21 novembre 2024
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Crise économique, inflation et perspectives mondiales

Le ralentissement de l’activité économique mondiale est généralisé et plus marqué qu’attendu, avec une inflation qui atteint des niveaux jamais vus depuis plusieurs décennies. L’avenir de l’économie dépend de la bonne calibration des politiques monétaires et budgétaires, du déroulement de la guerre en Ukraine et des perspectives de croissance en Chine.

Des risques de détérioration plus élevés que d’habitude continuent de peser sur les perspectives : les autorités monétaires pourraient faire fausse route dans leurs stratégies de réduction de l’inflation ; les grands pays pourraient maintenir des orientations de plus en plus divergentes, ce qui alimenterait l’appréciation du dollar ; le durcissement des conditions de financement à l’échelle mondiale pourrait être à l’origine d’une vague de surendettement dans les pays émergents et l’aggravation de la crise du secteur immobilier en Chine pourrait entraver la croissance.

Les décideurs doivent s’employer à rétablir la stabilité des prix et à atténuer les pressions sur le coût de la vie. Une coopération multilatérale reste nécessaire pour accélérer la transition vers les énergies vertes et éviter la fragmentation. L’activité économique mondiale subit un ralentissement généralisé et plus marqué qu’attendu, avec une inflation qui atteint des niveaux jamais vus depuis plus de deux décennies.

La crise du coût de la vie, le durcissement des conditions financières dans la plupart des régions, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les effets persistants de la pandémie de Covid-19 sont autant de facteurs qui pèsent lourdement sur les perspectives. Selon les prévisions, l’inflation mondiale bondira de 4,7 % en 2021 à 8,8 % en 2022, avant de diminuer à 6,5 % en 2023 et 4,1 % en 2024. Il s’agit du profil de croissance le plus morose depuis 2001, si l’on excepte la crise financière mondiale et le pic de la pandémie de Covid-19.

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La politique monétaire doit continuer de s’employer à rétablir la stabilité des prix et la politique budgétaire doit s’attacher à atténuer les pressions sur le coût de la vie, tout en maintenant une orientation suffisamment restrictive alignée avec la politique monétaire. Des réformes structurelles peuvent apporter un soutien supplémentaire à la lutte contre l’inflation en améliorant la productivité et en atténuant les problèmes d’approvisionnement tandis qu’une coopération multilatérale efficace est nécessaire pour accélérer la transition vers les énergies vertes et éviter la fragmentation.

L’augmentation globale des prix a atteint plus de 6,2% sur l’année 2022, selon les chiffres publiés en novembre par l’Insee. Cela s’explique en partie par la flambée des cours de matières premières (gaz, métaux, blé, etc.). Cette inflation a eu des conséquences concrètes sur la vie quotidienne.

L’inflation devrait rester élevée, mais le pic est en vue, selon Thomas Piketty : « L’urgence absolue est de prendre la mesure de la crise en cours et de tout faire pour éviter le pire. » La question de savoir si l’inflation, telle que prévue par la BCE, sera à nouveau proche de 2 % en 2024 dépendra probablement des gouvernements de la zone euro. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, l’a récemment précisé en distinguant trois phases en ce qui concerne l’interaction entre les politiques monétaire et financière : avant la crise du coronavirus, après la crise et la phase de reprise.

Dynamique des salaires post-Covid-19 et risques d’une spirale prix-salaires

La crise épidémique Covid-19 a précipité la fin de la mondialisation marchande et libérale et l’émergence d’un nouveau modèle de développement, plus équitable et plus durable.

A ce stade, l’urgence absolue est surtout de prendre la mesure de la crise en cours, et de tout faire pour éviter le pire, c’est-à-dire l’hécatombe de masse. Dans certains pays, l’inflation connaît sa hausse la plus rapide depuis 40 ans. Jusqu’à présent, les salaires ont généralement augmenté moins vite que l’inflation, mais certains observateurs préviennent que prix et salaires pourraient commencer à s’autoalimenter, ce qui verrait la hausse des prix et des salaires virer en une spirale prix-salaires prolongée. Ce chapitre revient sur des dynamiques passées et récentes des salaires, et apporte un éclairage sur les perspectives.

Dans l’ensemble, il en ressort que des épisodes similaires n’ont pas été suivis de spirales prix-salaires. L’analyse montre que plus les anticipations sont rétrospectives, plus le durcissement de la politique monétaire doit être vigoureux et rapide afin de réduire les risques de désencrage des anticipations d’inflation.

Les risques d’une spirale prix-salaires prolongée semblent limités, car les chocs sous-jacents sur l’inflation ne viennent pas du marché du travail et les autorités monétaires mènent une politique de resserrement agressive. Mardi, l’Office fédéral allemand des statistiques, Destatis, a publié la lecture préliminaire de l’inflation dans le pays pour décembre 2022.

