La demande de pourvoi en cassation contre les condamnations à mort de 38 personnes dans l’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl en 2021, a été approuvée par la Cour suprême.
L’acceptation de la demande du collectif de défense des 38 accusés par la Chambre pénale de la Cour suprême intervenue, jeudi 28 novembre, signifie que le dossier sera à nouveau ouvert au cours de la prochaine audience pénale et avec une formation judiciaire différente de celle qui avait rendu le premier arrêt, a indiqué Me Sadate, membre du collectif de défense des prévenus. Cette décision ouvre une fenêtre d’espoir pour les condamnés à mort et leurs familles qui réclament que justice, toute la justice passe.
En octobre 2023, la Cour pénale d’appel de Dar El Beida (Alger) a condamné à mort 38 prévenus accusés d’être impliqués dans l’assassinat de Djamal Bensmaïl en août 2021.
Le tribunal avait aussi prononcé une peine de 20 ans de prison contre 6 prévenus, et une peine allant de 3 à 10 ans contre 23 mis en cause, tandis que 27 autres bénéficiaient d’un acquittement dans la même affaire.
Beaucoup de zones d’ombres entourent cette affaire survenue alors que la Kabylie était en proie à des incendies meurtriers. Dès le départ, les autorités et leurs relais ont accusé le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie d’être derrière non seulement les incendies mais aussi ont accusé des prévenus qui seraient du MAK de cet ignoble assassinat.
Aussi, au cours de l’audience, l’un des prévenus dans cette affaire a avoué son appartenance au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), que les autorités qualifient de « mouvement terroriste », après que le président du tribunal l’ait confronté avec les éléments contenus dans l’enquête des services de sécurité.
Lors de son interrogatoire, l’accusé (M.M.A.) a révélé qu’il avait été membre du MAK pendant 4 ans, entre 2012 et 2016, avant de se retirer parce qu’il n’était pas convaincu de des idées propagées par ce mouvement. C’est alors que le ministère public interviendra pour l’interroger au sujet de ses contacts avec un certain nombre d’accusés, car il était un « membre actif » du mouvement et les a invités à organiser des marches.
Il convient de noter que le dossier comprenait 94 prévenus. De lourdes charges ont été retenues contre eux par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed ont été inculpés d’appartenance à une « organisation terroriste », d’atteinte à la sûreté de l’Etat, d’actes intentionnels de sabotage portant atteinte à la sécurité de l’Etat, meurtre avec préméditation, agression physique et incitation à celle-ci, encouragement à une organisation terroriste, abus et incendie de cadavres, assaut du commissariat de police, violation de la sécurité.
Des charges particulièrement lourdes qui destinaient les accusés à la condamnation à mort. Le prononcé était saisissant non seulement par sa sévérité mais aussi la célérité avec laquelle a été traitée cette grave affaire.
La Direction générale de la sûreté nationale a indiqué dans un communiqué que ses services compétents ont pu, grâce aux technologies modernes, récupérer le téléphone portable appartenant à la victime qui a été assassinée de manière crapuleuse dans la commune de mercredi Nath Erathen.
La télévision publique algérienne a publié les « aveux » de certains des acteurs impliqués dans l’assassinat de Djamal Bensmail, sur leur affiliation au MAK et leur participation à ce crime, et a révélé les détails de ce crime qui a secoué l’opinion publique du pays. Cependant, quand on sait comment fonctionne la justice dans notre pays, il y a lieu de prendre beaucoup de recul sur ces « aveux » et la manière avec laquelle ils ont été obtenus.
Un procès « politique et expéditif », pour la défense
Les condamnations par le tribunal de Dar El Beida avaient provoqué émoi et consternation au sein de large pans de l’opinion. Les organisations de défense des droits de l’homme ont vivement protesté, réclamant sa révision. La défense, quant à elle, s’était élevée contre le caractère politique et expéditif du procès.
Beaucoup d’observateurs avaient décelé un montage politico-securiaire dans l’affaire de feu Djamel Bensmaïl intervenue en plein tourmente des incendies ravageurs dune bonne partie des villages de hautes Kabylie.
La conviction était établie chez bon nombre d’Algériens que le jeune volontaire de Méliana venu aider à l’effort de solidarité nationale en faveur des citoyens de Larbaa Nath Irathen et d’autres communes de Kabylie à été sacrifié sur l’autel d’intrigues visant à mettre un terme au mouvement de protestation citoyenne qui a atteint son apogée à, l’époque, notamment en Kabylie.
Les circonstances de sa mort interroge surtout quand on sait que la victime était dans un véhicule de police avant que des individus le saisissent et l’extraient sous le regard des policiers qui n’avaient pas opposé quelque résistance. Son assassinat a été filmé et largement partagé sur les réseaux sociaux. Un crime qui a jeté l’effroi au sein de la population algérienne en général et la Kabylie en particulier.
Sofiane Ayache