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Emmanuel Macron : seul !

Macron

Emmanuel Macron ne tient aucun cap sur la question palestinienne.

Emmanuel Macron, le monarque républicain, a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l’a fracassée.

Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu’il ne l’était auparavant.

La France est passée à côté du désastre, le parti xénophobe n’a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec une parole extérieure à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l’histoire.

Malgré cette première victoire, pour autant le combat n’est pas tout à fait gagné et la lourde responsabilité du Président Emmanuel Macron est toujours d’actualité à ce jour. Car le tremblement de terre qui n’a pas eu lieu risque à tout moment de surgir.

La porte a été fermée au loup mais il n’a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s’exprime n’est en fait qu’un soulagement que le RN n’ait pas obtenu la majorité absolue. Elle n’a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité.

Cet article ne veut pas lancer un froid et ternir la fête mais il faut revenir à cette réalité que le soulagement occulte pour le moment. Regardons les résultats avec les yeux de la raison et analysons le comment et le pourquoi un homme a tenté une telle folie.

Le Rassemblement National a perdu ?

Je n’ai peut-être pas compris l’arithmétique. Il avait 89 sièges et en attendant la confirmation définitive, il en aurait maintenant entre 113 et 148. Curieuse défaite.

Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec une estimation entre 157 et 174. Le Président a porté un coup fatal à ce qu’il restait encore de viable dans le parti qui l’avait porté au pouvoir. Le RN n’attendait que cela, c’est déjà un obstacle qui n’est plus sur son chemin pour la suite.

Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire, il engrange entre 178 et 205 députés. Le NFP, ce n’est pas celui dont les membres s’écharpent avec des noms d’oiseaux et qui se sont mis d’accord en quatre jours avec des tas de bisous ? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche et quatre jours pour une réconciliation, ce n’est pas un mariage précipité ?

Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand. Il avait fini rapidement par un divorce violent.

C’était une folie que cette dissolution que personne ne comprend. Comment pouvait-il concevoir qu’un peuple qui venait juste de s’exprimer se renierait en une poignée de semaines ?

Il a joué la France par un coup de poker, elle n’a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais  hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.

Une déraison incompréhensible

Il n’avait prévenu personne si ce n’est informer la Présidente de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l’impose la constitution. Ils n’avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à vieille de sa décision.

Puis la colère de la classe politique comme de la population s’était manifestée dès l’annonce de d’une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu’elle ne cesse désormais.

Les électeurs ont réussi à rattraper son énorme bêtise mais le pourront-il  éternellement contre une force populiste qui enfle dans toute l’Europe. Peuvent-ils encore lui faire confiance ?

Commençons par décrire qui est l’homme de cette folie.

Jupiter redescend de l’Olympe

L’image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C’est d’ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016 accordé au magazine Challenges au moment de sa conquête du pouvoir.

Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l’hyper-président », celui qui avait théorisé qu’il  fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d’intervention à son gouvernement. C’est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.

Quant à François Hollande, il s’est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l’exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l’économie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l’étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu’à son abandon d’une nouvelle candidature.

Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant  un «  hyper président anormal ».

Le syndrome du premier de la classe

La montée fulgurante d’un homme jeune et sa stupéfiante réussite en si peu de temps pour devenir Président de la république avait été jugée comme exceptionnelle. L’homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.

Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vielle politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu’il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp.

Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s’ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite.

Il voulait des « premiers de cordée », c’est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d’innover et d’entraîner un « ruissellement vers le bas », c’est-à-dire au profit des autres.

Il avait cru que c’était l’excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d’une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d’adhésion et d’entrainement d’une société. Il avait cru qu’un pays se gouvernait comme une entreprise.

Le pouvoir et la solitude du Prince

Goethe affirmait que « la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument » (Le Prince, 1513). 

Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l’appropriation matérielle illégale mais de celle de l’esprit.  

On peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l’Etat nous rapprochent d’une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l’enfant de la solitude ».

On doit écarter l’image du pouvoir isolé dans le Palais de l’Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu’il avait reçu des chefs d’état à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d’argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple.

Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l’Etat, donc celle du peuple.

Cependant on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d’être envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d’accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d’être la source de développement et de la protection du pays.

Et maintenant, que peut la solitude ?

Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu’une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu’importe, d’une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d’analyser toutes les options possibles dans une telle situation.

Une seconde dissolution ? La Constitution ne le lui permet pas avant un an.

La démission ?  Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne l’envisage pas. Et puis, c’est donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen en considération du mode de scrutin.

Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme en Italie, mais ce n’est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d’élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l’image du technicien lui a collé à la peau c’est parce qu’il fut un grand professeur d’économie (le plus grand disait-on à cette époque).

La recherche d’une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l’effort immense pour la gauche de construire le Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J’ai bien peur que la gauche ne s’enthousiasme trop tôt et commence sérieusement à retrouver le chemin de l’unité. Il est loin d’être atteint en cette soirée de victoire.

La nomination du leader du parti majoritaire ? L’usage le voudrait mais le plus gros parti en sièges est le Rassemblement National. Il faudrait alors comprendre le leader de la coalition majoritaire. Il aurait donc le choix, selon cet usage, entre Bardella et Mélanchon. Pour une vistoire stable et durable, j’ai connu plus stable.

Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d’automne.

Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais il serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National. Le  blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction, de son intérêt et de celui de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ?

En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n’avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet que celui du rêve chimérique de détruire l’existant, c’était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté.

Il l’a fracassé.

Boumediene Sid Lakhdar

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