22 novembre 2024
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Gaïd Salah veut régler les horloges de la vie politique

TRIBUNE

Gaïd Salah veut régler les horloges de la vie politique

Le transfert du pouvoir politique aux civils est pour Gaïd Salah une vue de l’esprit, une lubie de l’opposition et de quelques intellectuels. Le peuple qui réclame depuis plus de six mois « ddawla madaniya maççi askariya » est, pour lui, une comptine pour amuser la galerie mais qui l’agace quelque peu.

Ce n’est pourtant pas chanté en tamazight « awanek agharim maççi aserdasi ». Là ça l’aurait énervé beaucoup plus et il aurait prestement instruit quelques magistrats pour étouffer la voix des « fauteurs de troubles » !

Prendre sa revanche

On savait que Gaïd Salah, égal à lui-même et fier à bras, est fortement attaché à la tenue d’une « élection présidentielle dans les meilleurs délais ». C’est chez lui une obsession. Parce qu’il n’a pas digéré l’échec du 4 juillet 2019, une élection planifiée par ses soins et à laquelle il tenait tellement.

En annonçant lui-même ce lundi 2 septembre à partir d’une caserne la convocation du corps électoral pour le 15 du mois courant, il marque son territoire et signifie sa volonté de garder les choses en main, d’aller au bout de sa revanche. Il a donc besoin d’ajuster l’agenda politique du pays au sien propre et à celui de ses pairs. 

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Que le peuple, dans sa quasi-totalité, lui dise chaque semaine « makanc intixabat ma3a l3isabat » ne le perturbe pas outre mesure. Il en a entendu d’autres. Il ne peut pas comprendre la profondeur d’une révolution quand celle-ci est pacifique et qu’elle est l’œuvre de personnes ordinaires. Il ne connaît que les luttes de clans, l’élimination violente de l’un par l’autre. C’est pourquoi une seule perspective compte pour lui : « l’élection » d’un président. Un président que le commandement militaire a probablement choisi depuis un bon moment.

En affirmant, d’ailleurs, ce truisme, secret de polichinelle s’il en est, Lakhdar Bouregaâ, commandant de la wilaya IV historique, s’est retrouvé, du jour au lendemain, entre quatre murs. Parce qu’une banalité énoncée par un homme crédible prend un tout autre sens (cf. «ce que parler veut dire » de Pierre Bourdieu). Du coup, c’est sans discussion, c’est comme une mise aux arrêts d’un subalterne ! Il croupit à ce jour en prison malgré son âge, malgré son prestige, malgré ses soutiens venant de partout et de toutes les catégories sociales et politiques du pays. 

Nous étions nombreux à penser que la chute de Bouteflika était une étape décisive dans l’effondrement du système militaro-mafieux mis en place par le colonel mégalomaniaque Boukharouba (alias Boumediène) dès l’été 1962. Un chemin s’ouvrait pour le peuple algérien fier de démanteler le système en place et heureux de pouvoir recouvrer enfin sa souveraineté, de construire une démocratie.

Il espérait une refondation radicale des institutions, une reconnaissance de la réalité politique, culturelle, confessionnelle plurielle du pays, une mise en place de mécanismes susceptibles d’éradiquer le chômage, la délinquance, la corruption, l’inefficacité bureaucratique. Bref, l’espoir de stopper le déclin de la nation, de construire un état de droit, de faire de l’Algérie un pays attractif semblait être à portée de main.

L’armée évolue dans le sens inverse de la volonté populaire

Mais finalement, tous ces rêves d’un peuple depuis trop longtemps meurtri se heurte de plus en plus à la volonté manifeste de Gaïd Salah et de ses pairs de faire avorter la plus belle révolution pacifique de ce début du 21ème siècle. Ses sorties régulières à partir de QG de régions militaires indiquent clairement, dans des discours totalement anachroniques mais menaçants, que l’armée évolue dans le sens inverse de la volonté populaire et s’apprête à imposer à l’Algérie une nouvelle forme de dictature. Celle des services de renseignement (SM puis DRS) a visiblement vécu, celle du commandement militaire est de retour. 

Le scénario de  » l’indépendance confisquée » semble, en effet, inspirer l’état-major. En cherchant à imposer une élection dans les mêmes conditions que les précédentes, il vise à briser l’élan du peuple, à le pousser à la rébellion violente dans le seul but de réduire ses possibilités de victoire.  Autrement dit, l’état-major espère, clairement, semer la division pour provoquer le désenchantement ou susciter des réactions violentes pour justifier une répression brutale afin de rendre le peuple plus impuissant qu’auparavant. 

En même temps que cet état-major prépare le bâton, il tend également une carotte. Il espère élargir l’attitude de soumission qu’adoptent certains cercles habitués à vivre en parasites dans le sillage de la dictature. C’est le cas des membres du panel de Karim Younès (mais pas seulement) qui, pour voiler leur lâcheté, ne cessent de parler de dialogue, de compromis, de sagesse, de conciliation et tutti quanti.

Ils font appel à « l’humanisme des dictateurs » en leur demandant de céder sur quelques préalables qui les rendraient légitimes mais peine perdue. Ils font mine de ne pas comprendre que lorsque les enjeux sont fondamentaux et décisifs, tout dialogue avec les tenants du pouvoir est inopérant. Seul un changement radical des relations de pouvoir en faveur du peuple en lutte peut assurer la sauvegarde des enjeux en cours. Un tel changement reste possible : poursuivre la voie pacifique et la mobilisation massive, continue et sans faille.

Pour ce faire, d’autres vendredis et mardis nous attendent, restons déterminés. L’avenir est à la primauté du civil sur le militaire, à la dissolution du FLN et de ses satellites pour qu’émergent les forces saines de cette Algérie pleine de potentiels. Alors et seulement alors, la révolution du sourire pourra avoir un effet domino sur de larges espaces géopolitiques et géoculturels. Et, étant donné cette énorme responsabilité qui pèse sur le peuple algérien, ses élites doivent avoir une vision claire de ce qu’elles feront de la liberté arrachée.

Auteur
Hacène Hirèche, consultant (Paris)

 




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