23 novembre 2024
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Faites passer cela par pertes et profits !

TRIBUNE

Faites passer cela par pertes et profits !

Cela pourrait résumer l’histoire de l’Algérie confisquée, défigurée, meurtrie, humiliée mais aujourd’hui libérée.

Nos aînés nous ont montré le sens de l’honneur, du combat pour la liberté, de la justice, du devoir et l’amour envers la patrie. Pour que tous les enfants d’Algérie puissent vivre indépendants et dans la dignité.

Quelles leçons de courage, d’héroïsme, d’esprit de sacrifice, d’insoumission et de résistance !

Je me souviens aussi de la formidable, prodigieuse, en son temps, réponse à l’appel de solidarité, des indigènes, devenus dans la souffrance et le déchirement citoyennes et citoyens algériens en avril 1963. Nos mères pourtant démunies, se sont alors dépossédées de leurs derniers bijoux, pour les offrir  spontanément au « sendouk ettadhamoun » coffre national de solidarité pour contribuer ainsi à l’effort de reconstruction et constituer ainsi les premiers fonds du Trésor Public de l’Algérie indépendante.

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Quelles leçons de générosité, d’humilité, de probité, de patriotisme et de dignité !

Comment pouvons nous aujourd’hui, face à nos grands-mères et grands pères, leur expliquer ce que sont devenus la génération post indépendante, certains de nos dirigeants, de nos élus, de nos fonctionnaires, de nos magistrats, de nos officiers, de nos entrepreneurs, de nos cadres supérieurs… Ils n’ont retenu aucune de vos leçons !

Mais où sont-ils que font-ils, les glorieux et glorieuses combattants, anciens moudjahidines qui vivent toujours et qui impassiblement regardent ce qui se passe dans ce pays depuis l’indépendance ? Sont-ils complices ou aveugles, sourds ou encore muets ? Eux qui n’ont pas eu peur du général Massu, ni de Bigeard, ni d’Aussaresses et combien d’autres tortionnaires ? Eux qui ont subi dans leur chair et leur esprit les pires sévices et oppressions, comment et pourquoi ont-ils depuis l’indépendance courbé l’échine ?

Dès 1962, le Front de libération nationale (initialement « Essahab Ennidam » ancêtre commissaire priseur du FLN) a tout confisqué à l’indépendance et durant plus d’un demi-siècle. Au nom de la lutte de libération, ils se sont « légitimement » accaparés du pouvoir, des biens, des terres, des richesses et ont confisqué toute liberté  fondamentale au peuple : Une idéologie, un parti, un média, une seule voix accompagnée de dépossession des propriétaires de terres agricoles, de petites manufactures, de divers biens bref une recolonisation par un groupe de pseudo révolutionnaires, un clan puis enfin une mafia.

L’argument avancé, tous ceux qui sont contre nos actions, sont contre la révolution de libération nationale et au service de l’impérialisme américain et/ou français ! Les moudjahidines, mouhafadhs, les enfants de moudjahidines et leurs ayants droit, les officiers, les braves militants sont seuls éligibles aux postes de responsabilité, aux avantages, aux primes, aux licences d’importation, aux véhicules, aux terrains, aux cessions de somptueuses villas, aux pécules en devises, aux octrois de stations services, etc.

Les autres Algériens étaient tolérés de vivre en Algérie en marge, en silence et applaudir de surcroît. Le comble, pour quitter la pays, il fallait obtenir une autorisation préfectorale et pour vendre un bien en toute propriété, il fallait avoir un certificat de non-vacance !

Voilà comment le processus de construction d’une mafia prédatrice s’est bâtie lentement mais sûrement sous les yeux résignés de tous.

Un régime (Le pouvoir) tiraillé par les luttes intestines entre différentes factions du pouvoir le clan présidentiel,  l’oligarchie du parti unique FLN qui contrôle à la fois le syndicat UGTA et l’Organisation des anciens moudjahidine (ONM) et la grande muette (ANP), qui va conduire inéluctablement l’Algérie à la faillite et au chaos.

Que tous ceux qui ont trempé dans ce bain se lèvent ! Parmi ces gens debout, un très grand nombre, en quête de rédemption, viennent aujourd’hui proposer à notre jeunesse un modus operandi de sortie de crise dans laquelle ils nous ont, tête baissée, plongé.    

Et nous la génération, trop jeune pendant la révolution pour y prendre part, mais plus tard, étudiants puis cadres supérieurs, qu’avons nous fait pour dénoncer les dérives du pouvoir de 1970-2019 ? Ceux de l’UNEA qui n’ont pas rejoint l’UNJA et ceux du PAGS et du PRS de Boudiaf, les initiateurs du RCD, et l’avant-garde du Mouvement berbère que sont-ils devenus ? Ont-ils tous renoncé aux idéaux de liberté, de justice, de démocratie et de culture ? Ont-ils répondu aux chants des sirènes ? D’aucuns ont été récupérés par le pouvoir, achetés, embrigadés, intimidés, d’autres exilés et la dernière proportion, métamorphosée en caméléons, taupes ou invertébrés.

En 1990, les djihadistes de l’enfer de l’AIS et du GIA, dirigés par 2 marionnettes salafistes du FIS, ont engagé un  glorieux combat divin : assassiner des enfants, des familles sans défense, des femmes insoumises, des intellectuels, des écrivains, des artistes, des journalistes, des moines. Face à eux, des femmes courageuses et des hommes libres ont écrit et clamé haut et fort,  pacifiquement dans la rue, brandissant notre drapeau : Non à votre projet de République islamique ou Califat, Oui à une Algérie libre et démocratique !

Malheureusement, beaucoup furent lâchement assassinés !

