Certains organes de presse algériens tentent de faire d’un faux classement de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) un événement fortement médiatisé comme si le management de Sonatrach avait fait une action d’éclat remarquable alors que ces découvertes remontent à bien avant 2022.(20)
La preuve ? Dans le communiqué de Sonatrach, on parle de «confirmation » de découvertes. Bien que dans le jargon pétrolier ce terme de « confirmation » n’existe pas, mais on peut l’accepter à la place de la vraie opération de délinéation que Sonatrach réalise par dizaines annuellement, sans jamais les médiatiser pour « évaluer le potentiel de ces anciennes découvertes.»
1-Une NOC doit d’abord valoriser les réserves et non occuper l’espace public
La presse dans le monde – et l’Algérie n’en fait pas exception – vit certes des moments pénibles et financièrement s’en sort difficilement mais s’aventurer dans de telles analyses de spécialistes pourraient « brouiller » les vrais critères d’appréciation d’un management par ses propriétaires. Pourquoi ? A travers cette intention « consciente » ou « inconsciente », on donnerait une image prometteuse qui serait en réalité porteuse de l’effet contraire à celui attendu lorsqu’il s’agit d’un groupe pétrolier comme Sonatrach qui a sur le dos la responsabilité « économique de tout le pays. »
D’abord, une société nationale dite communément National Oil Company (NOC) qui agit pour le compte de son unique propriétaire : l’Etat, se doit de jouer son rôle pleinement. Celui de mobiliser, augmenter, valoriser les réserves, les conserver et tirer profit des ventes des hydrocarbures en optimisant les coûts de production, comme principal critère de performance.
2- La première place du classement est très médiatisée mais rate le reste
Donc une première réponse à cette presse intéressée, si la revue Jeune Afrique a placé le groupe Sonatrach à la première place du palmarès des 500 entreprises africaines, ce n’est pas une surprise ni un effet remarquable et encore moins nouveau car c’est la place de Sonatrach en Afrique depuis que cette édition existe il y a plus de deux décennies, il s’agit d’une position naturelle de Sonatrach qui explore, développe et commercialise les hydrocarbures propriété de l‘Etat algérien propriétaire unique.
3- Pourquoi la seconde partie du classement est passée inaperçue ?
La seconde réponse, non moins critique, indique qu’en 2020 Sonatrach est déficitaire, par le même classement Jeune Afrique, ne devrait pas laisser passer inaperçu par son propriétaire, ainsi que le Haut conseil de l’énergie (HCE) nouvellement installé l’évaluation des performances objectifs de management. Cette mauvaise performance du groupe Sonatrach en 2020 pourrait s’expliquer, faute d’avoir atteint les objectifs assignés par le gouvernement et les engagements de réaliser une recette de 23 à 24 milliards de dollars en 2020, au lieu des 20.6 milliards de dollars réalisés sur la base d’un prix moyen du baril à 40 dollars.
Malgré un prix moyen de 42 dollars le baril (04) ,(05), (06) ,(07) ,(08), donnant lieu à des questions de non maitrise des coûts, de non-maîtrise des prévisions à court terme, en notant également un nombre d’incidents important en 2020, critère de performance primordiale dans l’évaluation des compagnies pétrolières.
En totale inadéquation avec les éléments d’autoévaluation (10) : « Malgré la crise, Sonatrach a recruté 2800 salariés en 2020. » Pour rappel, le PDG du groupe Sonatrach a affirmé, en janvier dernier, que « Sonatrach a clôturé l’exercice précédent avec un résultat positif.
3- Sa position managériale en Afrique et les pays arabes n’est pas brillante non plus
L’argument du management de Sonatrach de la crise sanitaire est fallacieux car de toutes les sociétés pétrolières africaines, seules Sonatrach et Sonagol l’angolaise restent déficitaires.
Le groupe Sonatrach est très épaulé par l’Etat à chacune de ses actions et ne supporte aucune charge d’endettement pour le compte de son propriétaire, qui a pris la décision en 2020 et 2021 de ne plus puiser sur ses bénéfices pour augmenter sa capacité d’autofinancement. Bien au contraire, il a bénéficié d’une subvention de 850 millions de dollars.
