24 avril 2024
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Dans les méandres de l’exil…

Immigration

J’aime lire de temps à autre Juan Goytisolo, lui qui se considère un Espagnol de Marrakech ; un migrant transfrontalier ; un citoyen de quelque part, à la recherche de son humanité « transcendantale », parmi les débris d’une civilisation « occidentale » en ruines. Ou plutôt un homme des deux rives : un passeur de mémoires, à l’affût des bruits du monde.

Entre Barcelone de sa naissance, Paris de son exil et Marrakech de son séjour, s’est tissée comme une histoire d’amour qui n’en finit pas. Goytisolo parle de cet « exil amoureux », « passionnel », « fructifère » où l’on se reconnaît à sa juste valeur chez les autres.

Ces autres qui nous aiment ; nous apprécient ; nous valorisent ; nous reconnaissent ; nous respectent plus que les nôtres! S’il y a chez le migrant ce désir de retour à soi, c’est souvent sous forme « nostalgique » et c’est chez l’autre que revient en alternance ce sentiment bizarre mêlé de tristesse, de mélancolie et de regret qu’on appelle « le mal du pays ».

Le migrant est un homme déraciné, et dans son déracinement, il y a déchirure, douleur, mais aussi passion et amour. Un mélange de sensations fortes, de tiraillements, de refoulements que seul un artiste de génie pourrait refléter dans un tableau de peinture.

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De l’écrivain ibère a trouvé dans le sens de l’hospitalité marocaine un refuge à ses souffrances intérieures d’homme problématique, épuisé par le matérialisme nauséabond d’une société de spectacle à bout de souffle.

Vivre son humanité pour l’écrivain catalan, c’est aussi suivre le calvaire du migrant, n’importe lequel dans ces terres, combien nombreuses de par le monde, ravagées par les guerres et les misères, qui ne porte pas seulement sa valise, mais aussi son visage, son silence, ses blessures, le regard des autres plein d’appréhension, de préjugés, d’arrière-pensées, de non-dits. Les clichés sont têtus comme lors de cette fameuse nuit de Saint-Sylvestre en 2014 à Cologne en Allemagne où le migrant fut pointé du doigt comme l’origine du mal.

Ce migrant venu d’on ne sait où pour « voler » le pain « de ceux qui l’accueillent », les détrousser de leurs biens, s’accaparer leurs femmes, n’est qu’un danger potentiel, à qui il faut mettre des balises, des frontières. Il faut refouler « cet autre » qui n’est pas de « leur » culture, il faut le pousser loin d’ici ; il faut qu’il se désintègre dans la nature ; qu’il s’évapore ; il faut qu’il soit invisible ; il faut qu’il se casse d’ici. Ainsi, tous ces autres placent par leur regard ses rêves (ceux du migrant) dans l’inconnu et le jettent jusque dans l’étreinte de l’angoisse et de la déperdition.

Or, accepter l’autre, c’est d’abord lui céder une partie de notre humanité et c’est là que commence à se construire le lien qui nous rattachent à nous-mêmes déjà. Cela dit, il est plus facile d’accorder un accueil administratif à un migrant que de l’accepter « spirituellement » comme un des nôtres, comme faisant partie de nous, de notre communauté, de nous-mêmes. Juan Goytisolo parle alors du « migrant en errance »…

Kamal Guerroua

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