Dimanche 12 avril 2020
« Histoire secrète de la chute de Bouteflika » de Newfel Brahimi El Mili : révélations et confidences
Dans un style d’écriture fluide et rythmé, agréable à lire, l’auteur déroule le récit abracadabrantesque de la chute de la maison Bouteflika.
S’appuyant sur des déclarations d’officiels, de confessions et au détour de quelques indiscrétions inçoupçonnables, Newfel Brahimi El Mili, politologue averti et fin connaisseur de la réelle teneur des relations algéro-françaises en haut lieu, entrebâille au lecteur les lourdes portes des coulisses afin de lui permettre de percevoir et de comprendre les mécanismes et les soubresauts de l’histoire de la fin de règne de Bouteflika sous un autre angle : une approche systémique et une perspective éclairante.
L’ouvrage est franchement décoiffant en ce sens qu’il nous montre l’une des incalculables facettes du pouvoir de cet homme qui a régné sans partage sur l’Algérie deux décennies durant.
Après avoir exposé les forces et les acteurs en présence dans cette intrigue, l’auteur commence par définir l’élément déclencheur de l’histoire qu’il appelle le « cocaïngate » dont le principal protagoniste est Kamel Chikhi alias « Kamel el Bouchi » (Kamel le boucher), homme d’affaires, importateur de viande bourré de 701 kg de cocaïne.
Il décrit ensuite tous les jalons de ce cataclysme, désormais historique, puis il termine par ce qu’il appelle le blietzkrieg (la guerre éclair), mené par les services secrets algériens et chapeauté par le général Gaïd Salah qui débouchera sur l’arrestation des généraux Mediene et Tartag ainsi que de Saïd Bouteflika qu’il affuble du sobriquet de « Small Brother » tout le long de l’ouvrage.
Le livre contient six chapitres et un épilogue, subdivisés en séquences, qui portent un titre minutieusement et subtilement choisi comme « La France au chevet de Bouteflika », « Un régent est né », « Si Zéralda m’était conté », « Un bulldozer nommé Saïdani », « Liaisons dangereuses entre Toufik et des français d’origine algérienne » ou encore « La France, l’ennemi si utile » etc.
Le rôle joué par Paris à chaque étape est scrupuleusement analysé et disséqué. Les relations et les connexions entre les différents acteurs de chaque côté de la Méditerranée, souvent méconnues du grand public, sont passés à la loupe, dévoilées et clarifiés. Ce qui permet au lecteur de mieux comprendre les motivations des uns et des autres, les enjeux dans cette affaire et de s’expliquer certains évènements restés troubles au moment des faits.
Le degré d’implication de « Small Brother » dans cette tragédie nationale, transparait dès les premières pages, puis s’amplifie à mesure que le récit progresse.
Le narrateur n’omet presque personne, impliqué de loin ou de près dans les évènements : Bouteflika, Saïd Bouteflika, Mediene, Tartag, Nezzar, Zeroual, Bensalah, Brahimi, Lamamra, Bedoui, Rebrab, Nekkaz, Saidani, Belaiz, Louh, Ghediri, Hadad, Melzi, Kouninef, Belhamdine etc. côté algérien, Macron, Le Drian, Driancourt, François Touazi, Yazid Sabag, Raymond Nart, côté français ; Serguei Lavrov, Vladimir Poutine côté russe, etc. Il y en a pour presque tout le monde.
L’escale des navires russes à Mers El Kebir, à un moment clé, est également décryptée : Newfel Brahimi El Mili scrute les évènements sous presque tous les angles et les replace dans leur contexte géopolitique.
Cependant, les manœuvres des monarchies du Golfe (Arabie saoudite et Emirats arabes unis), assurément fort nombreuses, et leur impact sur le cours des évènements, ne sont pas suffisamment mis en relief, tout comme le niveau d’implication du Président sortant dans la prise de décision et celui de sa lucidité au moment des faits.
L’auteur livre également au fil des pages, certaines informations inédites, souvent croustillantes, en exclusivité, que le lecteur aura le plaisir de découvrir.
Assurément, Newfel Brahimi El Mili nous aura emmené plus loin dans la compréhension de cette infernale gouvernance qui aura mis le pays à genoux.
D.L.
Nous publierons prochainement les bonnes feuilles de l’ouvrage.