Conséquence de l’urbanisation rapide, les embouteillages dans les capitales africaines incitent certaines villes à innover dans les transports et l’urbanisme, avec plus ou moins de succès. Naïrobi, Abidjan, Le Caire,.. cherchent des solutions.
Pendant que les autorités algériennes ne semblent pas près de se pencher sur la dramatique situation des embouteillages à Alger et dans d’autres grandes villes du pays, ailleurs en Afrique, les choses commencent à bouger.
Abidjan : la solution métro
Chaque ménage à Abidjan dépense 2 dollars et perd 3 heures par jour dans les transports, selon la Banque mondiale. Les déplacements par bateau, sur la lagune, ont pris leur essor avec trois opérateurs, sans résoudre le problème des embouteillages.
Devenu urgent, le projet de métro d’Abidjan, lancé en 2001 puis relancé en 2010, a vu ses travaux finalement démarrer en août 2021, pour une mise en service prévue en 2024. Il vise à fluidifier la mobilité dans une capitale de 6 millions de personnes, soit 20 % de la population du pays. Construite par Bouygues sur financement de la France, une première ligne extérieure, sans tunnel, va relier la commune d’Anyama au nord, à l’aéroport international au sud, sur un trajet de 37 km et 18 stations, pour une capacité de 540 000 passagers par jour.
À une date ultérieure, une seconde ligne est-ouest doit relier Yopougon à Bingerville. Les futurs usagers s’interrogent sur le prix du billet de métro, craignant qu’il ne soit bien plus cher que les trajets en taxis collectifs, les « gbaka » et autres « woro-woro ». Quant à l’idée de déporter des institutions à Yamoussoukro, une ville qui n’a de capitale administrative que le nom, à 235 km d’Abidjan, elle reste en suspens.
Lagos : sept lignes de métro en projet depuis… 19 ans
Comme Abidjan, Lagos, 15 millions d’habitants et une mauvaise réputation en raison de ses « go-slow », a opté pour la solution métro. Les sept lignes du Lagos Rail Mass Transit (LRMT) seront de couleur rouge, bleue, verte, jaune, orange, etc. En projet depuis 2003 sous la forme d’un partenariat public-privé entre la ville et une société d’ingénierie chinioise, la première d’entre elles, qui sera bleue, tarde à voir le jour. Elle doit desservir 27 km entre le district central des affaires la Marina et le quartier ouest d’Okokomaiko, avec des rames de 12 wagons d’une capacité de 3 600 passagers. Censée être achevée en 2011, elle ne le sera pas avant fin 2022, en raison de problèmes de financement.
Le Caire : une nouvelle capitale en construction
Au Caire, le premier métro d’Afrique, mis en service en 1987, transporte sur 78 km quelque 4 millions de passagers par jour. Mais ses trois lignes paraissent trop limitées, dans cette mégalopole de plus de 20 millions d’habitants, également dotée d’un réseau de tramways et de trains de banlieue.
La construction en 2000 d’un quartier dénommé « New Cairo » à 35 km du Caire n’a pas rendu la circulation plus fluide. D’où la décision radicale prise par le président al-Sissi de construire une nouvelle capitale administrative. Un projet pharaonique de 40 milliards de dollars, entamé en 2015 dans le désert, à 45 km à l’est du Caire. En attendant, les startups comme Tink ou SWVL qui s’attaquent au problème de la mobilité rencontrent un énorme succès. SWVL a été en février la première « licorne » africaine à être cotée au Nasdaq, grâce à son application qui offre une alternative au transport public, via des services de covoiturage et de bus privés.
Dakar : autoroute à péage et ville nouvelle
Dakar, dont le plan urbain s’organise autour du Plateau, ancien petit centre-ville colonial, reste immobilisée aux heures de pointe. À tel point que beaucoup renoncent à faire des trajets durant les jours de semaine, comme à Nairobi. Échangeurs et voies express ont été construits ces 20 dernières années, ainsi que l’autoroute à péage de 45 km qui va vers la ville nouvelle de Diamniadio et l’aéroport international Blaise Diagne, construite et exploitée par le groupe français Eiffage.
