25 avril 2024
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Faut-il livrer l’Algérie aux islamistes ?

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Faut-il livrer l’Algérie aux islamistes ?

Mohamed Sifaoui a publié sur son mur Facebook une réflexion aux allures de réquisitoire. Il dit ne plus rien partager avec son pays d’origine et renoncer de ce fait à son algérianité.

À priori, il en a le droit. Qui sommes-nous pour le juger ? S’il a quitté le pays, c’est pour faire valoir son droit de penser et d’agir. En dépit de ce qui le motive, et il l’explique très bien, comment peut-on arriver à couper les ponts, si brutalement, avec les siens ? A-t-on le droit de renoncer ?

Pourquoi quitte-t-on un pays ? Pour plusieurs raisons. Ici ou ailleurs, c’est souvent la même chose. Pour des raisons économiques et sociales. Mais pas que. On quitte un pays parce qu’on étouffe. Pour fuir un quotidien ou dribbler un destin. Pour l’aventure, le romantisme de jeunesse, pour une femme ou un homme.

En Algérie, on part pour d’autres raisons encore. D’abord, on ne part pas, on s’évade. On quitte un territoire pour échapper à l’autre pour se sauver de soi. Pourquoi ? Parce qu’on déteste se regarder. Une sorte de consanguinité fait qu’on retrouve nos défauts chez l’autre. Le père, le frère, le cousin, le voisin, le copain, le résident du nord, du sud ou le président. Tous formatés par soixante ans d’un régime totalitaire qui aboutit à la création d’une espèce miroir, qui se renvoie haine et souffrances comme image. C’est la règle darwinienne de l’isolement qui le dit. La laideur de nos maisons, cités, douars, villages ou villes est reproduite à l’infini. Comme un cauchemar en boucle.

Quand tu as visité un appartement, c’est comme si tu avais vu toutes les maisons. Même cités lépreuses, paraboles rouillées, céramique sur les murs d’intérieur, matelas en mousse, service à café. Ça provient du même souk, du même vendeur, du même importateur véreux, du même fabricant chinois. 

On fuit le pays pour sa violence, ses hôpitaux miteux, son école handicapée, son administration tétraplégique. On quitte pour ne plus voir la saleté de nos oueds, rues, plages, Salhi ou Bengrina. Pour ne pas penser à la pénurie de lait et d’huile.

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Parce qu’on ne veut pas attendre l’eau devant un robinet, comme on attend un train de la SNTF. Parce que le train de la vie roule vite, qu’on est déjà vieux et qu’on n’a toujours rien vu de ce monde, et que nos enfants croient que le monde n’existe qu’en parfum de douleur.

Pour vivre sans compter ses sous et ses joies. Dans l’opulence du rire. Dans la verdure des parcs et les couleurs du printemps. Pour créer ses propres rêves.

Les rêves sont singuliers et ne sont pas partagés par tous. C’est la différence entre ceux qui rencontrent Dieu sur un tapis et ceux qui le logent dans les cœurs. C’est le combat entre la religiosité outrageuse et la discrète harmonie de l’être. Certains partent pour fuir le dictat du conformisme et d’autres pour le perpétuer. Au final, ce sont deux visions du monde qui s’opposent. Entre ceux qui sacralisent l’humain et ceux qui le méprisent.

Ceux qui rêvent de se défaire du poids de la religion croient que les plaisirs ne sont pas un crime. Que tenir une femme dans ses bras, l’embrasser, l’aimer, l’enlacer n’est pas un attentat à l’ordre du monde. Qu’une bière peut exhausser un vœu autant qu’une prière et qu’une bonne cuite vaut bien les vertiges de la Mecque. Que le bonheur est à portée de main et qu’il suffit, pour le cueillir, de lever la tête au lieu de se prosterner. Que la prohibition ne devrait toucher que la bêtise et que l’avenir des humains est dans les bibliothèques, pas dans les mosquées.

Doit-on tout abandonner, une fois sorti de cette matrice écrasante qu’est l’Algérie ? Est-ce une raison pour rompre avec ce qu’on est et ceux qu’on aime ? Pour couper les ponts avec les siens ? Pour ne plus s’y intéresser que par simple curiosité ? 

Ne plus se battre pour faire vivre les idéaux auxquels on croit ? 

Abandonner le pays à son sort, aux rapaces des Bengrina ou aux hyènes des Mokri ? 

Renoncer à faire fleurir d’autres esprits éclairés ? 

Partir, c’est mourir un peu, on le sait. Mais on n’a le droit de mourir qu’après avoir semé des graines dans nos enfants pour faire d’autres Mouloud Mammeri, Tahar Djaout ou Kateb Yacine. D’autres militants de la démocratie. C’est la philosophie du colibri qui fait sa part. C’est long. Ça peut paraître absurde, mais ça porte ses fruits. Nos ennemis sont patients, ne renoncent pas. Ils s’inscrivent dans un projet et croient à une prophétie. Et ceux qui les combattent doivent être convaincus de la justesse de leur combat. S’ils perdent la foi, le pays sera livré, clés en main, aux fous d’Allah. 

Un incendie maîtrisé est toujours meilleur qu’une forêt en cendre. Que tous les colibris d’Algérie se mettent au travail.

Auteur
Hebib Khelil

 




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