Mercredi 10 octobre 2018
Donald Trump demande des explications à Ryad sur le journaliste saoudien disparu à Istanbul
Donald Trump a affirmé mercredi que son gouvernement avait demandé des explications « au plus haut niveau » à l’Arabie saoudite sur le sort d’un journaliste saoudien disparu début octobre à Istanbul, après la révélation d’éléments accréditant la thèse de sa disparition forcée ou de son assassinat par des agents de son pays.
Le président américain a déclaré s’être entretenu « au plus haut niveau » avec les Saoudiens pour réclamer des explications sur la disparition de Jamal Khashoggi, qui n’a plus donné signe de vie depuis qu’il est entré dans le consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre.
Depuis la Maison Blanche, M. Trump a indiqué que Washington avait parlé « plus d’une fois » avec le pouvoir saoudien. « Nous voulons savoir ce qu’il se passe là-bas », a-t-il ajouté.
La porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, a précisé que le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, le conseiller spécial du président Trump Jared Kushner et le secrétaire d’Etat Mike Pompeo avaient chacun évoqué le cas avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Ils ont notamment demandé « des détails (sur la disparition) et la transparence du gouvernement saoudien concernant l’enquête », a-t-elle ajouté.
M. Trump a également dit être en contact avec la fiancée du journaliste, Hatice Cengiz, qui avait mardi imploré son aide et celle de son épouse Melania pour « faire la lumière » sur cette affaire, Ryad étant l’un des plus proches alliés des Etats-Unis.
Des télévisions turques ont diffusé mercredi des images de vidéosurveillance montrant notamment l’entrée au consulat saoudien d’Istanbul de M. Khashoggi et de l’équipe soupçonnée d’être responsable de sa disparition.
Ce journaliste critique du pouvoir de Ryad qui écrivait notamment pour le Washington Post avait rendez-vous pour des démarches administratives. Selon la police turque, il n’en est jamais ressorti, mais Ryad affirme le contraire.
Sur les images, M. Khashoggi apparaît, entrant dans le consulat à 13h14. Un van noir est visible, garé à proximité.
D’autres images montrent un van entrer dans le consulat puis en ressortir et se rendre à 15h08, selon la chaîne 24 TV, à la résidence du consul toute proche.
Des sources turques, citant l’enquête en cours, ont affirmé durant le week-end que M. Khashoggi avait été assassiné dans le consulat. Mais certains médias ont évoqué mardi la possibilité qu’il ait été enlevé et emmené en Arabie saoudite.
Ryad a fermement démenti la thèse de l’assassinat.
Selon le Washington Post, les services de renseignement américains avaient intercepté, avant la disparition de M. Khashoggi, des communications entre responsables saoudiens évoquant son enlèvement.
« Equipe d’assassinat »
La police turque avait révélé samedi qu’un groupe de 15 Saoudiens avait fait l’aller-retour à Istanbul et au consulat le jour de la disparition du journaliste.
24 TV et d’autres chaînes ont aussi diffusé des images qu’elles affirment être celles des membres de ce groupe arrivant à l’aéroport d’Istanbul puis à leur hôtel. Selon ces sources, ils ont quitté l’hôtel dans la matinée pour se rendre au consulat puis sont repartis dans la soirée.
Le quotidien progouvernemental Sabah avait révélé mardi que deux avions privés étaient arrivés d’Arabie saoudite à Istanbul ce jour-là et que les personnes à leur bord avaient des chambres réservées dans des hôtels proches du consulat mais qu’ils n’y avaient pas passé la nuit.
Mercredi, le même journal a publié les noms, l’âge et les photographies de quinze hommes présentés comme l' »équipe d’assassinat » dépêchée par Ryad.
Le nom de l’une de ces personnes, Salah Muhammed Al-Tubaigy, correspond à celui d’un lieutenant-colonel du département saoudien de médecine légale.
Les autorités turques ont obtenu mardi l’autorisation de fouiller le consulat saoudien, mais cette fouille n’a pas encore eu lieu.
Exilé aux Etats-Unis
Le Saoudien s’était exilé en 2017 aux États-Unis, après être tombé en disgrâce à la cour du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, surnommé « MBS ».
Dans une interview réalisée par la BBC trois jours avant sa disparition, M. Khashoggi a affirmé qu’il n’avait pas l’intention de revenir dans son pays, de crainte d’y être arrêté.
Déplorant une réaction américaine timorée, Sarah Margon, de l’organisation Human Rights Watch, estime que Washington « dispose des outils pour répondre rapidement, c’est une question de volonté politique ».
Reporters sans frontières et deux autres ONG, Al Karamaand et ALQST, ont de leur côté saisi le groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires du cas Khashoggi, a annoncé RSF dans un communiqué, qui appelle par ailleurs à une « enquête internationale indépendante ».
Depuis un an, plus de 15 journalistes et blogueurs saoudiens ont été arrêtés « dans la plus grande opacité », relève encore RSF.