Qui va croire que l’Algérie est à même de mettre en place en quelques mois des zones franches dans des pays avec lesquels elle peine à éviter des crises diplomatiques ?
M. Abdelmadjid Tebboune a annoncé, mardi, que l’année 2024 sera marquée par la réalisation de zones franches entre l’Algérie et cinq pays africains, en l’occurrence la Mauritanie, la Tunisie, la Libye, le Mali et le Niger. C’est la dernière déclaration de Tebboune.
Cette annonce sonne comme une réponse aux déclarations du Maroc qui ambitionne d’ouvrir une voie vers l’Atlantique aux Mali, Niger et Burkina Faso. C’est de bonne guerre, dirons-nous. C’est la réponse du berger à la bergère ! Mais examinons plus sérieusement la chose.
Evacuons d’emblée la Libye où rien de concret ne peut se faire, eu également à la crise politique profonde dans laquelle est plongé le pays.
L’Algérie est en crise avec le Mali et le Niger. Ces deux pays ont défié plusieurs fois l’Algérie qu’elle ne considère plus comme ce voisin puissant un tantinet paternaliste. Les juntes militaires au pouvoir à Bamako et Niamey se sont choisis d’autres protecteurs. Comme les Emirats et les mercenaires du groupe Wagner. Nous ne voyons pas comment l’Algérie va lancer une zone franche à Bamako quand son armée parade aux frontières et narguent les autorités !
Pour le Niger, rappelons-nous les déclarations de l’Algérie qui se présentait comme un médiateur après le putsch mené par des militaires contre Mohamed Bazoum. Echaudée par la brutale réaction des putschistes, la diplomatie algérienne a dû rétropédaler. Depuis c’est le silence radio. Même constat pour le Mali qui avait rappelé son ambassadeur à Alger.
Au moment où Tebboune fait sa déclaration, le Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine est en déplacement au Maroc. Le Niger cherche à renouveler ses partenariats stratégiques, et le Maroc cherche à se placer en allié au Sahel. Et partant, en concurrent sérieux de l’Algérie.
Preuve de l’importance que donne le Maroc à ses liens avec le Niger, Lamine Zeine devrait, selon son cabinet, être reçu, rapporte Rfi, par le roi Mohammed VI durant son séjour. Fin décembre, le Maroc avait proposé une alliance aux pays du Sahel. Se fera-t-elle ? Là aussi difficile de s’avancer dans cette guéguerre de surenchères et d’influence entre Alger et Rabat. Restent la Tunisie et la Mauritanie dans cette histoire de zones franches. Le premier pays est étranglé par une crise économique sans nom.
Derrière cette guerre d’influence, outre les amabilités que les zélés des deux pays se renvoient chaque semaine, il y a le fameux gazoduc qui transportera un jour du gaz du lointain Nigeria jusqu’en Europe. Rabat et Alger souhaitent chacune s’approprier son tracé et le faire passer sur son territoire. Dans cet énième affrontement diplomatique, le Nigeria assiste sans rien révéler de son choix, laissant les deux pays s’étriper grave.
Quant aux fumeuses zones franches, elles risquent d’être un simple mirage dont excelle Tebboune depuis 2019.
Sofiane Ayache