27 avril 2024
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Eloge à la laïcité

Laïcité

Depuis plusieurs jours (voire des semaines) je suis atterré par la façon dont notre environnement social et politique dans le « monde occidental » a été incapable de donner une réponse forte à l’oppression croissante (qui va jusqu’à tuer) des femmes qui, en Iran, osent protester contre ce régime patriarcal abject.

Comme on le sait bien – mais peu dénoncé –, le soulèvement des femmes d’Iran a commencé avec la mort de la jeune fille kurde Mahsa Amini, le 16 septembre à la suite de mauvais traitements infligés par la « police de la moralité » iranienne, comme on l’a expliqué, du fait « de ne pas porter le voile de manière correcte ».

La révolte « Femme, vie et liberté ! » a commencé au Kurdistan iranien et s’est étendue dans tout l’Iran, un État dirigé par des fanatiques devenus fous dans leurs envies répressives découlant d’un patriarcat profondément réactionnaire.

L’incompréhension de la passivité des peuples européens face à ces abus est devenue croissante et même surprenante. De l’incompréhension, je suis passé à la surprise, puis à la consternation. Comment se fait-il que même les organisations féministes ne se fassent pas entendre aussi fortement qu’elles le devraient ? !

Je n’ai trouvé aucun raisonnement convaincant susceptible de justifier cette inaction scandaleuse… La voix de l’écrivaine catalane Najat el Hachmi a à peine été écoutée, qui, connaissant le contexte, a montré son rejet d’un comportement qu’elle a comparé à de la candeur…

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Mais je pense qu’il faut gratter plus profondément pour constater qu’il s’agit, plutôt que de la candeur, d’un manque de malice qui se cache derrière ces comportements passifs inexpliqués. Elle ne pouvait pas non plus être réduite au « bonisme » bien connu, expression qui signifierait dans l’excès de « bonne foi » de tout un tas de secteurs sociaux qui fuient par système de faire face aux contradictions, sous une sorte de bonté artificielle. C’est bien plus que cela.

Une sorte de « bonisme » à l’origine obscure

En grattant cette réalité, on peut enfin observer qu’en fait le « bonisme » n’est rien d’autre qu’une attitude d’évasion face à la réalité, ce que nous appelons en catalan de tous les jours « fugir d’estudi » (prendre la tangente).

Mais la qualification d’un phénomène ne va pas au-delà d’une identification initiale et il faudrait trouver des explications sociales – collectives – à ces comportements qui montrent un effondrement des convictions humanistes, dans la diminution des réactions aux différents cas d’oppression qui sont abondants et variés.

Si l’on analyse les attitudes dérivées de ce genre de comportements sociaux, nous pouvons observer plusieurs phénomènes de base qui peuvent aider à les expliquer : la propagation de l’individualisme que l’idéologie postmoderne, alliée à la recherche de la paix sociale imposée par le système de domination, a répandu.

À cela s’ajoute le cynisme dans le fonctionnement de la politique institutionnelle qui a conduit à focaliser l’intérêt fondamental de chaque action sur le simple gain de voix, sans analyser de manière critique l’action en fonction de la réalité sociale. Et d’un point de vue plus général, le monde politique s’est également dégradé en raison du système international d’alliances qui ne répond à aucune logique sociale bien structurée mais passe par de simples options opportunistes.

L’imbroglio pathétique de la gauche postmoderne

C’est dans ce magma idéologique que la gauche postmoderne a développé son idéologie profondément conservatrice qui a fini par placer le monde islamique comme un sujet tabou et, par conséquent, n’a pas voulu entrer dans la critique des aspects des sociétés de tradition musulmane qui violent les droits et les libertés.

C’est ainsi que ce type de gauche « apparente » (qui ne défend qu’un espace préétabli basé sur des apparences, des positions et des tendances de modes superficielles et bien peu engagées) fuit le terrain de la « droite » pour ne pas « polluer » sa propre image. Cette gauche-là cède aussi le champ d’action à la confusion et adopte finalement une attitude qui conduit à l’inaction.