L’indice harmonisé des prix à la consommation (IPCH) devrait avoir augmenté de 9,6 % par rapport au même mois de l’année précédente, soit une baisse de 1,4 point de pourcentage par rapport à novembre.

Sur une base mensuelle, l’IPCH a diminué de 1,2 %. L’indice normal des prix à la consommation a évolué de +8,6% et de -0,8% sur une base annuelle et mensuelle, respectivement.

Dérèglements climatiques et incidences macroéconomiques à court terme des politiques de décarbonation

Des décennies de procrastination ont transformé ce qui aurait pu être une transition en douceur vers une société plus neutre en carbone en un défi qui s’annonce autrement plus complexe.

Avant la fin de la décennie, le monde doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25 % par rapport à 2022 s’il veut se donner une chance d’atteindre les objectifs fixés à Paris en 2015 et éviter des dérèglements climatiques liées à la crise écologique. La canicule de l’été dernier avec des températures dépassant les 40 degrés un peu partout en Europe, mais aussi les sécheresses et incendies, ont accentué cette inquiétude face aux dérèglements climatiques catastrophiques.

En s’appuyant sur un nouveau modèle mis au point au FMI (le GMMET), ce chapitre analyse les incidences macroéconomiques à court terme de politiques de décarbonation réalisables et les problèmes qui pourraient se poser en termes de politique monétaire L’inflation allemande établit une moyenne annuelle historique et montre des signes prudents d’inversion de tendance. Le Financial Times écrit que « l’inflation allemande a ralenti plus que prévu en décembre, glissant dans les chiffres à un chiffre pour la première fois depuis l’été et apportant un certain soulagement à la Banque centrale européenne dans sa bataille pour contrôler la hausse des prix. »

Les Echos qualifient le chiffre de décembre de « soulagement pour le gouvernement d’Olaf Scholz ». Selon Reuters, les analystes interrogés par le média avaient prévu une hausse de 10,7% de l’inflation harmonisée en décembre et une baisse de 0,5 point de pourcentage par rapport aux mois précédents. Le média rappelle également que c’est « le mois d’octobre [qui avait vu] la lecture la plus élevée depuis les données comparables remontant à 1996, avec une inflation harmonisée en hausse de 11,6 % sur l’année », tandis qu’une légère détente de l’inflation était déjà présente dans la lecture de novembre.

L’Agefi note que l’évolution positive de l’inflation en décembre s’inscrit « dans un contexte de prix de l’énergie calmes et grâce aux aides [financières] du gouvernement. »

Pour Mediapart, plusieurs facteurs ont contribué à une accalmie des prix, à commencer par « l’aide publique ponctuelle reçue par les ménages et les entreprises en décembre sur les prix. » Par ailleurs, le média cite également le fait que les « températures douces ont également ralenti la demande alors que l’offre de gaz reste abondante » comme facteur contributif. Selon le Handelsblatt, les nouveaux chiffres sont susceptibles d’alimenter le débat sur la question de savoir si l’inflation a atteint un pic.

Par la suite, le média voit la BCE et la Réserve fédérale américaine confrontées à des « débats controversés sur le niveau auquel elles veulent encore augmenter les taux d’intérêt. » Le Frankfurter Allgemeine Zeitung résume la lecture d’hier comme « le sommet [ayant été] dépassé, mais le patient (n’étant) pas au bout de ses peines. » Le journal écrit que « le spectre de l’inflation pourrait (…) s’estomper progressivement, mais qu’il est trop tôt pour sonner le tocsin. » Il ne voit donc aucune raison pour la BCE de s’écarter de sa politique de hausse des taux d’intérêt. Selon Die Welt, le coût de la vie en Allemagne a plus augmenté l’année dernière qu’à n’importe quel autre moment depuis la fondation de la République fédérale.

Pour trouver une valeur aussi élevée dans les statistiques de l’autorité basée à Wiesbaden, écrit le journal, il faut remonter jusqu’en 1951, année où un taux d’inflation de 7,6 % a été enregistré pour la République fédérale. Dans un article séparé, Die Welt avertit également que l’inflation globale ne montre que la surface des choses et écrit que l’inflation de base, qui a légèrement augmenté de 0,1 point de pourcentage par rapport au mois précédent pour atteindre 5,1 %, « montre à quel point l’inflation a déjà rongé l’économie et à quel point la situation est vraiment dangereuse. »

De même, le Börsen-Zeitung souligne que la hausse continue de l’inflation sous-jacente est inquiétante, de même que la « nette augmentation des anticipations d’inflation des consommateurs et des entreprises » et le risque de spirale salaires-prix.