Seul problème : la capitale, coincée sur la presqu’île du Cap-Vert, n’en est qu’aux débuts de sa congestion, ont révélé des experts lors du Forum de Dakar/Afrika Innovation de juin 2021, consacré à l’urbanisation. La population passera de 3 à 7 millions d’habitants d’ici 2040, sur un espace qui représente 0,3 % de la superficie du pays. Seulement 5 % des trajets actuels à Dakar se font en voiture, et 25 % en transports collectifs. Autrement dit, 70 % des déplacements se font en deux roues ou à pied, selon les diagnostics faits par la Banque mondiale et les autorités nationales.
L’État a décidé de résoudre le problème via des transports « capacitaires », le Bus Rapid Transit (BRT) et le Train express régional (TER) Dakar-Diamniadio, mis en service fin 2021, pour une capacité de 115 000 passagers par jour. De son côté, l’Agence nationale d’aménagement du territoire (ANAT) veut éviter « l’urbanisation anarchique connue à Dakar » sur le triangle Dakar-Thiès-Mbour. Situé dans les Niayes, la zone agricole la plus fertile du Sénégal, le triangle comporte des projets d’autoroute vers Thiès et Mbour, en plus d’une zone économique spéciale, la deuxième université de Dakar et les deux pôles urbains du Lac rose et Diamniadio, où des ministères ont commencé à déménager.
Kigali : motos-taxis électriques et carte multi-transports prépayée
Quelque 26 000 motos-taxis arpentent les collines de Kigali, 1,3 million d’habitants, chauffeurs et passagers portant consciencieusement le casque de rigueur. Alors que nombre de capitales africaines cherchent à s’en débarrasser, le Rwanda a choisi de réguler ce secteur, dans lequel il est désormais possible de payer par « mobile money ». Les motos-taxis sont encouragés à passer à l’énergie électrique, dans le cadre d’un plan national qui vise à réduire les émissions de CO2 et voir 30 % du parc de motos électrifié d’ici 2030. Trois sociétés s’occupent de convertir les engins, tandis que les autorités ont lancé en juillet une carte multi-transports prépayée, dénommée Safaribus. Développée par Centrika, une startup, elle couvre les trajets en bus, en moto-taxi et en taxi classique.
Kinshasa : effet d’annonce et robots aux carrefours
En mai dernier, le gouvernement congolais s’est attaqué à la circulation, très difficile dans la mégapole de 17 millions d’habitants, malgré des routes express à 8 voies. Un train de mesures a été annoncé, visant à désengorger 22 points noirs de trafic dans la ville, aménager les carrefours et zones de stationnement et enregistrer les véhicules de manière électronique. Il est aussi question de relancer le train urbain sur certains tronçons, d’encadrer les motos-taxis et de « soutenir » les projets de transport urbain fluvial et de tramways. Ce vaste plan a été annoncé sans calendrier ni estimation de financement. En attendant, « Kin » se distingue par ses robots futuristes qui remplacent les policiers aux grands carrefours, des automates 100 % « made in DRC ».
Nairobi : l’intelligence artificielle à la rescousse
Classée 2e ville du monde la plus embouteillée après Bombay (Inde), Nairobi coûte chaque année au Kenya 1 milliard de dollars de productivité perdue. Le temps moyen d’un trajet s’élève à 57 minutes, faute de transports en commun par train – une seule ligne existe entre le quartier populaire de Kibera et le centre-ville. Les « boda-boda » ou moto-taxis ont été interdits dans le centre-ville, en vain, tandis que les autorités ont résolu de construire des bypass pour contourner la ville, et des voies express pour les bus rapides – des travaux qui congestionnent encore plus Nairobi.
Un plan recourant à l’intelligence artificielle a été lancé en 2020, dénommé Smart Intelligent Transport System. Une société coréenne a été retenue pour améliorer la situation à 21 carrefours, et construire un centre de gestion des transports. Le système pourra étudier la circulation en temps réel avec des caméras intelligentes, et gérer des feux rouges à distance afin de faciliter le travail de la police. Jusqu’à ce que le métro, sans doute, ne s’impose.
Avec RFI