Tandis que l’Angola a accumulé environ 1 milliard de dollars de dettes envers les compagnies pétrolières occidentales exploitant ses champs pétrolifères qui ont contraint leur NOC de vendre des participations dans les blocs offshores. L’ampleur de cette dette, entassée sur plusieurs années, est la cause de l’aggravation des difficultés financières du géant pétrolier national Sonagol, l’une des plus grandes entreprises africaines. Voici un extrait de ces performances africaines
Rang | Société | Chiffres d’affairemilliard de $ | Résultat Net en milliard de $ |
1 | Sonatrach | 30 | -0,381 |
6 | NNPC Nigeria | 9,7 | +1,34 |
20 | SNCA Sonagol | 5,3 | -3,5 |
52 | NPD Nigeria | 2,08 | 0,218 |
106 | SBH Cameroun | 1,275 | 0,754 |
Source 23 édition Jeune Afrique
Maintenant si on étend la comparaison aux sociétés pétrolières et gazières à la région Mena et aux membres de l’OPEP, tel que la Société ARAMCO qui a réalisé un chiffre d’affaires et un résultat net positif de + 49 milliards $ avec un chiffre d’affaires de 230 milliards $ (09) (11), et l’ADNOC (EAU) un résultat net positif de + 653,4 millions de dollars en 2020 (10), Sonatrach constituerait un cas particulier de société déficitaire. Maintenant si on étend la comparaison, aux sociétés mondiales, il suffit de consulter les références et ainsi avoir une appréciation objective et réaliste de la société nationale Sonatrach dans le contexte mondial ainsi que notre position en terme de performances (11) à (18)
4- Ces aventures médiatiques impactent la crédibilité de l’Algérie
L’Algérie n’est pas seule dans la scène pétrolière, mais a toujours jouit d’une politique claire de commercialisation de ses hydrocarbures, transparente dans sa démarche. Or, ces derniers temps, la multiplication des effets d’annonce par certaines analyses perspectives un peu offensives souvent sans lendemain commencent à faire douter les spécialistes de leur crédibilité. Le dernier en date est l’article du New York Times paru cette semaine(01).
Comment un spécialiste, emballé par un simple article de l’OPAEP, peut déduire que l’Algérie est en tête des indices d’investissements en matière d’exploration pétrolière au niveau arabe durant le premier trimestre 2022 ? Du jamais vu !
D’abord lorsqu’on parle de volumes attendus, on est encore loin des réserves proprement dites qui sont déjà comptabilisées dans le portefeuille de Sonatrach. Ensuite, une découverte durant une date donnée, est le fruit de plusieurs années d’efforts et d’investissements, de couverture sismique, d’études, de forages d’explorations, ensuite suivi de forages de délinéation pour évaluer avant d’élaborer le dossier de commercialité.
Par exemple le puits WOEN-2 dont on fait tout un tapage pour faire plaisir et vendre n’est pas une découverte mais un puits de délinéation dont la découverte a été déjà annoncée en 2019 lors du forage de WOEN-1 (19) à qui nous rendons hommage à ces équipes toutes branches confondues, dont celles qui ont élaboré et conduit les projets de réhabilitation des raffineries ayant permis aujourd’hui de ne plus importer de carburants.
Quant à Zemlet El Arbi et El Ouabed ne sont que des découvertes telles que Sonatrach réalise en moyenne depuis l’indépendance 20 à 30 similaires chaque année, sans aucun tapage médiatique.
Enfin et plus grave pour le collectif des équipes qui a sué dans ce travail, depuis plusieurs années, pour arriver à une telle découverte alors qu’on vient aujourd’hui balayer tous ces efforts pour s’approprier le résultat pour des raisons faciles à détecter. C’est extrêmement ambitieux, pompeux de donner à ces trois découvertes un poids qui inverserait la baisse de ces dernières années.
Quand bien même on ferait rentrer les volumes des 2 Touggourt dans le total et on considère que ce sont des réserves prouvées, alors qu’elles ne le sont pas encore, elles ne représentent que moins de la moitié de la production de l’Algérie d’une seule année d’hydrocarbures toute formes confondues, soit moins de 300 millions de barils équivalent pétrole si l’on compare au chiffre avancé par cette presse d’une production de 1,258 million de barils/j équivalent pétrole.
