25 avril 2024
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Hassan Abassi : en toute philosophie  

Impérieuse culture du terroir 

Hassan Abassi : en toute philosophie  

Il y a des chanteurs qu’on écoute et réécoute des dizaines d’années après leurs premiers succès avec le même plaisir. Parce que leurs œuvres conservent intacte leur fraîcheur. Elles ne sont pas éphémères. Elles traversent le temps sans son emprise. C’est le cas pour les compositions de Hassan Abassi. Ses chansons n’ont pas pris une seule ride, plus de cinquante années plus tard.

Les thèmes abordés restent encore d’actualité. C’est le cas, à titre d’exemple, pour « A si flen », « Ah ya ddunit », « Zwaj youɣal d-tjara » (peut-être son succès le plus célèbre), « Akka ibɣan lwaldin », en duo avec la chanteuse Nouara, « Chvaha tmḥurt-iw » et bien d’autres encore. Ces sujets ont été chantés par d’autres, mais pas avec le même amour, la même sincérité, la même poésie et les mêmes émotions que Hassan Abassi.

Compositeur, parolier et interprète, Hassan Abassi, n’a pas changé. Il est resté le même : timide, discret, modeste, souriant, attentif à ce qui se dit et se fait autour de lui.

Biographie (*).

Né en 1944 à Ath Abbas, commune d’Ath Ouacifs, Hassan Abassi, de son vrai nom Amar Medjkane, a marqué d’une empreinte indélébile la chanson kabyle.

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Ses débuts remontent à 1965/66. Il a commencé par prendre des cours de solfège auprès d’un coopérant français à Tizi Ouzou. Cet apprentissage n’a pas duré longtemps. Le coopérant ayant rejoint son pays à l’expiration de son contrat. Hassan Abassi ne désarme pas pour autant. Il se rabat sur les livres pour parfaire sa formation musicale avec la pratique, les contacts avec les artistes à Alger, dont Chérif Kheddam et Kamel Hamadi.

On peut dire que Hassan Abassi, comme d’ailleurs la majorité des chanteurs kabyles, s’est d’abord formé tout seul, grâce à sa persévérance et à son amour pour la chanson. Il n’a pas embrassé la carrière artistique pour s’enrichir. C’était inimaginable à l’époque. Car, en ces temps-là, rares étaient les familles qui disposaient d’un «tourne-disque » ou, plus tard, d’un lecteur de cassette. Les CD, VCD, MP3 et autres DVD d’aujourd’hui n’existaient pas. Le seul canal populaire était la chaîne 2 de la radio algérienne et le bon vouloir de l’ENTV.

Hassan Abassi était venu à la chanson en poète, pour s’exprimer, dire ses espoirs, chanter sa Kabylie natale, comme dans « Cbaḥa t’murt-iw », fustiger certaines pratiques condamnables, encore en vigueur aujourd’hui, dans « A si flen » (la bureaucratie, le piston, les passe-droits), « Zwaj youɣal d-tjara » (le mariage est une affaire commerciale), « Akka ibɣan lwaldin » (sur les mariages forcés et/ou arrangés par le parents). « Ah ya ddunit », que nous reproduisons et traduisons ci-après, est une composition philosophique avec les questionnements classiques, avec les fameux pourquoi je vis, pourquoi je meurs ?

La chanson était donc, pour lui, un moyen d’expression. Un outil qui échappait à la mainmise, à la confiscation et au contrôle de la « pensée unique », du « parti unique » et des tenants du pouvoir. Il a enregistré sa première chanson « Iwumi laɣrur iwumi » en 1967, suivie l’année suivante par le duo avec nouara dans « Akka ibɣan l’waldin ». En 1966, il participe à un concours de chant organisé par la télévision à la salle Ibn Khaldoun. Il a obtenu la deuxième place derrière Abdelkader Chaou.

Entre 1969 et 1973, il a participé à plusieurs festivals, semaines culturelles et tournées artistiques à Alger, Oran et d’autres villes du pays, ainsi qu’à travers des campus, en compagnie de Chérif Khedam et Nouara.

Il a aussi participé à l’émission radio de la chaine 2 « music-hall si’radio » de Kamel Hamadi, composé les musiques des chansons de Nouara « Tecnam uk af zzin-iw » et « Niɣak sbah l’xir » écrites par le poète Ben Mohamed et écrit deux pièces de théâtre radiophoniques intitulées « D-l’mktub nneɣ d’yir rray » et « I ḍelli anda yella ».

Hassan Abassi a donné le meilleur de lui-même dans le domaine artistique. Mais il n’a certainement pas tout donné. Prions que l’envie de reprendre le chant et la musique le reprenne le plus vite possible.

Personne, durant les années 1970, ne s’attendait à ce que Hassan Abassi décroche, alors qu’il jouissait d’un excellent succès. Mais, un beau matin de l’année 1975, il décide, sans crier gare, de raccrocher son luth. De se retirer sur la pointe des pieds de la scène artistique. Pourquoi ? Pour quelles raisons ?

