Lundi 30 novembre 2020
De l’avantage politicien de critiquer la France
Bien que dans le langage populaire des Algériens le football reste le sujet favori pour s’évader d’un quotidien mélancolique, mais à certains moments celui de la France ou la religion domine les discussions. D’ailleurs, que ça soit les dirigeants du gouvernement, les hommes du pouvoir et les hommes politiques en quête de popularité; tous l’ont bien compris pour les utiliser à des fins populistes et de gouvernance, ils deviennent trop prolixes sur le thème.
Si on reste dans l’actualité, l’entrevue qu’a donnée le journal Jeune Afrique à Emmanuel Macron a suscité des remous du côté d’une certaine « classe politique en panne d’idées » et des « nationalistes ». D’ailleurs, ils exploitent une relation dite tumultueuse entre l’Algérie et la France pour se repositionner politiquement.
Pour comprendre un peu cette animosité qui ouvre l’appétit aux opportunistes, il y a lieu de souligner que le seul pays qui cause des ennuis diplomatique et politique à la France c’est l’Algérie sans dire vraiment que ce sont des conflits. La tension douce entre ces deux pays, c’est comme un couple séparé qui n’a pas réglé les détails du divorce. En effet, le passé colonial, la présence française en Algérie de 1830 à 1962 a laissé des séquelles visibles et des émotions fortes dans les deux sociétés.
« La France est pour l’Algérie une forme de rancune et l’Algérie pour la France est une chasse-gardée, car elle était un département français.
Donc, à chaque fois qu’une personnalité politique de l’hexagone s’exprime sur le cas de l’Algérie, une pluie de critiques s’abat sur elle. Elles proviennent de tout azimut; du personnel de l’État au simple citoyen, chacun a son point de vue. C’est un sujet sensible que certains politiciens véreux exploitent sans vergogne.
On se souvient de toutes des déclarations de Mohammed Chérif Abbas, l’ancien ministre des Moudjahidines, qui exigeait des autorités françaises des excuses sur son passé colonial. Et souvent le choix du moment est lié à une conjoncture où le pouvoir était dans une phase difficile, et la France devient le sujet idéal pour manipuler l’opinion dans le but de nous faire oublier leur faillite. D’ailleurs, l’ironie de l’Histoire, ce ministre truculent vit sa retraite dans la vallée du Rhône du côté de Lyon.
Cette semaine, c’est Karim Tabbou qui a essayé d’emberlificoter l’opinion en envoyant une longue lettre à Emmanuel Macron. En fait, est-elle vraiment destinée au Président de la France ? C’est une démarche populiste qui a donné l’occasion à beaucoup de personnes avisées de critiquer la missive qui est beaucoup plus une lettre de « doléances » qu’autre chose. Juste la question du journaliste de France 24 concernant l’implication militaire sur le choix du président Abdelmadjid Tebboune, son refus de répondre clairement comme un faux-fuyant est une raison de comprendre les limites d’une personne qui souhaite faire carrière dans la politique. En restant compréhensif, peut-on comprendre que la peur est liée à sa présentation devant le tribunal de Koléa prévue pour le 30 novembre?
Cette sortie a bien révélé qu’en sortant du cadre de militant pour s’engager dans une démarche politique qui exige un certain niveau de compétence pour rester flegmatique.
Certes, le soutien énigmatique de Macron à un Tebboune très malade exige des interrogations et des questionnements. Hollande l’a fait aussi pour Bouteflika, mais pour dénoncer cette proximité avec des déclarations hasardeuses et de doléances, c’est une belle manière de s’exposer à l’amateurisme. En revanche, pour interpeller la France, il y a de la matière à dire dans le dossier sahélien et libyen sur lequel certaines puissances étrangères veulent à tout prix impliquer l’Algérie dans un brasier comme celui de la Syrie. Malheureusement, depuis que la diplomatie algérienne a perdu du terrain, le pays n’est plus en mesure d’empêcher des conflits susceptibles de s’éclater à tout moment sur nos frontières.
