5 novembre 2024
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Face aux peurs et aux injustices : la solidarité

TRIBUNE

Face aux peurs et aux injustices : la solidarité

Ce soir, j’ai gros sur le cœur ! Mes craintes et mes appréhensions rejoignent celles qu’éprouvent en ces instants tous les militants et militantes kabyles qui luttent pour le bien être et l’avenir de la Kabylie et de ses enfants et qui sont en proie à des poursuites judiciaires de la part d’une prétendue justice aux ordres. Ils sont quelques-uns et bientôt plusieurs à être interpellés par les services répressifs du pouvoir d’Alger.

Braver le danger n’est pas synonyme de l’absence de la peur. Il s’agit, de la part de celles et ceux qui s’y livrent, d’une preuve de courage. N’est-ce pas que celui-ci (le courage) n’est que le pouvoir qu’un individu a pour vaincre la peur qui le tenaille ?

Ce soir, je voudrais être dans la tête de tous ceux qui sont convoqués et ceux qui sont retenus dans les geôles des services de la répression policière et judiciaires algériens. 

En connaisseurs de la nature du système politique qui régente l’Algérie, ils savent et nous savons que l’épreuve sera dure à vivre, car dans un pays où les gouvernements ne respectent ni leurs propres lois, ni les conventions internationales qu’ils ont pourtant ratifiées, mais dont ils font fi, se pose la question de savoir auprès de quelle autorité ou institution il serait possible de faire valoir ses droits pour assurer sa défense et échapper aux pires sévices et tortures à la fois psychologiques, moraux et physiques. 

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Le plan anti-Kabyle !

C’est une réalité qui a tout le temps prévalu dans les stratégies de prise de pouvoir et de le conserver chez ceux du gouvernement d’Algérie. Si par le passé, cette réalité ne déborde pas le cercle des initiés à la chose politique, force est de reconnaitre que cette entreprise est devenue visible et à l’œil nu pour le dernier des observateurs de la scène politique algérienne en lien avec la Kabylie. 

Les tragiques évènements de 2001 restés impunis en sont l’élément déclencheur de cette politique qui nous est hostile.

Au cours de ces dernières années, de nombreux indicateurs montrent que le pouvoir algérien est décidé à résoudre, coûte que coûte, l’équation kabyle qui l’empêche de pacifier l’Algérie afin d’y régner en maitre, lui et ses pontes, aussi longtemps qu’il y aura des richesses à piller dans ce pays.

Les saillies de soutiens à l’opération « zéro Kabyles » et bien d’autres sorties politiques de la part de mercenaires à la solde du pouvoir pour stigmatiser la Kabylie. La désigner comme l’ennemi de l’intérieur et le prolongement de celui de l’extérieur contre l’Algérie constituent les preuves irréfutables de cette volonté, de plus en plus avérée, de soumettre quel qu’en soit le prix, cette terre rebelle au diktat que le pouvoir a imposé au reste du pays et de sa population. 

Tout indique, désormais, qu’il existe bien une stratégie bien élaborée et mise en place pour atteindre un tel objectif. 

Les moyens de séduction et de charme longtemps utilisés ayant atteint leurs limites sans produire les résultats attendus, il devient urgent pour le régime de penser une nouvelle approche dans ses rapports avec la Kabylie, car il est d’évidence que ses alliés (KDS) n’ont pas été à la hauteur de ce qu’est attendu d’eux. 

Le balayage de la clique à Bouteflika et celui-ci a été une occasion pour les maitres actuels aux commandes d’excommunier leurs alliés d’hier, car jugés impuissants et incompétents à soumettre cette Kabylie rebelle. 

Même si l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui est différente de celles où ce pouvoir, qui n’est que le prolongement de ceux qui l’ont procédé, a commis les pires atrocités contre son peuple, sa nature autiste le conduit malgré cela à se laisser dominer par ses impulsions pour commettre encore plus d’exactions contre quiconque qui oserait se dresser contre lui, et c’est justement le cas de cette Kabylie insoumise. 

Un pouvoir qui s’est imposé par les armes contre son peuple ne peut avoir comme conception pour la résolution des conflits que cette même logique de l’usage de la force. 

N’est-ce pas que malgré la façade civile dont il veut se prévaloir, la réalité des faits atteste bien que ce pouvoir est exclusivement militaire. L’irruption du Haut conseil de sécurité (HCS) en est bien l’illustration.

Face à la peur légitime, quelle stratégie ?

La crainte de ne pas savoir de quoi sera fait l’avenir d’un détenu et la peur des souffrances qu’il peut endurer durant la détention sont légitimes et doivent nous interpeller. Parmi ces craintes et peurs qui taraudent un prisonnier politique, celle de la démobilisation des masses est la pire de toutes.

Durant les 20 dernières années qui ont fait suite aux traumatismes subits par le peuple depuis les évènements de 2001, le pouvoir a entrepris un travail de démolition sans pareille de toutes les strates et les ressorts de la société kabyle. 

Tout y passe. Les structures sociales qui remontent à des siècles de notre présence sur cette terre d’Afrique du Nord ont été minées de toutes parts, soit par la caporalisation et la cooptation, soit par la corruption et l’intrusion de contingents de salafistes pour dépersonnaliser notre peuple. 

Aujourd’hui, tout menace de s’écrouler. L’indifférence et la démobilisation ambiantes de la société face à ce qui se passe actuellement en Kabylie sans susciter de réactions à la hauteur des dangers que courent les détenus, les militants politiques et la société civile constituent une véritable source d’inquiétude pour la suite ; tout comme elles sont de nature à encourager ce pouvoir à persister dans sa politique belliqueuse et aller encore plus loin.

