Le décès de Khaled Louma, artiste polyvalent, musicien et voix familière de la radio ( Chaîne3), laisse un vide immense dans le paysage culturel algérien. Son inhumation, ce mardi, a donné lieu à des hommages empreints d’émotion, mais aussi à une colère sourde, exprimée publiquement par son ami et ancien collègue, Mohamed Ali Allalou, ex-animateur de l’émission culte Sans pitié sur la Chaîne 3.
Dans une vidéo diffusée sur Facebook, Allalou est revenu non pas sur les souvenirs joyeux qu’il partageait avec Louma, mais sur les blessures d’un parcours professionnel marqué par l’injustice. « Aujourd’hui, je ne vais pas raconter d’anecdotes, je suis très en colère », a-t-il déclaré, visiblement bouleversé.
Un pionnier de la scène et de la radio
Khaled Louma s’était imposé comme une figure singulière de la culture algérienne. Leader du groupe T34, il avait marqué la scène musicale par des compositions audacieuses, mêlant esprit contestataire et ouverture artistique. À la radio, sa voix, son professionnalisme et sa créativité en avaient fait l’un des animateurs les plus respectés de la Chaîne 3, une institution qu’il avait servie avec passion et constance.
Pourtant, derrière cette carrière se cachait une réalité beaucoup plus amère. « C’était un roi de la radio qui a été invisibilisé par la direction », dénonce Allalou, rappelant que son ami, après un retour précipité de France, avait repris son travail à la Chaîne 3 avant d’en être écarté dans des conditions humiliantes.
Une précarité indigne
Le témoignage de Mohamed Ali Allalou met en lumière une situation profondément choquante : « Malgré tout ce qu’il a donné et toutes ses productions radiophoniques, Khaled n’a jamais été déclaré à la Caisse nationale de retraite (CNR). » Un constat qui illustre la fragilité des artistes et hommes de culture, souvent laissés sans protection sociale malgré des années de service au public.
Et ce cas, précise-t-il, n’est pas isolé : « Il n’est pas le seul. Beaucoup qui, comme lui, se sont engagés pour la radio ont subi le même sort. »
Un malaise plus profond
Au-delà du cas de Khaled Louma, c’est toute une génération de créateurs, journalistes, animateurs et musiciens qui se trouvent confrontés à un même déni de reconnaissance. L’absence de statut clair, le manque de droits sociaux et la marginalisation institutionnelle laissent planer une ombre sur l’avenir de la culture en Algérie.
Le cri de colère de Mohamed Ali Allalou, au lendemain de la disparition de son ami, résonne comme un appel à repenser le rapport de l’État et de ses institutions à ceux qui, par leurs voix et leurs créations, ont façonné l’imaginaire collectif.
Khaled Louma, salué aujourd’hui pour son œuvre et son charisme, incarne malheureusement cette contradiction : célébré par ses pairs et son public, mais laissé pour compte par les structures qu’il a servies toute sa vie.
La rédaction