9 mai 2024
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De la protesta à la révolte et à l’enfumage de l’opinion

DECRYPTAGE

De la protesta à la révolte et à l’enfumage de l’opinion

Lundi 23 avril est une journée pleine de rebondissements et de drames. Toute une famille (deux hommes une femme et deux enfants) est décimée à la basse casbah par l’effondrement d’un immeuble vétuste. Que Dieu ait leur âme.

Cette bâtisse est classée dans ce que les services de la wilaya appellent la zone orange i.e dangereuse. Les occupants de cette demeure auraient dû être évacués dès 2016. Mais hélas, pour ces pauvres gens, ce ne fut pas le cas. Dans la soirée les jeunes de la casbah, en furie et difficilement contenus à coups de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre, investissent les rues et font un sit-in près de la wilaya. Durant le cours de cette même journée le Wali d’Alger et le président de l’APC de la casbah sont pris à parti par les habitants et évitent le pire en prenant la poudre d’escampette. Le wali d’Alger est démis de ses fonctions en fin de journée.

Au même moment, Issad Rebrab, Président Directeur Général du groupe Cevital, est interpellé par des éléments de la gendarmerie nationale afin d’être auditionné par la section de recherches de la brigade de Bab Jdid  au sujet du litige opposant sa filiale allemande, Evcon industry, aux autorités algériennes. Ce conflit concerne le montant du matériel importé pour la réalisation du prototype de la première station de purification algérienne d’eau. Après quelques heures passées à la brigade de gendarmerie, il se voit conduit au tribunal de Sidi M’hamed. Il est entendu, puis inculpé illico par le procureur de la République pour fausse déclaration relative aux transferts illicites de capitaux vers l’étranger, surfacturation d’équipements importés et importation de matériels d’occasion alors qu’il avait bénéficié d’avantages douaniers, fiscaux et bancaires. Il est envoyé à la prison d’El Harrach de laquelle était déjà évacué Ali Haddad, transféré vers la prison militaire de Blida,  pour détention illicite d’armes.

Les frères Kouninef n’échappent pas non plus à ce qui s’apparente à une bataille rangée entre clans rivaux. Ils sont arrêtés et sont soupçonnés d’avoir conclu des contrats publics avec des institutions étatiques sans honorer les engagements contractuels et trafics d’influence avec des fonctionnaires d’Etat. Ils sont présentés aujourd’hui, mardi 23 avril, devant le tribunal de Sidi M’hamed.

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Durant la satanée journée du lundi, la cour d’appel de Blida délivre un mandat de dépôt à l’encontre du général-major Said Bey ex-commandant de la 2ème région militaire de la et lance un mandat d’arrêt contre le général major Habib Chentouf ex-commandant de la 1er région militaire qui, selon certaines sources, aurait rejoint l’Espagne. Le motif invoqué est la dissipation, le recel d’armes et de munitions de guerre ainsi que d’infraction aux consignes de l’armée. Ces deux officiers supérieurs cités dans l’affaire de la cocaïne quelques mois auparavant et placés en détention, puis relaxés et mis sous contrôle judiciaire, sont une fois de plus au centre de la polémique.

La veille, dimanche, le général Bouazza succède au général Abdelkader à la tête de la Direction des services intérieurs (DSI). Le général Bouazza occupait le poste de responsable des infrastructures militaires auprès du ministère de la Défense Nationale. Il est donc un nouvel arrivant dans le monde du renseignement et au sein de la DSI (ex-DRS).

A Paris, place de la République,  lors du rassemblement hebdomadaire le dimanche, des algériens contestataires résidents en France, Aboudjerra Soltani évite le lynchage de justesse.

Samedi, La chaine nationale fait état de la convocation pour dimanche, d’Ahmed Ouyahia et de Mohamed Loukal respectivement ex-premier Ministre et actuel Ministre des Finances, par le procureur du tribunal de Sidi M’hamed pour être entendus suite à des soupçons de corruption, de dilapidation de deniers publiques et de privilèges indus. Mohamed Loukal réfute l’information. Le Ministère de la Justice contacté par téléphone infirme également. Pourtant la chaine nationale la rediffuse. Quoi qu’il en soit, dimanche  des centaines de citoyens armés de pots de yaourt, attendent de pied ferme à la porte du tribunal ces messieurs qui, en fin de compte, ne sont jamais arrivés.

Samedi, le siège du RND à Ben Aknoun est bombardé de ce fameux produit laitier comme réponse à la désormais, célèbre phrase d’Ouyahia : le peuple n’est pas obligé de manger toujours le yaourt. Seddik Chihab ex-numéro 2 du RND, ne finit pas de se retourner contre son ex-comparse. Il le cingle à chaque occasion. Dimanche, il dévoile même une conversation entre lui et Saîd Bouteflika, relayée le lendemain par un autre appel de feu le général-major Boustilla, commandant de la gendarmerie nationale, lui enjoignant de faire la paix avec Abdesslam Bouchouareb ex-ministre de l’Industrie et des mines.

