Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l’Etat jouit d’une grande autonomie par rapport à la population puisqu’il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l’impôt ordinaire.
L’essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier. Il donne à l’Etat les moyens d’une redistribution clientéliste. Il affranchit l’Etat de toute dépendance fiscale vis-à-vis de la population et permet à l’élite dirigeante de se dispenser de tout besoin de légitimation populaire.
Elle dispose des capacités de retournement extraordinaire étouffant toute velléité de contestation de la société. Il sera le moteur de la corruption dans les affaires et le carburant des violences sociales. Il est indispensable et urgent de soumettre les institutions politiques et économiques à un examen critique afin de s’assurer de leur solidité et de leur crédibilité.
Une approche paternaliste de la société a eu un effet démobilisateur de la base, comme c’est l’Etat et non pas la société dans son ensemble qui était considéré comme acteur principal de développement, il en a résulté une apathie généralisée. Cette passivité des populations a renforcé la tendance à centraliser à l’excès l’administration et la planification.
Cette centralisation a eu pour effet de conférer un pouvoir démesuré à un petit nombre de fonctionnaires (membres des comités de marchés) qui n’étaient pas toujours capables de résister aux tentations que ce pouvoir suscite immanquablement.
Ces tendances à la centralisation affaiblissent à leur tour la capacité des entreprises économiques à générer des ressources ; par contre elles permirent au secteur privé de réaliser des profits excessifs souvent employés à des dépenses ostentatoires plutôt qu’à des investissements productifs.
Le pouvoir ne s’est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n’a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance. L’incapacité des dirigeants d’améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes.
Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement. Il faut, nous semble-t-il engager une discussion plus ouverte et plus franche sur l’ampleur de la corruption et ses effets néfastes sur le développement et la société Aucun gouvernement ne peut avoir d’autorité et aucun plan de redressement ne peut être réalisé efficacement sans l’association des populations au processus de décision et de planification de l’Etat, car plus il faut travailler à l’acceptation du système par la population, gagner son adhésion et sa soumission, plus la bureaucratie se fait tentaculaire, plus grande est la partie d’énergie sous traitée aux entreprises économiques et sociales productives pour être consacrée au seul maintien du pouvoir et à la stabilité sociale.
La perte d’énergie ainsi sous traitée peut entraîner un cercle vicieux, plus on est mécontent, plus l’opposition se manifeste sous diverses formes et plus ils doivent travailler pour s’y maintenir, un tel enchaînement peut-il être rompu sans de violentes convulsions dont l’issue finale est si incertaine ! C’est une chose que la phase politique de libération nationale, ç’en est une autre que la phase économique, construire une économie était une tâche bien délicate, plus complexe qu’on ne le pensait.
Dans la plupart des cas, on a laissé s’accroître les déficits et la création des crédits afin d’augmenter artificiellement les recettes publiques, au lieu d’appliquer une politique authentique de redistribution de revenus à des fins productives.
Afin d’éviter d’opter pour l’une des différentes répartitions possibles entre groupes et secteurs, on a laissé l’inflation « galoper ». Cette façon de faire s’est révélée déstabilisatrice.
Dans la conjoncture actuelle, l’équilibre de l’économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l’emprise de la rente sur l’économie et sur la société.
Dr A. Boumezrag