Ainsi, pour le journal de Francfort, même si « le pire est peut-être passé en termes d’inflation », les choses « sont et restent mauvaises » et « il n’y a aucune raison de se réjouir ou même d’être euphorique ». Selon Politico, le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, avait prévu une baisse importante de l’inflation globale.

Toutefois, le journal note également que la Banque centrale a prévenu que l’inflation devrait rester à plus de trois fois l’objectif de prix de la BCE en 2023, avant de diminuer plus significativement en 2023.

Milano Finanza souligne que la présidente de la BCE, Christine Lagarde, « a récemment atténué les espoirs [que l’inflation ait atteint un pic] pour la zone euro et a souligné que les taux sont susceptibles d’augmenter à nouveau en janvier et février. »

Prévisions de la BCE

Dans les mois à venir, l’environnement économique de la zone euro continue de voir les actions de la BCE au centre de l’attention et des prévisions. Les avis divergent sur le sujet.

Certains observateurs considèrent comme acquis que la BCE relèvera à nouveau ses taux d’intérêt au cours des premiers mois de l’année. Et cela est confirmé par les messages à la presse de la présidente de la BCE, Christine Lagarde. Mais il est également possible que les conditions soient au moins réunies pour suspendre le programme de nouvelles hausses. En particulier, en ce qui concerne l’inflation par les coûts, on considère que la baisse significative des prix du gaz est due à une combinaison de raisons.

Au premier plan figure l’annonce du plafonnement des prix au niveau européen, qui est encore loin de produire tous ses effets. Les premiers mois de cette année seront très difficiles pour le gouvernement de Giorgia Meloni, car il faut compter avec un mélange de guerre, d’inflation, de pandémie et de conflits géopolitiques. La BCE est également appelée à prendre une décision importante. L’éventuelle suspension de la hausse des taux générerait un effet majeur.

Conclusion

D’après le Prix Nobel 2001 Joseph Stiglitz : « La plus grande menace pour l’économie mondiale est politique » qui fustige, dans une tribune « au Monde », les gouvernements qui, par dogmatisme, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour éviter les catastrophes à venir. En effet, d’une part la pandémie due au Covid-19 continue de nous menacer au travers de ses variants nouveaux, parfois plus mortels, très souvent plus contagieux ou plus résistants aux vaccins.

L’épidémie a été particulièrement mal gérée par la Chine, principalement parce que le pays a échoué à administrer à ses citoyens des vaccins à ARNm (de fabrication occidentale) plus efficaces. Et d’autre part, la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine a modifié l’ensemble des relations internationales.

Ce conflit ne laisse entrevoir aucun dénouement, et présente un risque d’escalade voire d’effets d’entraînement encore plus conséquents. Dans tous les cas, il faut s’attendre à des perturbations dans les prix de l’énergie et des produits alimentaires. Et comme si ces problèmes n’étaient pas suffisamment sérieux, tout porte à croire que la réponse des dirigeants politiques transformera un contexte grave en une situation encore plus catastrophique. Le resserrement monétaire des taux d’intérêts comme réponse à la crise inflationniste risque de conduire à un ralentissement mondial.

Certains commentateurs, convaincus que la lutte contre l’inflation passe par la douleur économique, s’attendent volontiers à une récession. Plus elle sera rapide et violente, mieux cela sera, affirment-ils, ne semblant pas songer au risque de voir le remède se révéler pire que le mal.

Si un dollar plus fort tempère la situation économique interne pour remédier à l’inflation aux Etats-Unis, notamment l’inflation importée, c’est qu’il affaiblit les autres monnaies, et qu’il aggrave l’inflation (exportée) ailleurs. Ces difficultés économiques seront particulièrement douloureuses pour les pays les plus vulnérables, ce qui créera un terreau encore plus fertile pour les démagogues populistes déterminés à semer les graines de l’amertume et du mécontentement.

Pour rester sur une note positive pour atténuer les pressions inflationnistes auxquelles les économies sont confrontées, Il faudra agir beaucoup plus rapidement pour accroître la production et l’offre, notamment dans le domaine alimentaire, et partant inviter les agriculteurs à produire davantage.

L’Europe aurait pu intervenir plus rapidement pour réformer ses marchés énergétiques et empêcher l’explosion des prix de l’électricité. Et tous les pays du monde auraient pu lever des recettes fiscales sur les bénéfices exceptionnels des entreprises, de façon à encourager l’investissement tout en tempérant les prix, et utiliser ces recettes pour protéger les plus vulnérables tout en investissant dans la résilience économique.

Hamid Ait-Mansour, Francfort

 

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