“On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse.” George Clemenceau
Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle a eu beau confirmer les prédictions faites depuis très longtemps, il convient maintenant de le décortiquer en attendant le deuxième tour. Complètement explosé à la dernière élection présidentielle en 2017, le paysage qui s’offre à notre regard semble nous parler et nous dire quelque chose d’essentiel. La gauche, ou ce qu’il en reste, analysera longtemps encore les raisons de son cuisant échec.
Mon sujet est de parler ici des vaincus du premier round. Et d’abord de celui qui a terminé à la troisième place, celle qui est la moins enviable, puisque une des marches du podium a été ratée. Jean-Luc Mélenchon doit se mordre les dix doigts pour avoir trébuché à moins de 500.000 voix – une paille !
La mécanique utilisée tend à prouver qu’il y a de la place pour une certaine gauche. Il faut se souvenir que tous les instituts de sondage le donnaient autour d’un pitoyable 10% et qu’il a réussi à plus que doubler ces chiffres par la politique du vote utile d’une part et par l’apport d’un vote communautariste sans précédent.
Yannick Jadot et Anne Hidalgo ont sombré corps et âme, et avec eux, une certaine idée de l’écologie en rupture avec la nature et un socialisme bobo en désaccord avec le peuple d’en bas.
Si Mélenchon avait mis son énorme égo de côté et avait négocié avec les autres composantes de la gauche, s’il n’avait pas abandonné son étendard républicain au milieu du marigot séparatiste, il serait, à l’évidence, au second tour.
Si tous ceux qui appellent aujourd’hui au rassemblement républicain contre Marine Le Pen l’avaient pratiqué à gauche avant le premier tour, Jean Luc Mélenchon avant tous les autres, nous n’en serions pas là.
Chacune et chacun est resté sur le pas de sa porte et a préféré jeté des anathèmes sur le voisin. Les législatives à venir offrent une belle occasion de s’amender pour créer un pôle républicain de gauche.
Évidemment que dans le décompte, les 22% de Jean Luc Mélenchon, il convient de compter les voix offertes par des écologistes, des socialistes et des communistes qui ont privilégié le vote utile. Et il ne fait aucun doute que les potentiels négociateurs de ces partis ressortiront cet argument le moment venu. Sauf que l’égo démesuré de Jean-Luc Mélenchon et le très bon score du premier tour ne l’encourageront pas à négocier dans la clarté.
À droite, c’est la Bérézina. Le score ridicule de Valérie Pécresse ne lui permettra même pas d’être remboursée des frais engagés pour sa campagne. Elle ne recevra, comme tous les autres candidats qui n’ont pas atteint les 5% fatidiques, que les 800.000 € tirés des poches des Français.
Ce sera certainement une somme raisonnable pour Jean Lassalle, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, mais pas pour Pécresse, qui a engagé ses propres biens pour contracter un prêt personnel de 5 M€ pour financer sa campagne.
La voilà, la cigale qui a chanté tout l’été, qui en appelle aux dons des fourmis laborieuses pour la sauver de cette situation financière inédite – une situation loufoque quand on se rappelle que la présidente de la région capitale défendait le « dépenser moins et mieux » et déclarait : « Ma valeur, c’est le travail, pas l’assistanat ». Ce coup de poing imparable contre Valérie Pécresse ne veut peut-être pas dire que son parti est agonisant mais qu’il a été sonné.
Maintenant, chacun sait que quelque soit le résultat du deuxième tour, le troisième tour sera décisif et se jouera les 12 et 19 juin lors des prochaines législatives. Mais pour prévoir ce qui va se passer, il faut être prophète en son pays.
Kamel Bencheikh, écrivain