7 février 2025
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Doro, el kilou esserdines !

L’un des cours les plus récurrents auprès des étudiants est celui de la valeur acquise dans le temps. Ce n’est pas difficile à en comprendre l’utilité si on laisse de côté les formulations mathématiques (par ailleurs très simplifiées dans nos cours).

Autrement dit que vaut mon euro actuel, dinar, ou dollar canadien, dans quelques années, en considérant un taux d’inflation de tel pourcentage. Pour les emprunts le taux retenu est celui des intérêts car il est censé évoluer en fonction de l’inflation (résumé très bref).

C’est une question très importante pour l’évaluation de son patrimoine, des emprunts et des investissements.

Ceux qui n’ont pas compris malgré cette très grossière simplification, fallait bien travailler à l’école ! Cheh ! (je le dis bien entendu avec la fausse engueulade d’un prof dans laquelle se cache toujours un sentiment d’affection).

Pourquoi je vous parle aujourd’hui de ces choses « barbantes » alors que vous buvez tranquillement un bon café avec votre journal ?

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Tout simplement parce qu’on vient de me rappeler le prix actuel d’un kilo de sardines à Oran. Si je n’avais pas l’habitude d’entendre des prix astronomiques depuis que je suis parti, pour les sardines, j’ai fait un bond aussi haut que le prix.

Comment ne pas se rappeler de cette phrase iconique qui nous restera toujours à la mémoire « Doro, el kilo esserdines ! ». Et nous voilà dans notre sujet de départ. Est-ce que cela a explosé ou c’est nous qui n’avons pas actualisé les prix dans notre souvenir et dans nos calculs ? Ce sont les fameuses valeurs actuelles et acquises.

On l’entendait du fond de la rue. Tata Hlima ne comprenait pas pourquoi il ameutait le quartier car il arrivait avec la ponctualité d’une horloge atomique (c’était l’une des rares choses à l’heure).

Nous commencions à sentir l’odeur qui se dégageait de son frigo posé sur sa carriole,  quelques volées de glace qui avaient fondues dès son départ des halles. Le pauvre âne qui trainait sa vie et, bien que ce ne soit pas souvent, il s’arrêtait instinctivement aux pas des portes qui avaient l’habitude de s’ouvrir pour des sardines à un doro le kilou.

Puis il repartait sur le son de « Huuuue…. ! ». Personne n’a jamais su quel était le sens de cette onomatopée. Puis il s’arrêtait au son de « Riiiite ! » que chacun a compris que ce n’était pas une onomatopée mais un reste très lointain du cours de français à l’accent local, « arrête ! ». Là également n’y voyez que la tendresse.

Le pauvre âne ne trainait pas seulement la lourde carriole qui n’avait pas encore la direction assistée des camionnettes qui suivirent, mais aussi supporter l’odeur pénétrante des sardines et endurer tous les jours le braillement interminable du « Doro el kilou esserdines ! ».

Puis nous voilà à la porte de tata Hlima. Tous jours que la rotation de la terre fait revenir, elle posait cette question dont la réponse était tous les jours identique et le son du hurlement très annonciateur « Doro el kilou ! ». Le souvenir de l’existence d’une pancarte sur laquelle on lit le prix ne m’est plus disponible. De toute façon, tata Hlima ne savait pas lire.

Comme à son habitude, elle lui dit ce qu’ont dû lui dire toutes les clientes depuis le début de son périple. Et comme à son habitude il répondit ce qu’il avait dit à toutes, « Je vous jure que je ne gagne rien avec le prix d’achat que j’ai dû subir ».

Oran n’était pas épargnée par un phénomène économique mondial, les commerçants vendent toujours au prix de revient et selon le niveau de plainte de leur part, même en dessous. Walras et Ricardo étaient de piètres économistes pour ne pas s’en être rendu compte.

Et puis vers le début des années 70, les yeux de tata Hlima sont sortis de leur orbite lorsque le vendeur à la carriole lui a dit « Deux doros el kilou ». Sa réponse fut « je t’ai demandé un kilo, pas toutes les sardines de tous les océans ! ».

Voilà ce qu’est la leçon de notre début, comment comparer les prix en évolution dans le temps ? Tout le monde me dit en voulant me faire part de la baisse du niveau de vie, cette référence de « Tu te souviens du bon temps du doro el kilou esserdines ? ».

