales induites par la médiocrité et la faiblesse des prestations des différents services publics, la persistance du chômage, particulièrement au sein de la frange juvénile et des diplômés de l’université, le manque de logement, les disparités sociales, le népotisme, ou d’autres motifs aussi légitimes les uns que les autres, ont souvent pour point d’impact la mairie, dans son double aspect : comme Assemblée populaire communale et comme infrastructure abritant cette assemblée.

En effet, au cours des mouvements violents menés par les jeunes, et parfois même par de grands adultes, cette structure, la mairie, devient non seulement le « mur des lamentations », sollicité par la collectivité pour recevoir et examiner ses doléances, mais aussi l’objet de la colère populaire. Ce qui, dans bien des cas, se matérialise par de la casse, des destructions et même des prises d’otages (maire ou autres élus communaux).

Cette institution de la République, la mairie, censée être la plus proche des citoyens, semble cristalliser en son sein tout le mal-être des jeunes Algériens, bien que ses missions et prérogatives soient réduites à la portion congrue.

Auteur
Amar Nait Messaoud

 




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