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samedi 26 juillet 2025
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Entre restriction et suspicion : le citoyen rationné

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La Banque d’Algérie a tranché. Depuis le 15 juillet, l’allocation touristique de 750 € est officiellement en vigueur. Présentée comme une avancée pour les citoyens désireux de voyager, cette mesure n’est ni une ouverture, ni une réforme.

C’est une aumône en devises, servie au compte-gouttes à quelques Algériens autorisés à franchir les frontières. Une concession minimaliste, assortie de conditions kafkaïennes. Une permission de respirer, un instant, hors d’un pays à l’économie verrouillée.

Longtemps figée à 15 000 dinars – à peine une centaine d’euros – l’allocation a été revue fin 2024, après vingt-sept ans d’immobilisme. Mais ce rattrapage n’efface ni le retard accumulé, ni le caractère arbitraire du dispositif.

Car même à 750 €, une fois par an, sous mille conditions, l’allocation n’est pas un droit : c’est une faveur.

Le citoyen algérien est ainsi rationné dans son propre accès à la monnaie étrangère. Il doit prouver son mérite, justifier sa sortie, déclarer ses liens familiaux, son emploi, son retour. Et lorsqu’il franchit enfin les barrières administratives, il se retrouve à faire la queue dans les rares agences bancaires habilitées, tandis que le change informel – notamment au square Port Saïd – continue de fixer la véritable valeur du dinar, bien loin du taux officiel.

Ce contraste est brutal : d’un côté, un pouvoir qui prétend réguler l’accès à la devise pour préserver sa souveraineté monétaire ; de l’autre, un marché parallèle qui dicte sa loi à l’économie réelle. Le dinar est ainsi humilié deux fois : par sa faiblesse structurelle, et par l’incapacité des autorités à garantir aux citoyens un accès libre, régulier et égal à la devise étrangère.

Cette allocation ne vaut pas seulement par ce qu’elle accorde, mais par ce qu’elle révèle : une hiérarchie implicite entre le dinar et les devises fortes, consacrée par le pouvoir lui-même.

À force de conditionner l’accès à l’euro, on finit par acter une forme de dévaluation symbolique : celle qui ne passe pas par un taux officiel, mais par une politique de restriction.

La monnaie nationale n’est plus un outil de souveraineté, mais un fardeau que l’on contourne, ou que l’on subit.

La Banque d’Algérie parle de régulation. Mais que régule-t-on, au juste, quand les véritables opérateurs économiques sont bridés par une paperasse absurde, et que les particuliers doivent mendier une allocation dans un circuit bancaire asphyxié ? Ce n’est pas une politique monétaire : c’est une gestion de la rareté. Une mise en scène de la discipline budgétaire sur le dos des citoyens.

Dans la même logique que la légalisation du commerce du cabas, cette mesure participe d’un même théâtre économique : on normalise l’informel à défaut de construire du réel. On administre des dérogations là où il faudrait garantir des droits. On met en scène des gestes de libéralisation sans jamais s’attaquer à l’ossature fermée du système.

Et surtout, on entretient une illusion : celle d’un pouvoir qui aiderait ses citoyens à voyager, alors qu’il se contente de leur céder, au forceps, un droit fondamental devenu exception administrative.

Le problème, ce n’est ni l’allocation ni son plafond. Le problème, c’est qu’en Algérie, acheter des devises reste un privilège, pas un droit. Tant qu’il faudra supplier pour changer sa propre monnaie, le dinar restera dévalorisé, et le citoyen suspect.

Mohcine Belabbas, ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie.

Tribune publiée par son auteur sur les réseaux sociaux.

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3 Commentaires

  1. AH’LIL D ALH’IF
    LAMENTABLE.

    Un proverbe amazigh dit :
    YIF TIKARKAS I-SEFRAH’EN
    WALA TIDETT QARRIH’EN
    (Mieux vaut les mensonges qui réjouissent
    Que la vérité qui blesse).

    En réalité, tout le Monde sait que sans un parent, un proche ou un ami qui habite à l’étranger pour recevoir, les 750 euros ne valent pas grand chose.

