5 mai 2024
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Face à son «Dégage» : les manœuvres guerrières d’un général

DECRYPTAGE

Face à son «Dégage» : les manœuvres guerrières d’un général

De tous les acteurs du système avachi post-Bouteflika amorphes et incapables de communication, frappés de mutité, seul le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah arrive, tant bien que mal, à lire en bafouillant, des discours écrits dans l’urgence, se télescopant, se contredisant, mais possédant une seule constante : celle de protéger le pouvoir et de menacer le mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février.

Ces harangues, par cette constante même, observent globalement dans leur historicité une démarche composée de trois articulations discursives imbriquées pour dynamiter le mouvement de la dissidence citoyenne.

Ce 10e vendredi de ses marches dans la capitale et toutes les autres villes du pays, le mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février l’a consacré, pour ainsi dire, au vice-ministre de la Défense nationale. Tout en réitérant avec fermeté son seul et unique mot d’ordre, l’exigence du départ de tout le système politique en place, il a, par sa mobilisation restée intacte, dans ses rangs, son caractère pacifique et sa fermeté combattive inébranlable qui ne concède un seul iota de cette revendication de rupture fondamentale avec le système en place, ses hommes, ses rouages et sa justice, montré qu’il n’est pas dupe face aux politiques manœuvrières d’un Gaïd Salah qui en a pris pour son grade.

Pour le mouvement de la contestation, ce n’est pas au système illégitime, lui-même corrompu, et symbole de la corruption de mener des poursuites judiciaires contre des corrupteurs et des corrompus qui appartiennent au même système.

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Pour les Algériens, ces vagues d’arrestations opérées par la Justice ne sont que de la poudre aux yeux ; elles ne servent, encore une fois, qu’à faire diversion, faire croire à l’opinion publique que le système en place fait peau neuve et qu’il répond aux attentes des revendications de justice et d’ «Etat de droit » du peuple algérien.

Ces opérations opportunistes engagées par une Justice d’un gouvernement par « intérim » en situation d’éjection ne pouvaient que grossir son aversion auprès de l’opinion publique et conforter si besoin est le mot d’ordre principiel de la dissidence citoyenne : le départ de tout le système, condition préalable à toute démarche politique, juridique, législative. Or, le pouvoir politique en place ne veut pas entendre ou lire le slogan des manifestants qui se résume en un verbe simple : « Dégager » qui s’est, en ce 10e vendredi plusieurs fois conjugué avec plusieurs B, mais surtout, actualité oblige, avec le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, avec des variantes syntaxiques du type : « Un seul Gaïd, le peuple ». Pourquoi, en ce 10e  vendredi ce grand barrage sur le chef d’Etat-major de l’ANP ?

Du 22 février à ce 10e  vendredi du 26 avril, dès les signes avant-coureurs de la démission de Bouteflika, le vice-ministre de la Défense nationale du gouvernement actif de Bouteflika encore Président de la République jusqu’au même poste,  reconduit par Bouteflika démissionnaire dans le gouvernement Bedoui, antérieur à la nomination par l’article 102 de la Constitution du chef de l’Etat par intérim Bensalah, Gaïd Salah a engagé un périple à travers les différentes régions militaires  qui, officiellement de « visites de travail et d’inspection » sont devenues des tribunes d’un Général de corps d’armée qui sort du terrain des opérations d’entraînement militaire pour entrer de plain-pied dans le terrain politique de la crise, confondant les deux dans ses harangues mettant en garde, avertissant, menaçant à mots couverts, infantilisant avec un paternalisme suspect puis avec hargne et violence, le mouvement de la dissidence citoyenne.

Retransmis au J.T du 20h de la télévision officielle, au lieu et place de la « Une » machiavélique consacrée habituellement aux activités protocolaires de Bouteflika, les discours lus par Gaïd Salah devant un public de militaires inamovibles et auxquels assistaient, avant la démission de l’ex-Président de la République, quelques-uns de ses ministres de son dernier gouvernement, dont le celui de la Culture, ces discours-là du Général de Corps d’armée, sont présentés, dans la structure sémantique du message politique qu’en font les médias officiels, comme une arme discursive dissuasive contre le mouvement de la contestation du 22 février dont les marches initialement étaient censurées par les mêmes médias, avant d’être retransmises sur des images et des commentaires erronées car tronquées.