Lorsqu’on m’a informé du prix de la sardine qui avait justifié ma chronique, je pensais qu’on me parlait du prix du kilo de requin. Et je m’imaginais ce pauvre âne qui poussait la charrette avec la terreur d’une mâchoire de requin qui effleurait ses hanches.  

Puis, toujours après le moment d’effroi, je reprenais raison avec le phénomène de la valeur des prix qui est toujours à évaluer dans le temps selon la valeur acquise. La valeur dans le temps des salaires et leur augmentation étant toujours à prendre en considération pour évaluer le pouvoir d’achat.

Mais je suis persuadé, avec le gigantisme de l’envolée des prix, croissance ou pas, il y a toujours des tatas Hlima qui écarquillent les yeux devant le prix du requin alors que le salaire apporté à la maison par l’oncle Hamza avait évolué en sens inverse.

Eh oui, j’ai oublié de vous dire que pour la formule du calcul il existait des valeurs négatives. Une considération qui change tout, la sardine est bien devenue un requin depuis cette époque.

Ou se sont les intermédiaires dans la chaine économique qui le sont devenus. Ils ne sont plus avec des carrioles et un âne.

Un jour le pauvre âne trainera une baleine.

Boumediene Sid Lakhdar

4 Commentaires

  1. « Un jour le pauvre âne trainera une baleine. »
    C’est pas gagné. Il faudra déjà trouver un âne, même un très pauvre, pour traîner la baleine. L’âne a quitté depuis longtemps le service des transports notamment celui des poissonneries.
    Et depuis il se fait encore plus rare dans ses contrées que la baleine bleue dans les oceans. Ce noble compagnon qui a été de tous les fronts, ses rares propriétaire lui ont semble-t-il trouvé d’autres créneaux plus lucratifs dans la boucherie au service des merguez et des saucisses. Et ce n’est pas à zouj douros le kilo, notamment un certain mois qui arrive bientôt.

  2. Tout le poisson mediterraneen est super polue par les micro-plastiques. Gare a ceux qui en mangent. Beaucoup de debiles ementaux en Algerie en ce moment et ceci est l’une des raisons.

  3. Qui connait la chanson de Stone et Charden : le prix des allumettes. ?
    « Tout va trop vite et tout change sans nous attendre
    Et tout nous quitte avant que l’on ait pu comprendre
    Comme bien d’autres, je me demande où va ma vie
    Souvent je pense, heureusement qu’il y a?
    Toi, tu ne changes pas, tu as toujours la même tête
    Toi, tu ne changes pas, tu es comme le prix des allumettes »

    Le tout est de savoir si c’est la valeur du dinar qui a baissé ou celle des sardines qui a augmenté. Dans tous les je me dis que les sardines d’aujourd’hui vengent leurs ancêtres qui ont été ainsi dépréciées. Un kilo de sardines moins chères qu’une baguette. Quelle avanie !

    M’enfin, je suppose que seul l’âne est stoïque dans l’affaire et pense comme Sisyphe dans sa peine. Il se dit : de toute façon ce n’est pas demain la veille qu’une star viendra dans ma charrette . Autrement baleine ou Sardine : tout ça c’est du poisson.

  4. Dégager les voleurs et remettre de l’ordre, de l’ordre, de l’ordre…
    👍Voir l’article de la TRIBUNE

    OPINION. Michel Santi : « Enfin le retour à la raison d’État en Syrie »
    OPINION. Le gouvernement syrien a récemment décidé d’augmenter de 300% les droits de douane sur les importations en provenance de Turquie, une mesure qui pourrait rappeler les politiques protectionnistes de Donald Trump. Cette réforme a suscité un fort mécontentement en Turquie, mais pourrait aussi offrir à la Syrie une occasion de redresser son économie en crise. Par Michel Santi, économiste (*).
    Photo de Michel Santi
    Par Michel Santi

    Publié le 20/01/25 à 10:46 – Mis à jour le 20/01/25 à 11:05

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    Le gouvernement syrien vient d’augmenter de 300% les droits de douane pour toute importation de biens en provenance de Turquie ! Le nouvel homme fort de Damas, Ahmad el Charaa, se serait-il inspiré de Donald Trump qui n’a de cesse, depuis qu’il est élu, de menacer tous ses partenaires économiques de flambées des droits de douane américains ? Pas vraiment en réalité, car le récemment installé exécutif syrien harmonise ses droits de douane, ayant baissé au même moment de 60% ceux envers les importations depuis le Liban, la Jordanie et l’Iraq.