Durant la décennies noire, ces fanatiques ont failli réussir à ternir à jamais l’image des algériens : peuple barbare, fanatique, misogyne, illettré, non assimilable avec l’occident car primitif. Une jeunesse qui rêve de vengeance et de sang capable de commettre les plus horribles crimes et abominations. En définitive une jeunesse algérienne qui ne vit que pour un visa et pour détruire la civilisation occidentale. C’est l’image scélérate et hideuse qui a été parfaitement médiatisée et qui s’est incrustée profondément dans l’opinion des ces pays.

A-t-on depuis fait un examen lucide de ce qui est arrivé à notre peuple ? Comment a-t-il majoritairement basculé dans l’obscurité ? Qui a fabriqué ces mutants ? D’où sont-ils venus ? Peuvent-ils resurgir ? Doit-on tout simplement passer l’éponge et oublier ?

Non ! Il y a d’abord un devoir de mémoire puis une obligation de rendre hommage aux victimes innocentes et aux combattants et combattantes de la liberté durant cette période, au même titre que ceux et celles durant la lutte anticoloniale. Cette nouvelle génération devra rendre une authentique justice aux victimes et dans une atmosphère apaisée et avec recul, demander aux burreaux des comptes. C’est cela à mon sens aussi le changement radical du système qui a non seulement gracié mais en quelque sorte, donné une prime aux agresseurs, aux assassins au mépris des familles des victimes.  

D’aucuns ont décidé de faire passer cela par pertes et profits 

Je rends ici hommage notamment à ces femmes qui, sur plusieurs places d’Alger et à visage découvert, ont honoré nos nombreuses icônes du combat pour la liberté : Kahina, Lalla Fatma N’Soumer, Hassiba Ben Bouali.

Au passage, nos artistes peintres seraient bien inspirés s’ils pouvaient impressionner à jamais, la Liberté guidée par les femmes algériennes,  à l’instar de la toile d’Eugène Delacroix réalisée en 1830. Nous brandirons alors comme symbole de la liberté de l’Algérie, de la République algérienne, l’effigie de notre Hassiba ou Fatma sculptée dans le marbre, immortalisée par des toiles de peinture et inscrite ad vitam aeternam dans la constitution de la nouvelle république, dans nos mémoires et dans le cœur de la jeunesse algérienne.

Aucun sombre prêcheur ne pourrait désormais prétendre savoir mieux que nous tous, où se trouve la place de la femme algérienne. L’Algérie sera désormais le guide, la lumière, le salut des sociétés musulmanes marchant vers la modernité, le savoir, la culture et les arts.       

En réalité, notre jeunesse ne rêve que de liberté, de paix, de démocratie, de prospérité partagée et souhaite montrer aux jeunes du monde entier notre sens de l’hospitalité, de la convivialité, notre culture millénaire fortement ancrée en méditerranée.   

En deux pages, il est difficile de dérouler 1945-2019. Mais je pense qu’aujourd’hui nous avons perdu tous nos repères : D’où venons-nous, qui sommes-nous et enfin où allons-nous ainsi ?

Ecartelé entre les traditions ancestrales, les rites et coutumes régionales, l’islam mal assimilé et manipulé et un fort désir d’émancipation, de liberté et de modernité, notre vivre ensemble est sous pression.

Quelle société souhaitons-nous ensemble construire ? Quel mode de gouvernance choisirons-nous ? Quelle place va occuper la femme algérienne dans notre nouvelle république ?

Ce qui est certain à mes yeux, la société algérienne ne sera jamais celle de l’Arabie Saoudite ni celle de l’Inde où les femmes peinent à s’affirmer. Pour vous, algériennes, l’histoire vous a déjà tracé la voie.

Faut-il rappeler que peuple algérien, vaillant, courageux et fier, dans son histoire n’a jamais accepté toute soumission et d’où qu’elle vienne :

  • Le 8 Mai 1945, nos aînés fiers et courageux, défiant l’oppression coloniale, clamaient haut et fort mais pacifiquement dans les rues de Guelma et Kherrata, brandissant notre drapeau: Liberté et l’indépendance pour l’Algérie ! Résultat immédiat 45.000 martyrs.

  • Le 5 Octobre 1988, les jeunes chômeurs, les lycéens, les étudiants ou les hittistes clamaient haut et fort dans les rues de plusieurs villes, dans la violence et les saccages: Liberté-Emplois-Dignité ! Résultat immédiat : répression dans le sang par les militaires , état de siège (plus de 500 morts et des milliers d’arrestations et des témoignages de tortures subies).

  • Les cibles principales des émeutiers du Printemps noir en avril 2001 qui a secoué la Kabylie, ont été les brigades de gendarmerie accusées d’«abus de pouvoir» d’intrusion injustifiée dans l’intimité communautaire. La répression a été brutale. Aux émeutiers qui sont attaqués aux «symboles de l’Etat»  et à ses groupements, la gendarmerie a riposté par des tirs d’armes automatiques..

Résultat immédiat : une commission d’enquête officielle a dénombré 123 morts, des arrestations et des témoignages de tortures.

  • Depuis le 13 mars 2019, la jeunesse algérienne regarde enfin dans la même direction et clame haut et fort et pacifiquement dans toutes les rues de l’Algérie, brandissant des millions de drapeaux: Démocratie, Changement radical du Système politique et Probité.

Résultat immédiat : C’est à vous seuls, jeunes algériennes et algériens, qu’il vous appartient dorénavant d’écrire la suite de l’histoire de l’Algérie.

Rendons toutes et tous un vibrant hommage à tous les martyrs de la liberté pour une Algérie Libre et Démocratique !

 

Auteur
Lliès Goumiri

 




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