De la matrice du système politique, il y eut, avant que Gaïd Salah ne devienne en quelque sorte la figure tutélaire d’une légitimité constitutionnelle, faut-il le rappeler des tentatives d’appels au dialogue par des personnalités « civiles » qui ont lamentablement échoué devant le « mur » des revendications de la dissidence citoyenne.

Bien que largement médiatisées dans les médias officiels, en direct et en replay, ces offres de faux dialogue n’ont fait que précipiter le discrédit des voix corrompues qui les ont portées ; le pouvoir se frottant les mains, pensant à tort que le départ d’un seul Bouteflika signifiait la fin du mouvement de la contestation du 22 février, qu’il allait ouvrir, béantes, les portes du dialogue et dérouler le tapis rouge vers ses élections présidentielles. Le traquenard mis en échec et l’affirmation réitérée et soutenue de la dissidence citoyenne exigeant ce ferme « Dégage » de « tout le système », le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah  monte alors au front au nom et au profit du Système dont il cherche des bouées de sauvetage, des voies de sortie de crise en ignorant la voix des millions Algériens qui clament son départ et le système auquel il appartient.

De tous les acteurs du système avachi post-Bouteflika amorphes et incapables de communication, frappés de mutité, seul Gaïd Salah arrive, tant bien que mal, à lire en bafouillant, des discours écrits dans l’urgence, se télescopant, se contredisant, mais possédant une seule constante : celle de protéger le pouvoir et de menacer le mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février.  Ces harangues, par cette constante même, observent globalement dans leur historicité une démarche composée de trois articulations discursives imbriquées pour dynamiter le mouvement de la dissidence citoyenne.

La première consiste d’abord à faire peur aux Algériens dans la mesure où ses discours sont émis à partir de bases militaires qui se préparent « à la guerre »  par des opérations militaires d’entraînement, dont certaines (celles de la 1ère région militaire, a précisé le compte-rendu de l’APS) se sont effectuées « à balles réelles », puis par cette peur même, l’infantiliser, lui adresser des messages paternalistes qui font un éloge surfait d’une l’ANP qui protège « le peuple » « qui est entre de bonnes mains » et dont il réitère les racines du 1er novembre pour se légitimer de ce « peuple » immature. Comme cette approche moralisatrice n’a pas pris et que la dissidence citoyenne campe sur le «dégagisme du système» sans appel, le vice-ministre de la Défense nationale pense avoir trouvé la parade à la crise politique.

C’est la deuxième démarche : le recours à la constitution, aux articles 102, puis aux 7 et 8. Il pense ainsi résoudre une crise matricielle et multidimensionnelle par le recours à une constitution décriée, corrompue et absconse. Sa solution du 102 l’a précipité davantage dans le panier du « dégagisme » après que Bélaïz a démissionné et que Bedoui est démissionnaire même toujours en poste, fantomatique et que Bensalah, effacé, est plus présent dans les coulisses que face aux tribunes officielles fuies même par ses partisans et que des ministres en mal d’exercice ou de condoléances hypocrites se font chasser par des citoyens abusés par des promesses  niées.

La troisième manœuvre, face à sa solution constitutionnelle, le Général de Corps d’armée pense l’avoir trouvée et que c’est par elle qu’il allait sauver, laver, rendre crédible aux yeux du mouvement de la contestation citoyenne du 22 février : la Justice ! Accélérer par ses soins les poursuites judiciaires contre ceux qui ont pillé les richesses du pays et volé l’argent du peuple ! Des arrestations aussi spectaculaires que surprenantes ont eu lieu sous les huées de quelques sbires du pouvoir, payés aux cris télécommandés. Ahmed Gaïd Salah s’attendait-il aux cris de victoire de pauvres citoyens déjà alléchés par les lingots d’or qui leur serait distribués sur la place Audin par les Rois Mages du Système restituteur, réparateur des torts et d’iniquités, aux  louanges du Coryphée populaire et donc à la fin du « spectacle » de la rue qui, assoiffée de justice, s’égosillerait de hourrah de satisfactions ? C’est celle-ci, la logique absurde du Système et de Gaïd Salah. Le mouvement de la dissidence du 22 février en son dixième vendredi lui a signifié derechef son « Départ » et que, tout initiative prise par lui, quelle qu’elle soit, est irrecevable.