Mardi, la marche des étudiants pour exprimer leur mécontentement face à  l’inertie du pouvoir quant à leurs réelles revendications, est interdite. Ils sont matraqués. Djamila Bouhired, présente sur les lieux est bousculée par un policier aussi ignorant, mal élevé que brute. Cette héroïne de la révolution, qui a eu à affronter les paras français durant la bataille d’Alger, est traitée indignement et sauvagement par un jeune représentant des forces de l’ordre de son pays. Il ne semble pas se rappeler qu’il lui il doit en partie, de porter la tenue de policier d’une Algérie Libre.

Aujourd’hui, les membres du comité central du FLN se réunissent au palais du congrès, en une session extraordinaire retransmise en direct par Ennahar TV. Le spectateur peut admirer, impuissant, triste et révolté ce regroupement de volatiles dans ce qu’on confond aisément avec une basse-cour.  On y découvre un spectacle pitoyable, de pseudo-partisans, debout, incapables de se tenir dans leur siège, s’invectivant, s’insultant, hurlants et dénués de toute retenue, inaptes à s’imposer la moindre des disciplines. Ben Mhidi, Boudiaf, Didouche, Abane, Ben Boulaid, Bitat, et tant d’autres hommes illustres, qui ont sacrifié leur vie pour le FLN doivent se retourner dans leurs tombes. Leur parti est entre les  griffes de cette association de malfaiteurs, qui tente inlassablement de se régénérer.

Ould Abbès démissionne du poste de secrétaire général du FLN. La commission juridique du sénat donne son feu vert pour la procédure de la levée d’immunité à son encontre, et à celle de Said Barkat ex-ministre et également sénateur du tiers présidentiel.

Le chef d’état-major respecte son rituel. Il est ponctuel comme un militaire. Comme chaque mardi il fait son discours. Tout en félicitant la justice, il appuie encore une fois la démarche de Bensalah, critique, les opposants au dialogue et met en garde la population contre cette tendance à saborder systématiquement les missions des représentants de l’état et à généraliser les jugements négatifs à l’encontre des cadres de la nation. Il signale en l’occurrence,  l’urgence de trouver des solutions de sortie de crise. Il fait état d’un complot ourdi contre l’Algérie depuis 2015 sans fournir plus de détails et caresse le peuple dans le sens du poil en saluant encore une fois « la conscience et la compréhension des enfants de la patrie ».

Les algériens, qui marchent depuis 2 mois, ne comprennent pas ce qui se joue sous leurs yeux. Ils n’ont cessé de réclamer le départ de ce système. Ils veulent remplacer la légitimité historique par celle des urnes. Cette parodie de justice, menée à tambours battant, n’est pas la réponse adéquate à leurs aspirations. Elle ne se situe pas à la hauteur de leurs revendications.

Jusqu’ici, les plaintes, interpellations et incarcérations n’ont concerné que des hommes d’affaires. Les hommes politiques et principaux acteurs de ce système ne sont guère inquiétés. Pourtant ils portent la plus grande responsabilité de cette gabegie.

S’il est crucial de juger les personnes impliquées dans ces fuites phénoménales  de capitaux, il est primordial que cela soit entrepris par des personnes neutres, d’une manière équitable, et totalement transparente, retransmis en direct à la télévision, par un pouvoir qui n’a pas été impliqué dans la gestion ces 20 dernières années. Il y a va de la crédibilité de l’Algérie. Les tenants actuels du pouvoir n’ont pas qualité pour entreprendre ce genre d’actions. Aussi, le choix du moment pour déclencher ces opérations est discutable.

L’arrestation d’Issad Rebrab, plus grand employeur et  investisseur privé en Algérie, et profondément installé et respecté paraît être à plusieurs titres une tentative de provocation dangereuse et inutile envers toute une région, afin de casser une protesta qui a fait l’admiration du monde.  

Les marcheurs ne cessent de répéter leur principale revendication : le changement du système Militaro-FLN. Ils estiment, exigent qu’on leur restitue le droit de choisir leurs dirigeants. Ils réclament la mise au musée du FLN. On crée de la diversion, on espère les détourner  de leur but ultime. On tente de les diviser. Les manifestants sont à la quête d’un idéal démocratique. Ils assistent incrédules à la projection d’un film de série B.

On les provoque. On sème le doute et la suspicion. On installe un climat de troubles. Tous les ingrédients pour un dérapage sont réunis. Qui a intérêt à transformer cette protesta en révolte ?

Auteur
Djalal Larabi

 




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