Pour un sursaut salvateur !

S’imaginer que cette violence et répression multiformes qui visent les militants politiques de tous bords s’arrêteraient à eux est une vie de l’esprit. Tout un chacun peut être, à un moment ou à un autre, la prochaine cible à atteindre. C’est juste une question de temps et d’espace.

Sauf à se renier, être Kabyle c’est prendre conscience que nous devons compter d’abord sur nous-mêmes et personne d’autre. C’est en étant convaincus de cette réalité que ce sursaut salvateur jaillira en nous. Et du coup notre force dont nous nous vantons ne sera pas qu’un vain mot que nous évoquons dans nos incantations évocatrices de notre courage.

La politique se fait sur la base de rapport de force entre les parties. Sortir vainqueur d’une situation de conflit implique, avant de se lancer, de connaitre ce que sont les forces dont nous disposons face à ce pouvoir despotique. Ainsi, il nous échoit d’examiner sur le terrain en faveur de qui, du pouvoir ou de nous-mêmes, est ce rapport de force. 

S’il s’agit de considérer cela au niveau des arsenaux militaires que possèdent l’un ou l’autre, il en découle que, nous concernant, nous sommes dépourvus totalement de ce genre de force, et je dirais tant mieux pour nous.

Notre force, nous la puisons des valeurs que nos ancêtres nous ont transmises et que nous comptons perpétuer et transmettre aux générations futures. Ces valeurs sont l’amour de la liberté et de la justice, la dignité, le respect, la défense des plus faibles, l’aspiration à un mieux-être et à vivre en paix avec nous-mêmes et avec les autres?

C’est grâce à toutes ces considérations que la Kabylie constitue une réelle force sur l’échiquier politique algérien et au-delà. Quant à notre faiblesse, elle résulte de notre cécité à ne pas considérer une telle évidence qui nous conduit, souvent, à céder à un certain fatalisme qui alimente nos insuccès du moment. 
 

Revisiter l’expérience politique de 2001

Pour rebondir, un corps ou un organisme a besoin de ressorts qui le propulsent vers le haut et dans un mouvement pour aller de l’avant. Ce sont ces ressorts et ces chainons manquants qu’il faut retrouver en nous et renouer avec eux. Ils existent bien, pour peu qu’on explore bien nos repères. Le premier d’entre eux est le socle qui nous est commun, quelles que soient nos divergences du moment et qui s’appelle la Kabylie avec la somme des valeurs que ce nom incarne pour nous, ses enfants, depuis des siècles.

S’agissant des voies qui y conduisent, même si parfois à travers des chemins détournés, il en existe quelques-uns qu’il faut défricher et réhabiliter en ces moments de rudes épreuves que nous vivons et même au-delà. 

Les évènements d’avril 1980 qui ont produit le printemps berbère, le surgissement sur la scène politique des deux partis que sont FFS et le RCD – même si les faits ont anéanti presque tous les espoirs qu’ils ont suscités en nous – et en dernier lieu, la renaissance de l’organisation ancestrale Laârach de Kabylie avec la puissance qui a été la sienne durant les sanglants évènements de 2001 sont quelques-uns des vecteurs qui peuvent conduire vers ce salut.

Le mouvement de Laârach a démontré, même si c’est dans la douleur et le deuil, toute la puissance du peuple kabyle, quand il est uni, à faire face à l’agression. N’est-ce pas que c’est ce mouvement qui a enfanté la mouvance autonomiste du début et les autres qui en découlent à présent avec leurs forces et leurs faiblesses ! 

Sans rien renier de tout ce qui a été entrepris au cours de cette période de quarante-et-une années de luttes, car jalonnées de tant d’épreuves de sang, de larmes et de souffrances diverses. Le moment est, peut-être, venu pour nous de marquer une halte dans la lutte selon des procédés éculés.

En lieu et place de cela, il y a lieu de se projeter dans l’avenir avec une nouvelle vision et stratégie dans la lutte en tenant compte en proie à des appréhensions du contexte géopolitique et des enjeux actuels.

Il est vrai que les évènements en cours nous contraignent pour agir dans l’urgence afin d’éviter à notre peuple un autre bain de sang que celui de 2001. Néanmoins, la situation exige de celles et ceux qui constituent les élites kabyles de créer les conditions qu’exige le réel que nous vivons ; à commencer par leurs capacités à laisser de côté les points de divergences qui opposent les uns aux autres pour se mettre autour de la table, en vue de dessiner, ensemble, un avenir serein et pérenne pour la Kabylie et son peuple. 

Notre solidarité pour les détenus

Le 26 juin 2021, au moment où j’ai commencé à rédiger cette réflexion, il y avait un seul militant, Bwaziz Ait Chebib, en garde à vue. Depuis lors, la liste des interpellés et des mis en détention s’est allongée et le sera vraisemblablement davantage.

L’absence, jusqu’à présent, de réactions fortes est à la hauteur des évènements en cours et d’une solidarité agissante en direction des détenus peut faire craindre le pire à celles et ceux qui se trouvent dans les griffes de la justice du pouvoir. Celle-ci passe par des actions fortes sur le terrain en Kabylie au sein de notre diaspora. 

Que nous reste-t-il à faire à présent ? 

L’ACTION. ALORS AGISSONS ! 

Auteur
Ahsen Nat-Zikki

 




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