Présentement, après avoir épuisé ces trois manœuvres guerrières qui sont progressivement parfaitement lisibles dans ses discours, le chef d’Etat-major de l’ANP perd pied, langue et patience et dégaine. Son ennemi « invisible » dans ce mouvement massif, imposant, aux rangs serrés, qui, chaque vendredi le « prie » lui (et tous les clans du système) de « dégager », c’est son « pacifisme ». Comment y mettre un terme ? Comment l’imploser ? Comment faire en sorte que ce mouvement qui lui oppose dans un pacifisme exemplaire une fermeté revendicative indémontable et indéracinable, dérape dans la violence, dans le sang, le racisme, le tribalisme, la main étrangère, le néo-colonialisme ?

Alors, le Gaïd Salah, le « petit père » du Peuple,  paternaliste, le messie, le constitutionnaliste, se mue, dans son dernier discours émis de Ouargla, en première région militaire, dont, jeudi dernier, il a accusé certains médias nationaux d’avoir déformé ses propos,  se mue, donc, en semeurs de troubles. Refusant délibérément de voir en le mouvement de la contestation et surtout dans leur crédo légitime du « dégagisme du système » ( – non pas « de ses symboles » comme aiment à le réduire en cet euphémisme les médias officiels mais ses représentants et serviteurs en chair et en os, en Képi et en costume cravate, en robe noire ou en robe tout court et sa constitution – ), en cette énergie de la jeunesse d’une Algérie révoltée, l’avenir du pays libéré de cette faune prédatrice dont il se fait le protecteur et le garant de ses rendez-vous de reproduction de la race, le Général de Corps d’armée le voue aux gémonies et l’accuse de couver dans ses rangs tous les ennemis destructeurs de l’Algérie.

Or, pour le Général, ce qu’il faut sauver à tout prix, c’est le système politique en place et, dans l’immédiat ses élections présidentielles : les urnes du partage de la rente, de cet argent qui, volé, au peuple, sera, légalement, blanchi, par les urnes, également, volées, même dans la transparence, à ce même peuple. Son dernier discours cumule toutes les manœuvres politiciennes des précédents et les projettent dans une dérive totalitaire plus qu’inquiétante pour l’avenir immédiat du pays. Car, le vice-ministre de la Défense nationale a épuisé ses armes discursives.

Tous ses messages de dissuasions  avec lesquels il met en garde le mouvement de la dissidence du 22 février ont essuyé un cuisant échec mais les appels à son départ ne semblent pas l’avoir fait vacillé. Le Général qui se dit protecteur du peuple ne veut pas entendre sa Voix et sa Revendication qui, chaque vendredi exige le départ du système.

Le système qui s’accroche encore à quelques débris de ses pouvoirs, n’est-il pas déjà parti ? Que représente un gouvernement épouvantail dont les pseudo-ministres sont conspués à chacune de leurs visites sur le terrain par des citoyens entrés en dissidence ? Quel crédit  a désormais ce chef de l’Etat par intérim qui recycle d’anciens présidents d’APN et de partis politiques insignifiants pour se donner l’illusion de consultations de « dialogue » dans la tour du système, quand, il n’a pu réunir, à ce poste, que quelques hères de service à une « conférence nationale » de monologues. Que peut la Justice « accélérée » qui fait de la corruption des faits divers dans lesquels les petits malfrats paient  toujours pour les gros bonnets et ces derniers couvrent plus gros qu’eux et les plus puissants qu’eux sont plus insaisissables que… etc.

Le chef de l’Etat-major de l’ANP a épuisé toutes les cartouches des manoeuvres de protection du Système qui l’a maintenu à son poste et par lequel il n’a eu de cesse, depuis le 22 février, de chercher des scenarii catastrophes pour faire imploser le mouvement de la dissidence citoyenne. Va-t-il tenir un autre discours ? Il serait, derechef, le slogan de plus de son départ lors de « la prière » de son départ du 11e vendredi.    

Auteur
Rachid Mokhtari, écrivain journaliste

 




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