23.9 C
Alger
jeudi, 13 novembre 2025
AccueilA la uneGrâce de Sansal : un humanisme à deux vitesses

Grâce de Sansal : un humanisme à deux vitesses

Date :

Dans la même catégorie

La politique, c’est comme le foot : au finish, c’est l’Allemagne qui gagne !

La libération de l'écrivain Boualem Sansal a donné lieu...

Le Maroc et les Marocains ne sont pas nos ennemis

Je n’ai pas attendu la dernière crise ni aucune...

C’est devenu un sport national : partir

Aujourd’hui, partir est devenu le sport national préféré. La...

Mohamed Tadjadit condamné à 5 ans de réclusion par le tribunal criminel d’Alger

Le tribunal criminel de première instance d’Alger, siégeant au...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

Il y a dans cette affaire Boualem Sansal quelque chose de profondément algérien : une certitude proclamée avec fracas, martelée pendant des semaines, exhibée comme une démonstration de force… puis réduite à un simple pschitt, un effondrement de torse, un de ces dégonflages politiques que personne n’ose assumer.

On avait promis la fermeté, la souveraineté, l’autorité. On se retrouve avec une grâce présidentielle expédiée dans le silence d’un couloir, comme on efface une bêtise en espérant que personne ne l’a remarquée.

Pendant que la machine officielle répétait, la bouche pleine de conviction, que l’emprisonnement de Boualem Sansal était un choix clair, solide, “irréversible”, la réalité préparait déjà sa gifle. Il a suffi d’un froncement de sourcil venu de Berlin pour que tout ce qui tenait lieu de posture s’évapore. Les mêmes voix qui parlaient de principe ont soudain disparu dans une brume commode. Personne n’a expliqué le virage. Personne n’a assumé l’arrière-goût de déculottée. On a juste glissé la grâce comme une petite enveloppe administrative sous la porte, en espérant que le monde applaudirait la générosité du geste.

Mais le plus spectaculaire n’est pas la grâce en elle-même. C’est le ballet qui a suivi. Toujours le même : pour compenser l’effondrement, on déploie l’intimidation. Le ministre de l’Intérieur s’est immédiatement replacé dans son rôle d’homme-de-main institutionnel, menaçant quiconque oserait contredire le « Président », comme si hausser la voix pouvait rhabiller un pouvoir pris en flagrant délit de recul. On l’a vu bomber lui aussi un torse cabossé, promettant tempête aux insolents, aux sceptiques, aux observateurs.

L’autorité par procuration : quand le pouvoir chancelle, on crie sur la foule.

Et la meute a suivi. Elle suit toujours. Ceux qui, la veille encore, justifiaient l’incarcération au nom d’une sacro-sainte cohérence nationale, se sont mis à louer la clémence au nom d’une vision stratégique “lointaine”.

Une vision lointaine… vraiment ? Cette formule a été répétée à un tel point qu’elle en est devenue un aveu : plus la vision est lointaine, moins il y a quelque chose à voir. Le pouvoir promet un horizon lumineux, pendant qu’il trébuche sur ses propres contradictions. On parle de stratégie comme on parle de mirage : ça fait illusion, ça occupe, ça rassure ceux qui ont besoin d’être rassurés.

Le plus irritant, peut-être, c’est ce mensonge collectif qui accompagne chaque geste improvisé : cette volonté obstinée de faire passer une défaite pour un acte souverain. 

Comme si un pays pouvait fonder son autorité sur des contorsions successives. On aurait pu entendre un mot clair : “On s’est trompé”, “On corrige”, “On assume”. Mais non. On préfère jouer la carte du mystère, cette poudre politique qu’on jette sur le feu pour que la fumée remplace le sens.

Et pendant que Sansal sort de prison, d’autres y pourrissent. Pas des gens connus, pas des têtes passées à TF1 ou à Francfort, pas des plumes traduites en dix langues. Des jeunes. Des sans-parrain diplomatique. Des poètes de la rue, des blogueurs, des gamins qui ont cru que parler était encore un droit.

Mohamed Tadjadit, ce poète du Hirak condamné à cinq ans pour un souffle trop libre, donne à cette histoire son contraste le plus brutal. On dirait presque qu’il prolonge, à lui seul, la peine que Sansal n’a pas faite. Comme si la balance de la répression devait rester stable : un écrivain libéré d’un côté, un poète sacrifié de l’autre. La mathématique du régime : pour chaque grâce sous pression, il faut un exemple sous serrage.

C’est là que la phrase qui suit prend tout son sens, et toute son amertume : si Sansal avait été un simple citoyen, sans réseau, sans signature éditoriale, sans audience internationale, sans photographie avec un président européen, il serait encore derrière les barreaux, en attendant qu’un fonctionnaire se rappelle vaguement son nom. Car la grâce n’est pas une décision politique : c’est un réglage diplomatique. Une concession externe, pas une réforme interne. Une soupape, pas un geste de justice.

Et c’est justement là que l’affaire devient presque parfaite comme satire politique : on a voulu frapper un grand coup, on a fini par se frapper soi-même. On a menacé, grondé, promis la fermeté, et soudain tout s’est dégonflé. Reste un silence, un malaise, et l’image d’un pouvoir qui avance comme un funambule ivre, oscillant entre excès d’autorité et paniques soudaines, incapable de prévoir la conséquence de ses propres gestes.

Alors bien sûr, chacun essaie de sauver la façade. Chacun invente une justification, une logique, un fil rouge dans ce qui ressemble à une navigation au radar. Mais rien n’effacera ce que l’affaire Sansal a exposé : derrière les discours martiaux, derrière les menaces de certains ministres, derrière la mise en scène virile, il n’y a ni stratégie, ni colonne vertébrale, ni vision.

Il n’y a qu’un réflexe : plier quand la pression vient d’ailleurs, punir quand la critique vient d’ici.

Voilà la seule cohérence du système.

Le reste n’est que posture, poudre, et peur mal déguisée.

Zaim Gharnati

Dans la même catégorie

La politique, c’est comme le foot : au finish, c’est l’Allemagne qui gagne !

La libération de l'écrivain Boualem Sansal a donné lieu...

Le Maroc et les Marocains ne sont pas nos ennemis

Je n’ai pas attendu la dernière crise ni aucune...

C’est devenu un sport national : partir

Aujourd’hui, partir est devenu le sport national préféré. La...

Mohamed Tadjadit condamné à 5 ans de réclusion par le tribunal criminel d’Alger

Le tribunal criminel de première instance d’Alger, siégeant au...

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici