La Cour suprême des Etats-Unis va prendre une des plus grandes décisions de ces dernières décennies. Va-t-elle confirmer la décision de deux Etats d’interdire la participation à l’élection présidentielle de Donald Trump ou l’infirmer ?
Donald Trump est empêtré dans de multiples affaires judiciaires et pas des moindres. Plus il est poursuivi plus sa côte dans les sondages grimpe auprès de ses partisans. Cependant nous savions que l’affaire de l’assaut du Capitole était certainement la plus grave d’entre toutes.
La Chambre des représentants avait accusé et condamné le président sortant « d’incitation à l’insurrection » pour avoir suscité l’assaut auprès de groupes radicaux favorables à son discours victimaire. Nous connaissons son acharnement à répéter qu’il avait été victime d’une fraude électorale qui l’aurait privé d’une victoire certaine.
Si le Sénat avait suivi la Chambre des représentants l’échec d’une tentative d’un retour aurait été définitivement impossible en plus des sanctions qu’il encourait. Sur le plan fédéral l’affaire était dans une impasse, reste le niveau des Etats.
La poursuite judiciaire par les Etats
Sur le fondement du 14e amendement de la constitution, des recours ont été lancés dans certains Etats pour barrer la route au grand favori des primaires du Parti républicain. Si le Michigan et le Minnesota les ont rejetées, la Cour suprême du Colorado a déclaré Donald Trump inéligible en raison de l’appel à l’assaut du Capitole.
Puis sur le même recours au 14ème amendement, la secrétaire d’État du Maine, Shenna Bellows, a pris une décision similaire à l’encontre de l’ancien président. Des procédures sur le même fondement sont en cours dans de nombreux autres Etats.
La haute instance judiciaire a fait savoir qu’elle étudierait les recours en mars ce qui est suffisant pour être fixé avant la date des primaires. Si la Cour avait annoncé un traitement des recours après la date des primaires, il y aurait eu une obligation de présenter les bulletins de vote au nom de Donald Trump dans les deux États concernés.
Le pays est ainsi en attente d’une décision inédite de la Cour suprême, aux conséquences si importantes. Quel est ce fameux amendement et que dit-il ?
Le recours inédit au 14e amendement
En fait, il s’agit plus précisément de la section 3 du 14e amendement qui précise :
« Nul ne sera sénateur ou représentant au Congrès, ou électeur des président et vice-président, ni n’occupera aucune charge civile ou militaire du gouvernement des États-Unis ou d’un quelconque État, qui après avoir prêté serment, comme membre du Congrès, ou fonctionnaire (officer) des États-Unis, ou membre d’une législature d’État, ou fonctionnaire exécutif ou judiciaire d’un État, de défendre la Constitution des États-Unis, aura pris part à une insurrection ou à une rébellion contre eux, ou donné aide ou secours à leurs ennemis. Mais le Congrès pourra, par un vote des deux tiers de chaque Chambre, lever cette incapacité ».
Voilà donc les deux mots qui justifient son recours, « insurrection ou rébellion », soit la qualification des incriminations par les décisions des deux États. Nous voyons bien là l’extrême gravité des faits reprochés dans cette aventure de l’assaut du Congrès.
Le 14 ème amendement avait été ratifié après la guerre civile américaine (de Sécession) qui avait pris fin en 1865. Il s’agissait d’empêcher les sécessionnistes de reprendre leur poste au gouvernement une fois les États du Sud réintégrés à l’Union. Mais quelle en est l’interprétation actuelle ?
Une affaire d’interprétation
Comme toujours dans le cas d’une inexistence de jurisprudence il s’agit d’interpréter le texte. Et c’est bien là le gros du problème car la cacophonie est grande pour donner un avis sur la bonne interprétation. Quelle interprétation donneront les juges ?
Avocats et spécialistes du droit constitutionnel ont chacun une interprétation différente, souvent radicalement différente. Les principales questions peuvent être résumées de la manière suivante.
Les uns affirment que la rédaction du texte ne concerne que les sécessionnistes de l’époque et plus ceux des époques ultérieures. Les autres prétendent le contraire.
Puis il y a ceux qui affirment que le texte ne mentionnant pas explicitement l’élection présidentielle le cas présent n’a donc pas d’existence juridique et doit être laissé à la seule interprétation politique. Or la décision politique appartient au Congrès, elle ne peut donc être judiciaire par cette lecture. C’est d’ailleurs l’argument du juge du Michigan qui a refusé l’interdiction car pour lui c’est effectivement au Congrès de se prononcer.
Attendons l’interprétation des neuf juges !
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité