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Édouard Philippe et le négationnisme colonial : quand l’histoire vacille et que la gauche se tait

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Le 10 décembre 2025 restera dans les annales de la mémoire coloniale française. Sur LCI, Édouard Philippe, maire du Havre, ancien premier ministre et probable candidat à la présidentielle de 2027, a été interrogé par le journaliste Jean-Michel Aphatie : « La colonisation est-elle un crime ? »

Sa réponse, lapidaire et choquante, fut : « Non. » Un simple mot, mais chargé d’une signification lourde : un refus de reconnaître les violences, les crimes et les massacres commis pendant la longue histoire de l’empire colonial français. Cette déclaration n’est pas un simple dérapage, elle s’inscrit dans un courant idéologique qui refuse de faire face à la vérité historique.

Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire spécialisé dans l’histoire coloniale, souligne que cette réponse illustre un phénomène récurrent au sein de certaines droites dites traditionnelles et parmi les nostalgiques de l’Algérie française : la négation ou la réécriture de l’histoire coloniale. Selon lui, la réponse de Philippe peut résulter soit d’une ignorance manifeste des faits historiques – ce qui est surprenant au vu de son parcours académique – soit d’une stratégie délibérée visant à séduire une fraction de l’électorat sensible aux thèses révisionnistes. La question coloniale, longtemps éclipsée dans le débat public et académique, reste un terrain électoral sensible.

Le Cour Grandmaison rappelle que les grandes écoles fréquentées par Philippe – hypokhâgne au lycée Janson-de-Sailly, Sciences-Po, puis l’ENA – ont longtemps marginalisé l’enseignement de l’histoire coloniale. Ces institutions ont contribué à diffuser ce qu’il appelle le « roman impérial-républicain », un récit mythifié de l’expansion française où la colonisation est présentée comme un projet civilisateur et universel, occultant les guerres sanglantes, les massacres, les déportations et l’oppression systématique des peuples colonisés. Jules Ferry et ses alliés, selon ce récit, auraient mené une « œuvre civilisatrice », masquant derrière des discours sur l’universalisme les réalités brutales de la conquête.

Cette vision apologétique de la colonisation a été renforcée sur le plan législatif par la loi du 23 février 2005, qui rend hommage aux acteurs de la présence française en Afrique du Nord et en Indochine. Le texte, jamais abrogé, a officialisé une mémoire sélective et partielle, contribuant à la diffusion d’une interprétation louangeuse de l’histoire coloniale. Pour Le Cour Grandmaison, cette loi a ouvert la voie à une série de distorsions historiques, relayées et amplifiées par des médias et des acteurs financiers proches des sphères conservatrices. Vincent Bolloré, les éditions Fayard et d’autres officines médiatiques ont ainsi participé à la diffusion de récits révisionnistes, renforçant un courant qui tend à justifier ou banaliser la colonisation et ses violences.

Au-delà des institutions et des médias, ce courant trouve un écho dans les extrêmes-droites et leurs tentatives de modeler la mémoire collective pour servir des agendas politiques contemporains. Alain de Benoist et ses émules ont théorisé dès les années 1970 une « métapolitique » destinée à conquérir l’influence culturelle et électorale. Aujourd’hui, cette stratégie se déploie dans les médias, les spectacles et les publications, où des mythes impériaux sont présentés comme des vérités historiques incontestables.

Face à cette offensive idéologique, le silence des gauches politiques est préoccupant. La déclaration d’Édouard Philippe aurait dû susciter une réaction massive, mais elle a été largement ignorée, les forces progressistes estimant sans doute qu’il s’agit d’un épisode secondaire. Cette passivité laisse le champ libre aux falsificateurs de l’histoire, permet aux récits révisionnistes de se diffuser et affaiblit les initiatives visant à reconnaître les crimes coloniaux et leurs victimes.

Olivier Le Cour Grandmaison insiste sur l’urgence d’une réponse organisée et déterminée : reconnaître les crimes coloniaux, défendre les libertés académiques, restituer les biens spoliés et engager des réparations sont autant d’étapes nécessaires pour corriger une mémoire nationale déformée. La négation de l’histoire coloniale inflige une double violence : elle efface la souffrance des victimes et brouille la compréhension des enjeux contemporains liés à l’héritage colonial. Les massacres du 17 octobre 1961, la répression de la guerre d’Algérie, les violences institutionnelles et symboliques subies par les populations afro-descendantes et post-coloniales illustrent cette injustice persistante.

La réponse d’Édouard Philippe n’est donc pas anodine. Elle révèle la persistance d’un négationnisme colonial intégré dans la sphère politique et médiatique, et le danger que représente le silence des forces de gauche face à cette réécriture de l’histoire. Au-delà du geste d’un homme, c’est une mémoire collective, une vérité historique et une justice symbolique qui sont en jeu. Face à l’instrumentalisation de l’histoire, il est impératif que les forces progressistes reprennent la parole, défendent la vérité et réaffirment la nécessité d’une mémoire fidèle aux faits, pour que le passé cesse d’être détourné au service de stratégies électorales et idéologiques.

Synthèse Djamal Guettala 

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1 COMMENTAIRE

  1. Tout ça n’a aucun sens tant que le bilan des crimes de l’islam n’est même pas amorcé, même pas évoqué.
    Les crimes de la colonisation ne doivent à aucun moment faire passer le désastre sur tous les plans consécutifs à la conquête islamique de l’Afrique ancienne.
    Comment se fait-il que les 3 siècles de retard, irrattrapables, de la domination turque ne sont jamais évoqués ?
    Le contact avec les phéniciens, les romains et les français s’est fait au prix de fleuves de sang; mais ça a au moins le mérite de nous mettre en contact avec des peuples plus avancés culturellement, économiquement. Non pas pour nos beaux yeux certes, mais ça a existé. Qu’a apporté l’islam qui s’est fait tout autant au prix de fleuves de sang et qui continue à n’exister que par la répression et toutes sortes de terreur métaphysiques imposées à nos bambins ? Un artiste valeureux qui a sculpté la statue d’Aksil croupit dans les geôles de l’islam; et e n’est qu’un minuscule exemple.
    Ceux qui passent la majeur partie de leur temps à rédiger des lois sur la dernière colonisation se maintiennent au pouvoir en perpétuant l’héritage désastreux de l’islam. Ouvrons des débats libres sur toute l’histoire sans quoi tout n’est que manipulations honteuses.

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