Déclarer que ces découvertes pèsent dans le monde, c’est montrer aux observateurs internationaux notre ignorance de ce qui se passe ailleurs que notre domaine minier, d’où un peu de modestie ! Pourquoi fallait-il attendre un article de l’OPAEP pour apprendre que l’Algérie a vendu 84,8 milliards de m3 alors que plus de précision quelques années auparavant sont fournies par le ministère de l’énergie Algérien (02)
En effet, en 2020 l’Algérie a exporté 40 milliards de m3 de gaz et commercialisé à l’intérieur du pays 44,8 milliards de m3 au lieu de créer une confusion de laisser entendre à l’opinion publique qu’on a tout exporté pour donner de la salive à la bouche des européens qui comptent beaucoup sur l’Algérie pour les faire sortir du joug russe pour leur approvisionnement en gaz. Enfin, il faut rendre à César ce qui appartient à César, la comparaison au stade actuel du potentiel de l’Algérie par rapport au Qatar est réellement à côté de la plaque. Pourquoi ? Parce que les réserves en gaz de ce pays sont évaluées et certifiées à 24 700 milliards de m3 soit 13% des réserves mondiales. Il est en 3éme position derrière la Russie et l’Iran. Il est le 5e producteur du monde avec des capacités énormes de liquéfaction.
Conclusion
Quand on est non spécialiste, la communication en matière pétrolière et gazière fait plus de mal que de bien de par l’internationalisation de cette activité. Biaiser la réalité des chiffres pour des raisons publicitaires ne passe pas dans le domaine pétrolier. Le nouvel organe qui vient d’être installé par le président de la république sous l’appellation du Haut conseil de l’énergie est en droit dans l’intérêt national et dans la stratégie de communication, l’astreindre à plus de crédibilité et d’expertise, à l’instar du gaz de schiste lorsque le chef de l’Etat avait exigé un rapport d’expert, avant toute prise de décision.
Il est toujours attendu un éclairage sur l’origine de l’augmentation des exportations gazières de plus de 18%, sachant qu’une augmentation de la production en 2021 n’ayant pas dépassé 2,5% par rapport à 2020 en pétrole et gaz et ainsi la conformité réglementaire de la conservation des réserves nationales, selon l’ONS, mais également un éclairage sur les attendus et engagements par rapport à la loi sur les hydrocarbures défendues par les responsables du secteur au lieu de crier « tout va bien » dans la presse.
Rabah Reghis
Renvois
(09)- https://www.aramco.com/en/news-media/news/2020/aramco-announces-full-year-2020-results
(10)- https://www.arabnews.com/node/1810331/business-economy
(11)- https://www.offshore-technology.com/analysis/top-10-highest-earning-oil-gas-companies-2021-2020/
(13)- https://www.gazprom-energy.fr/gazmagazine/2021/08/reserves-mondiales-de-gaz-naturel-en-2021/
(16)- https://www.forbes.com/pictures/mef45egjmi/17-sonatrach-2-2-million/?sh=389ee61b62e7
(17)- https://www.offshore-technology.com/analysis/top-ten-oil-and-gas-companies-in-2020/
(18)- https://www.offshore-technology.com/analysis/top-10-highest-earning-oil-gas-companies-2021-2020/
Pourquoi tourner autour du pot sans aborder les vrais sujets qui sont:
-Serons nous importateurs de GNL comme le Maroc dans 5 ans? 5 ans, c’est demain.
– Est-ce que l’objectif recherché depuis les années 2000 est le défaut de paiement qui entrainera comme dans certains pays la privatisation totale de nos ressources d’hydrocarbures?
– Les panneaux solaires branchés au réseau sont interdits en Algérie alors qu’ils sont financés par l’Etat italien (oui vous avez bien lu.. voir sur internet plateforme STEG) en Tunisie.
– des centaines de milliers de voitures à essence iront à la casse d’ici un an faute d’essence 95.