À une question de Lounis Aït Menguellet sur les raisons de son retrait (interview publiée dans la revue Passerelles N° 19 de mai 2007), Hassan Abassi répond : « il n’y a aucune raison particulière mais plutôt un ensemble de choses qui se sont additionnées et qu’il serait fastidieux d’énumérer ».

Il a fait une tentative de retour en 1980, avec un nouvel album. Mais ça n’a pas marché. Car « le cœur n’y était plus », a-t-il dit. Pense-t-il revenir un jour sur scène ? « Je crois que la page est bel et bien tournée, quoique nul ne sait ce que l’avenir lui réserve et il n’est pas impossible que l’envie de chanter me reprenne, qui sait ? ». 

Mais aujourd’hui, peut-on espérer un retour sur scène ? C’est tout ce que nous lui souhaitons. D’autant que comparé aux 88 ans d’Akli Yahiatène, Dda Hassen fait figure de jeune premier !

Ci-après la retranscription originale de « Ah ya ddunit » ainsi qu’une traduction et la piste audio. Les non-berbérophones pourront mesurer la dimension universelle des questionnements philosophiques de cette chanson. Evidemment, le titre choisi en français n’est pas conforme à l’original mais il en donne le tempo général.

(*) Texte reproduit et arrangé à partir de :

 https://athouacif.skyrock.com/1804200360-Hassan-ABASSI-Chanteur-du-village-Ait-Abbas-Ath-Ouacif.html

Ah ya ddunit 

Ah ya ddunit ar tura ur kem fhimeɣ

Acḥal nudaɣ sser-im ur tessineɣ

 

Mi qqimeɣ weḥdi ttweḥideɣ qareɣ-as 

Ayen i d-luleɣ

Ayen i ɛaceɣ

Ayen ara mteɣ

Refrain

 

Usiɣ-d ɣur-m mebla lebɣi-w

ɣas susmeɣ ur d-nniɣ awal

 

Mi d-usiɣ ṣṣfiɣ zeddig wul-iw

Deg-m ḥefḍeɣ leḥram d leḥlal

Rep.

 

Ziɣ akka ara tɛetbeḍ ṛṛuḥ-iw

Mi teɛyiḍ seg-i ad qqleɣ s akal

Rep.

Refrain

Lammer yelli ṛṛay d ṛṛay-iw

Tili muḥal ad d-aseɣ ɣur-m

Ur yettuneḥsab deg-m yixef-iw

Ur tt-issineɣ  leɛtab-inem

Rep.

 

Ur tt-raǧuɣ akka d ilmut-iw

Ur tt-issineɣ lebla d lhem

Rep.

Refrain

Luleɣ-d ɛaceɣ yibwas ad mmteɣ

Dwa id lqanun-inem a ddunit

Asmi ara teɛyuḍ deg-I ak-meǧǧeɣ

Fell-i dayenni tfuk targit

Rep.

Akka ara ṛuḥeɣ ur k-mefhimeɣ

Ur ẓriɣ i tettheggi tmeddit

Rep.

Refrain

Imi yibwas labud a nemmet

Acimi medden izdeɣ-iten nḥas

Imi leɛquba-nneɣ akw yiwet

Acimi yella lḥedd  tilas

Rep.

Acimi igellil dima yettwet

Acimi a yettnaɣen leǧnas.

Rep.

Refrain

 

Ah p…de vie !

 

Ah p…de vie j’ai beau m’interroger

Je ne comprends pas

J’ai beau chercher tes secrets 

Je ne les perce pas

 

Quand je suis seul je m’interroge

Naître pourquoi ?

Vivre pourquoi ?

Mourir pourquoi ?

 

Je me suis retrouvé là contre ma volonté 

Même si je ne dis mot et que je me tais

Quand je suis apparu mon cœur était purifié

Très vite j’ai appris le licite et le péché

 

Et c’est ainsi que tu chargea mon esprit

Tu m’enterre quand de moi tu es fatiguée

 

Si mon avis comptait

Jamais je ne serais venu te rejoindre

Mon âme n’aurait pas eu de compte à te rendre

Tu ne saurais pas ce que tu fais endurer

 

Ainsi je n’aurais pas eu à attendre ma mort

Je n’aurais pas connu tourments et souffrances

 

Je suis né j’ai vécu et un jour je mourrai

Ah p… de vie c’est donc cela ta loi 

Quand de moi tu seras fatiguée je te quitterai

Pour moi le rêve sera achevé

 

Je partirai sans t’avoir compris

Je ne sais ce que réserve l’après-midi

 

Puisqu’un jour nous serons mis à mort

Pourquoi les hommes font preuve de convoitise

Puisque notre destinée est la même

Pourquoi tant de murs et de frontières

 

Pourquoi le pauvre subit-il toujours

Pourquoi les races se font-elles la guerre

Ah p…de vie !

Auteur
Kacem Madani

 




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