Samedi 29 mai 2021
Hirak : marches réprimées et arrestations
Vendredi dernier, Alger avait pris les allures d’une citadelle policière. Plus rien ne respirait sous l’imposant déploiement policier. Des centaines de policiers anti-émeutes, armés de boucliers, étaient déployés dès les premières heures de la matinée dans les principales artères du centre-ville où défilent habituellement les hirakistes. C’était le prix pour tuer le Hirak.
Pourtant, en dépit de ce déploiement inédit de policier anti-émeutes des dizaines de personnes ont réussi à manifester après la prière du vendredi à El Harrach, dans la banlieue d’Alger et à Aïn Benian et certains quartiers populaires.
Selon Ramdane Tazibt, un dirigeant du Parti des travailleurs (PT, trotskyste), « toutes les voies qui mènent à Alger étaient obstruées par d’innombrables barrages de police ».
« Pas de vote avec les bandes de maffieux », ont scandé les protestataires, réaffirmant leur rejet des élections législatives du 12 juin.
Ces manifestations antirégime ont donné lieu à des arrestations de manifestants, selon le CNLD.
Certains des jeunes arrêtés n’ont pas donné signe de vie, plongeant leurs familles dans l’angoisse. Ainsi ,les familles Meddah et Bouti sont sans nouvelles de Meddah Sid Ali et Bouti Rabah depuis vendredi 28 mai, arrêtés à El Harrach, rapporte le CNLD. Que sont-ils devenus ? Qui les détient ?
Des dizaines de personnes sont placées en garde-à-vue à l’issue de cette journée de répression. Des manifestants de Naciria (Boumerdès) ont été arrêtés jeudi et placés en garde-à-vue.
Ailleurs, des manifestations pacifiques se sont déroulées dans plusieurs villes, comme Jijel, Boumerdès, Bouira, Constantine, Laghouat… De nombreuses interpellations ont eu lieu dans certaines villes. Selon le CNLD, beaucoup ont été relâchés.
A Constantine, les deux sœurs Aya Boussioud et Norhane Boussioud ainsi que les deux jeunes Abdennour Tolba et Attef Boutout » placés en garde à vue et seront présentés devant le procureur du tribunal d’El Ziadia dimanche 30 mai, rapporte le collectif CNLD. Boualem Boudissa placé en garde à vue en attendant sa présentation devant le procureur. Il a été arrêté vendredi 28 mai à El Harrach, nous apprend la même source.
Ahmed Oussaidene, Younes Sadaoui, Mohamed Kessal et quatre autres personnes ont été placés en garde à vue au commissariat de Cheraga et seront présentés devant le procureur du tribunal de Cheraga, dimanche.
A Bouira, huit personnes arrêtées vendredi et placés en garde à vue. Il s’agit de Yazid Derbal, Khaled Derballah, Abderrezak Lamri , idir Chait , Mohamed Ayad , Abdelhak Kacimi, Mourad Amzil , Kamel Belaïdi.
Abderrahmane Belaïdi (âgé de 16 ans) est en liberté mais il a été convoqué aussi pour comparaître devant le procureur du tribunal de Bouira avec les 8 en garde à vue, pour demain dimanche.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé à Tizi Ouzou et à Bejaïa, en Kabylie où les cortèges ont conspué le prochain scrutin et réclamé la libération des détenus du Hirak. Frondeuse, cette région entretient la flamme de la dissidence pacifique et montre le chemin aux autres régions qui ont essuyé des opérations de répression à maintes reprises.
Pour empêcher la poursuite des marches du Hirak à l’approche des élections, le ministère de l’Intérieur a décidé d’obliger leurs organisateurs à « déclarer » au préalable les manifestations auprès des autorités, ce qui revient à les interdire.
Sur les réseaux sociaux, les Algériens écrivent leur colère et dénoncent. « Comment demander les suffrages d’un peuple dont la libre expression est interdite ? », a écrit un internaute. « On ne peut interdire les marches et faire semblant d’autoriser le vote », s’indigne un autre.
Plus de 2 000 manifestants ont été interpellés, dont près d’une centaine ont été placés en garde à vue et une soixantaine sous mandat de dépôt, selon Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH). Une vingtaine ont été condamnés à des peines de prison ferme.
Plus de 180 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité nationale pour la libération des détenus (CNLD).
Depuis plusieurs semaines, le régime a décidé de passer outre toutes les lois protégeant la liberté d’expression et les droits de l’homme qu’il a lui-même promulguées et signées.
Une terrible répression s’abat sur le mouvement de dissidence populaire. C’est à une véritable chasse à l’activiste que le régime s’emploie au mépris de toutes ses promesses.
Cette situation particulièrement inquiétante laisse pantois plus d’un qui se demande jusqu’où ira le régime dans sa volonté de remettre en cause les maigres acquis démocratiques arrachés par le peuple depuis octobre 88.