Une gauche qui ne veut pas se livrer au combat nécessaire et qui, au fond, est mue par un principe conservateur qui consiste à penser qu’il existe des coutumes (et des oppressions) qui, « dans ce genre de pays », ne sont pas si importantes. Inutile de dire que derrière cette considération cynique, sous ce genre d’opinions de renonciation, se cachent de graves préjugés d’un scandaleux racisme culturel. Une attitude de prévention qui, paradoxalement, finit par engrosser les rangs du fascisme. Un imbroglio, donc, bien pathétique.

Du mouvement des Lumières à la généralisation cynique d’un Pacte réactionnaire

L’histoire de l’humanité pourrait se décrire comme un chemin long et laborieux pour expulser de la vie sociale les idées de l’obscurantisme, pour écarter avec la lumière de la raison les mythes et les superstitions du monde ancien.

Cela n’a pas été un chemin facile parce que la pensée matérialiste (ce qui revient à dire, tout dépassement de croyances mythiques) s’est accompagnée d’une confrontation aux obstructions de la réaction, comportement très souvent lié à la religion ; et que chaque confrontation a été suivie d’une répression sévère qui a conduit à la torture et, dans de nombreux cas, à la mort des défenseurs de la liberté de pensée et du libre développement de la science et de l’humanité.

Cela n’a pas été un chemin parsemé de roses parce que la pensée matérialiste n’a pu s’étendre qu’en surmontant, comme nous l’avons souligné, les forts obstacles de la répression. Les révolutions démocratiques, ouvrières et populaires du XIXe et XXe siècles ont été, de mon point de vue, les dernières expressions politiques de cette tendance à aller de l’avant.

Avec l’effondrement des théories révolutionnaires en Europe et en Amérique du Nord, un effondrement qui coïnciderait (en termes de grands équilibres) avec la fin du bloc de l’Est, le système capitaliste a adopté, avec moins de scrupules, un plan cynique basé sur la division du monde et du pouvoir basé sur le maintien des inégalités par des alliances avec tout type de forces capables de maintenir l’ordre social et l’oppression.

Depuis plus d’un demi-siècle, les États-Unis ont établi des alliances étroites avec les dictatures les plus atroces, comme l’exemple scandaleux de la dictature de Pinochet au Chili. Dans sa dernière phase, le capitalisme, dans ses différentes expressions, n’a pas hésité à promouvoir la réaction afin d’empêcher l’avancée des mouvements populaires de libération.

La réaction religieuse islamiste a très souvent été l’un des instruments de déstabilisation utilisés par le capitalisme pour maintenir des situations de pouvoir favorables à la domination impérialiste (le cas de la Libye est assez évident, et ce n’est pas le seul exemple dans le monde de tradition musulmane).

La lutte contre les impositions obscurantistes

C’est donc ce genre d’alliance perverse qui a transformé les expressions de l’oppression de la religion musulmane en territoire interdit, paralysé à la fois par un mélange de peur (les attentats islamistes ont très souvent anéanti la liberté d’expression), des « autotromperies » de la gauche postmoderne et des manipulations d’un système socio-économique en chute libre.

Contre le cynisme ambiant, nous ne pouvons pas baisser la garde dans la lutte populaire contre toute forme d’obscurantisme. Et l’imposition forcée du voile sur la tête des femmes, pratiquée avec des insistances dans trop de pays de tradition musulmane, est une forme évidente d’obscurantisme.

Si nous avons pu découvrir et dénoncer les abus de la religion chrétienne pour tendre vers une éthique humaniste exempte de préjugés, d’obstacles et de tromperies, nous devons aussi le faire face à toute prétention coercitive sans vouloir « pardonner » (avec une sorte de stupidité paternaliste, aux connotations racistes) les abus de la réaction d’où qu’ils viennent.

Le rejet de l’obscurantisme doit être absolu. Et notre lutte contre toute forme de réaction contraire à la liberté des personnes doit être, toujours et partout, implacable.

Carles Castellanos i Llorenç,

Professeur à l’Université autonome de Barcelone,

Militant indépendantiste catalan,

Vice-Président de l’Assemblea Nacional Catalana (ANC) dans son premier mandat (2012-2013).

Barcelone, le 17 novembre 2022

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