    Cette différence notable de droits syriens imposés aux marchandises en provenance de ces trois pays et de celles vendues par la Turquie avait été sciemment instaurée par la précédente administration Assad. En fait, et jusqu’à la chute du dictateur syrien, les biens turcs n’étaient quasiment pas imposés en Syrie, tandis que les importations des nations arabes «sœurs» étaient lourdement pénalisées. L’uniformisation des droits de douane syriens mécontente – et c’est un faible qualificatif – l’ensemble de la classe des affaires turque et pour cause, puisque les exportations du grand et influent voisin turc se montaient à plus de 2 milliards de dollars depuis plusieurs années.

    Une augmentation de 300%
    Partenaire très influent, ayant accepté de recueillir sur son territoire trois millions de réfugiés syriens, la Turquie subit depuis quelques semaines l’interruption, ou le gel, pur et simple de toutes ses exportations à destination de la Syrie. C’est notamment l’industrie agroalimentaire turque qui menace d’être sinistrée par ce réajustement syrien de ses droits de douane, car la Turquie y exportait en quantités massives céréales, légumineux, oléagineux et autres denrées agricoles. Le secteur du ciment turc risque également d’être largement pénalisé avec certains exportateurs qui font état de taxes syriennes de 27 dollars pour un sac de ciment en valant 50 ! Le choc semble si rude pour les Turcs qui ont été pris de court et qui se demandent quelle influence leur pays conserve-t-il encore en Syrie ? En toute logique, des mises en garde sont proférées par certains responsables turcs avertissant les Syriens qu’une inflation sévère et qu’un effondrement de leur pouvoir d’achat seront la conséquence de cette véritable raclée que constitue l’augmentation de 300% des droits syriens.

    En fait, les nouveaux venus responsables syriens tentent de rétablir une certaine équité sur le plan de leurs droits imposés à l’importation de chez leurs voisins, tout en générant davantage de revenus désormais vitaux, dans un contexte où leur pays – à sec – souffre de sanctions internationales depuis 13 ans. Les dirigeants et milieux des affaires libanais et jordaniens ont ouvertement exprimé leurs doléances à el Charaa et à ses collègues, et ont dénoncé la concurrence déloyale que leur livraient les marchandises turques amplement favorisées par des droits inexistants et qui, de ce fait, ont inondé le marché syrien ces dernières années.

    Il n’en reste pas moins que les nouveaux hommes forts de Damas ne sont nullement sous pression pour une raison simple, à savoir que les prix des denrées alimentaires se sont purement et simplement effondrés depuis la chute de la bande Assad. Le système mafieux mis en place par le dictateur et par ses comparses confisquait la quasi-totalité des importations de qualité à des check-points installés aux frontières avec ses pays limitrophes, pour les destiner à une infime élite syrienne et accessoirement aux 170.000 soldats que constituait son armée. L’effondrement d’Assad a donc eu pour effet automatique l’approvisionnement généreux des marchés et des épiceries syriens en produits de qualité, à des tarifs divisés par deux, voire plus, en comparaison à ceux pratiqués sous l’ère Assad.

    Par exemple, le prix du kilo de pommes de terre a baissé de 9.000 livres syriennes à 4.000, celui des bananes libanaises est de 30% moins cher, celui de l’huile d’olive d’Idlib n’est plus que le quart de celui d’antan… Celui des cigarettes, autrefois monopolisées par les hommes d’Assad, s’est effondré de 13.000 à 7.000 le paquet. Le redressement spectaculaire de la livre syrienne, de 22.000 pour 1 dollar sous Assad à 12.000 aujourd’hui, est également un autre facteur non négligeable qui aura contribué à cet affaissement général des prix. Ce répit est bienvenu pour une population laissée pour compte sous son ancien régime dont 90% était sous le seuil de pauvreté, et pour un pays qui (selon la Banque Mondiale) a subi la liquéfaction de 85% de son PIB.

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