    Il faut ajouter la rareté pour ne pas dire l’impossibilité d’obtenir un Visa vers plusieurs pays à cause de l’isolement de l’Algerie dans le Monde, ces 750 euros ne serviront dans les faits que pour Aller à la Mecque afin d’acheter des petits cailloux et ainsi agresser le pauvre et invisible Chitane (le Diable) pour avoir le mérite d’un pas  » au Paradis imaginaire dans l’au-delà, et vivre l’enfer et l’obscurantisme dans le Monde réel d’ici-bas

    TANEKRA S TDDUKLI N UGDUD
    MACI S-LQEDRA N REBBI NEGH N ALLAH.

  2. « Car même à 750 €, une fois par an, sous mille conditions, l’allocation n’est pas un droit : c’est une faveur. »

    En effet la populace a compris par asservissement et ignorance due a la religion et a la superstition que tout ce que les
    illegitimes font est une faveur car le pays leur appartient.
    En gros, la populace a été conditionnée pour accepter qu’elle n’a que des devoirs mais aucun droit.
    Le plaisir de servire de chaire a canon et l’idolatrie excessive me rappellent quelque chose dans cette société.

  3. Personnalité et citoyenneté algériennes :

    Construire une personnalité et une citoyenneté algériennes solides et harmonieuses nécessite une approche globale, à la fois historique, culturelle, sociale, éducative et politique. Voici une réflexion structurée :

    1. Reconnexion avec l’Histoire et les racines
    – On ne peut pas construire l’avenir sans comprendre le passé.
    Valorisation de la diversité historique algérienne : Numidie, royaumes berbères, Islam, colonisation, guerre de libération, etc.
    Reconnaissance des différentes composantes identitaires : Amazighe, arabe, méditerranéenne, africaine.
    Éducation historique critique : Enseigner l’histoire avec honnêteté pour cultiver une conscience nationale mature.

    2. Éducation civique et éthique
    – La citoyenneté ne se décrète pas, elle se forme.
    Intégrer l’éducation à la citoyenneté dès le jeune âge : droits, devoirs, valeurs républicaines.
    Encourager l’esprit critique, la responsabilité, l’engagement collectif.
    Favoriser des espaces d’expression libre dans les écoles, universités et quartiers.

    3. Réconciliation entre l’État et le peuple
    – Le citoyen ne peut s’épanouir dans une relation de méfiance avec ses institutions.
    Lutter contre la corruption, le clientélisme et l’impunité.
    Instaurer une gouvernance basée sur la transparence, l’équité et la compétence.
    Renforcer la participation citoyenne à la vie publique et locale.

    4. Affirmation dans la modernité sans renier son authenticité
    – Être algérien aujourd’hui, c’est être enraciné tout en étant ouvert au monde.
    Promouvoir une culture algérienne ouverte aux innovations tout en défendant ses spécificités.
    Favoriser le bilinguisme/trilinguisme équilibré (arabe, amazigh, français, voire anglais).
    Stimuler la création culturelle (cinéma, littérature, musique) pour raconter le vécu algérien avec ses nuances.

    5. Justice sociale et inclusion
    – La citoyenneté se nourrit de dignité et d’égalité.
    Combattre les inégalités régionales et sociales.
    Inclure toutes les franges de la société : jeunes, femmes, diaspora, minorités.
    Instaurer des mécanismes de solidarité et d’équité dans les politiques publiques.

    6. Éveil de la conscience collective
    – Construire une personnalité algérienne, c’est faire émerger une conscience partagée.
    Encourager les débats publics, les cafés citoyens, les réseaux associatifs.
    Célébrer les réussites algériennes dans tous les domaines pour cultiver la fierté constructive.
    Repenser le rôle de la religion, de la culture et de la mémoire comme liens sociaux et non comme outils d’exclusion.

    Conclusion
    Construire une personnalité algérienne affirmée et une citoyenneté pleine et entière ne se fait pas uniquement par des discours ou des lois, mais par une action collective, continue, lucide et inclusive. Cela commence par chacun de nous, dans la manière dont on pense, agit, transmet et s’engage.

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