Dans l’Algérie d’aujourd’hui, la réussite inquiète plus que l’échec, et la richesse suscite davantage de soupçons que de respect. Un projet de loi sur les procédures pénales, censé — entre autres — combattre la corruption, pourrait bien institutionnaliser l’arbitraire. Et consacrer la rupture entre la loi… et la légitimité.

L’innocence, en Algérie, n’est plus une présomption : c’est une parenthèse. Et cette parenthèse peut se refermer à tout moment, sur décision d’un fonctionnaire, d’un rapport administratif, ou d’une volonté politique. Ce n’est plus la justice qui juge : c’est la présomption qui condamne.

Dernier symptôme de cette dérive : un projet de loi qui légalise l’arbitraire patrimonial. Il autorise le gel, la saisie, voire la spoliation de biens sur la seule base de “fortes présomptions”, sans qu’aucune condamnation judiciaire ne soit requise. Pire encore, il enveloppe cette logique brutale d’un vernis technocratique : “urgence”, “indices sérieux”, “nécessité préventive” — autant de formulations floues, ouvertes à toutes les interprétations… ou à toutes les vengeances.

Les investisseurs, eux, ne se laissent pas distraire par les discours. Ils lisent les textes. Et ce qu’ils y découvrent, c’est un terrain miné : la possibilité d’être dépossédés sans procès, exposés sans défense, ruinés sans recours. Ce n’est pas un État de droit que l’on construit, mais un état de méfiance généralisée, un théâtre de l’arbitraire, où la richesse devient un risque, et l’initiative privée une cible.

Il ne faut donc pas s’étonner si les capitaux prennent le large. Ce texte n’attirera aucun investissement sérieux : il les fera fuir. Il poussera ceux qui ont quelque chose à perdre à sécuriser leur patrimoine ailleurs — dans des comptes étrangers, des holdings offshore, des juridictions où l’État n’est ni prédateur, ni capricieux. La peur n’est pas un moteur économique : c’est un accélérateur d’exil.

Ce projet donne un nouveau sens au succès : toute richesse devient suspecte. La croissance devient un délit, la réussite une preuve. L’administration devient juge et partie, le parquet bras armé, et le juge — lorsqu’il intervient — arrive trop tard, après les gels, les saisies, l’humiliation publique.

Le pouvoir ne veut pas d’un secteur privé fort. Il veut un capital obéissant, apolitique, dépendant. Des fortunes sous contrôle, des entrepreneurs réduits au silence. Mais il oublie une chose essentielle : le capital est mobile. Il fuit l’arbitraire, le chantage et l’opacité. Et quand il part, il ne revient pas.

Ce projet de loi ne combattra pas la corruption. Il l’institutionnalise autrement, en instaurant une culture de la peur et une justice d’exception. Il ne restaurera aucune confiance : il détruira ce qui en reste.

Il ne fera pas revenir l’argent volé. Il fera fuir ce qui restait encore.

Oui, il faut une justice forte. Mais une justice forte n’est ni brutale, ni expéditive, ni opaque. C’est une justice qui respecte les droits, garantit les procédures, et inspire confiance — même à ceux qu’elle poursuit.

Aujourd’hui, ce ne sont pas les délinquants économiques qui tremblent. Ce sont les innocents prospères. Les entrepreneurs honnêtes. Les citoyens prévoyants. Le pouvoir en place rêve d’un “Nouvel État”. Mais on ne construit pas un État moderne avec les outils du soupçon, les méthodes de l’intimidation, et les lois de l’exception permanente.

Il n’est pas trop tard pour retirer ce projet de loi — et pour repartir sur des bases saines. L’Algérie a besoin d’un texte qui ne soit pas un instrument de domination, mais l’émanation d’un débat large, transparent, contradictoire. Pourquoi ne pas ouvrir la voie à des Assises nationales pour un État de droit, où juristes, avocats, magistrats, entrepreneurs, syndicalistes et citoyens pourraient définir ensemble les principes d’une justice crédible, respectueuse des droits, au service de l’intérêt général ? Ce serait un premier pas, non seulement vers la réconciliation entre l’État et la richesse, mais surtout entre la loi et la légitimité.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

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3 Commentaires

    • Le Matin fera plutot confiance au fln, parti de la 3ouboudiya et des ignards.
      Le parti des gens qui vivent sur le dos des autres comme des sangsues et des bacteries depuis 62.

    • Le language du RCD vous fait peur car vous etes habitues a la superstition, au mensonge et a faire semblant de se taper la tete a terre 10 fois par jour en vous brulant le front.
      Meme en religion vous trichez car vous ne savez absolument rien faire.

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