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mercredi 8 octobre 2025
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Hannah, me voilà de nouveau avec toi

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Hannah, tu m’as manqué depuis toutes ces décennies et comme la chanson de Simon et Garfunkel, je suis revenu pour te parler de nouveau. 

Aujourd’hui c’est moi qui viens donc à ta rencontre, au pied de ta tombe, pour te faire part de la leçon apprise de travers par ceux qui ont trouvé excuse dans ta réflexion pour reproduire les mêmes horreurs. Ils ont compris le texte dans un sens contraire de son message soit faire payer aux innocents le prix du sang et de la barbarie. 

Je t’ai connue dès ma première année à l’Institut des Sciences Politiques de Paris. Je ne pouvais pas t’éviter car tu étais dans la liste des fondamentaux sur les rayons de la bibliothèque. Tu avais rejoint le Panthéon des indispensables de cet Institut au côté d’Alexis de Tocqueville et d’autres.

Beaucoup nous ont raconté dans sa dimension historique l’abominable génocide qu’avait été la Shoah. Dans le roman avec le magnifique Et si c’est un homme de Primo Levy, dans le cinéma avec Claude Lanzmann et son film Shoah ou avec la présence médiatique et politique de  Simone Veil et bien d’autres.

Mais aucun n’a jamais rivalisé avec toi pour la mémoire du génocide dans son analyse et pas seulement dans son récit. Toi, à la différence des autres, tu l’as théorisée dans ses mécanismes. 

Israël, le peuple juif qui en avait payé le prix le fait payer maintenant par un génocide d’une ampleur de celui que tu avais analysé et dénoncé.  Tout ce que tu avais expliqué, ils l’ont interprété de travers avec la même barbarie que les nazis.

Tu nous avais enseigné que pour en arriver là qu’il fallait d’abord des idéologies qui emportent  les foules dans l’hystérie meurtrière. Elles se sont incarnées dans les discours des dirigeants d’Israël. 

Tu nous avais expliqué que cet aveuglement nécessitait une seconde étape pour transformer les idéologies en actes. Il faut impérativement donner le sentiment aux consciences que les victimes ne sont pas des êtres humains. La déshumanisation du peuple Palestinien permet d’affronter les victimes et les actes contre eux sans avoir l’impression de massacrer des humains.

Puis tu nous avais aussi appris que cette bonne conscience devait être trempée dans la dilution des responsabilités. Le policier français chargé des rafles se dédouanait en disant qu’il obéissait aux ordres, le conducteur des trains, qu’il faisait son métier et ainsi de suite. Chacun ayant le sentiment qu’il n’était responsable de rien alors qu’il était un des maillons du mécanisme de l’horreur.

De même, la majorité des Israéliens tournent le dos à l’image du génocide, le contestent et continuent à vivre le plus normalement possible dans l’insouciance des grandes villes.

Puis enfin tu nous avais appris que les génocides produisaient des silences. Au premier rang desquels se trouver la volonté d’oublier l’innommable. D’autres se sont réfugiés dans le négationnisme et ont gardé la même idéologie d’extrême droite. 

De même que la majorité des Israéliens qui prétend que les photos des populations massacrées sont des faux engendrés par l’Intelligence Artificielle. Les journalistes israéliens ne font part à la population d’aucune information réelle et objective. Tous, à l’exception de rares qui prêchent au fond du désert, sont dans le déni profond. Le réveil sera dur lorsqu’ils feront inéluctablement face aux réalités et à leurs lourdes responsabilités.

Ils refusent de croire en la réalité des mères effondrées avec leur bébé mort dans les bras. Ils refusent de croire que leur armée à fait déporter (un mot qu’ils invoquaient si souvent) les populations, les ont affamées et leur ont enlevé tout espoir de s’abriter, de se soigner ou de se nourrir.

Alors ils essaient désespérément de montrer la peine des familles d’otages pour détourner le regard et trouvé excuse à l’infâme. Ils ont diffusé notamment la situation de l’un d’entre eux, presque sans chair sur les os pour faire rappeler au monde les terribles images des prisonniers de la shoah qui, eux aussi, n’avaient que des os pour ultime image de leur humanité.

Hannah, les petits-enfants de l’horreur du génocide n’ont retenu de ton cours que la justification de leur barbarie. Tu avais raison, les mécanismes qui mènent à l’immonde s’expliquent toujours, dans leurs causes aussi bien que dans leurs conséquences.

Après le génocide de la Shoah tu nous avais fait part de ton inquiétude que la vigilance s’endorme avec le retour à une relative normalité. Tu disais que c’est le propre de l’humain de toujours oublier combien il était  dangereux lorsque l’âme et la conscience ont disparu.

Après le génocide actuel, il est certain que nous aurons une autre Annah Arendt. Elle sera Palestinienne et devra éviter de nourrir le chantage affectif pour se cantonner aux témoignages des crimes des génocidaires devant les juges des tribunaux et celui de l’histoire. Cette fois-ci, sur le banc des accusés seront les petits-enfants des anciennes victimes. 

Un autre jeune homme de vingt ans ira à la bibliothèque de l’Institut d’Études Politiques pour lire une Annah Arendt de Palestine. Il est certain que ce sera la réincarnation du jeune lecteur que j’étais.

Annah, reviens expliquer la méprise d’un cours mal compris ou sort de cette bibliothèque. 

Boumediene Sid Lakhdar

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