Pour être aussi très sincère dans la critique, il faut bien parler de la gauche française qui a toujours préféré les obscurantistes du FIS et leurs défenseurs que les démocrates. En recevant Abassi El-Madani à l’Élysée par François Mitterrand en 1990; le traitement de faveur qu’ont eu en 1992 les anciens cadres du FIS exilés en France notamment Abdelbaki Sahraoui, Kamaleddine Kherbane, Boudjemaa Bounoua et d’autres qui planifiaient à partir de là-bas des attentats terroristes contre les civils en Algérie sont des exemples clairs pour empêcher l’algérien de s’émanciper démocratiquement.
Un autre fait, pourquoi ne pas évoquer l’affaire de l’assassinat d’Ali André Mecili, l’ancien cadre du FFS, dirigé par les services algériens? Le présumé assassin a été expulsé en urgence sous l’ordre du Ministre délégué à la sécurité, Robert Pandraud, en juin 1987. En août 2007, c’est Nicolas Sarkozy qui a mis son nez dans un dossier judiciaire pour empêcher l’arrestation du capitaine de la sécurité militaire, Ziane Hasseni, le présumé commanditaire de ce crime. Les détails de cette affaire existent dans un livre écrit conjointement par Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois, Paris-Alger, une Histoire passionnelle (page 160).
« Bien entendu, ils sont des exemples qui méritent une attention particulière, mais en général la France reste malgré tout un pays préféré des Algériens pour répondre à ces « nationalistes » et à ces « politiciens en panne d’idées » qui font semblant de la haïr sans raison valable. »
Sinon comment expliquer que ce beau pays est la destination souhaitée des Algériens sur le reste du monde? Par exemple, les Harragas qui partent en Espagne, la Grèce ou en Italie, la majorité, veulent atterrir en France. C’est à elle qu’on fait les demandes de visa pour la visiter, se soigner, étudier ou bien pour s’installer et y vivre. Pendant la période de la décennie noire, pour se réfugier de la menace terroriste islamiste, la France était une terre d’accueil des artistes, des scientifiques, des écrivains. Sans aborder ces avantages sociaux qui permettent à n’importe quel arrivant de garder sa dignité et sa santé. Même la performance de l’équipe nationale est strictement liée aux joueurs qui ont fait les écoles sportives françaises.
Selon l’institut des statiques français, les Algériens représentent la première communauté immigrée de France avec 12,8 % du total, elle est estimée à plus de 1,5 million, il y a d’autres qui avancent le chiffre de 4 millions.
Pourquoi ils ne prennent pas la direction de l’Orient pour atterrir au Qatar, les Émirats, l’Arabie-Saoudite? Et pourtant ces pays ont une politique d’immigration !
La réalité sur les vrais amis de l’Algérie, la France est en haut du podium, donc il n’y a pas lieu de se tapir derrière une telle vérité et s’humilier avec des déclarations pour la fustiger d’une manière générale. La critiquer avec ces particularités c’est une chose dont il est nécessaire d’en débattre, mais l’attaquer avec une arrière idée populiste c’est une autre.
Quelquefois, il faut se mettre dans les bottes de Macron ou de Hollande élus démocratiquement par les Français pour comprendre leurs positions vis-à-vis des pays du sud, où du tiers monde. Pour eux, un pays stable n’est d’autres que celui qui ne vit pas un épisode de violence et qui a des institutions avec lesquelles il est possible d’entretenir des relations diplomatiques, sécuritaires et surtout économiques.
C’est que cherche la France en Algérie, en général c’est un marché qui va lui permettre d’en profiter à l’instar des autres nations comme la Chine, la Turquie et les Émirats. Défendre ses intérêts en dehors des frontières ce n’est pas un méfait, c’est de la géostratégie.
Sinon, le reste, sérieusement, serait-il opportun de mettre notre échec politique sur le dos de la France ? Il est plus juste de penser que c’est à nous de créer le changement en élisant des institutions démocratiques.
« À l’exception de la révolution citoyenne, y avait-il un projet politique sérieux pour développer des arguments solides pour dire à la France de se taire? »
Non, notre destin doit être défini. Aujourd’hui, le citoyen algérien est à la croisée des chemins dans une révolution qu’il a initiée depuis février 2019. S’extirper du pouvoir pour tomber entre les mains d’une « classe politique en panne d’idées » et des « faux nationalistes » c’est l’échec recommencé.