30 avril 2025
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Idir au panthéon de l’éternité

DISPARITION

Idir au panthéon de l’éternité

Idir, décédé samedi 2 mai à Paris à l’âge de 70 ans, a connu une formidable carrière internationale. Sa chanson « Vava Inouva » a fait le tour du monde. Mais pas seulement. L’artiste était de tous les combats pour la défense de l’identité amazighe et les détenus d’opinion.

Véritable monument de la culture amazighe, le musicien s’est éteint à l’hôpital Bichat, des suites d’une maladie contre laquelle il se battait depuis des années. 

La triste nouvelle est tombée dans la nuit de samedi 2 à dimanche 3 mai, sous la forme d’un bref et touchant communiqué posté par la famille du chanteur algérien d’expression kabyle sur sa page Facebook : « Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père (à tous), Idir le samedi 2 mai à 21h30. Repose en paix papa. » 

Malgré une discographie peu abondante, avec sept albums studio depuis A Vava Inouva (1976), portant le nom de son plus fameux titre, diffusé dans 77 pays et traduit en quinze langues, plus une compilation et un enregistrement public, il est devenu l’un des ambassadeurs  de la chanson kabyle. Ses chansons sont fredonnées par toutes les générations. Il a chanté partout et ses chansons sont instinctivement reprises par son public. Il remplissait les salles, où qu’il passe. Sa popularité dépassait ainsi largement les frontières de l’Algérie. Il était apprécié au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Europe… De lui, le sociologue Pierre Bourdieu disait : « Ce n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille. »

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« La chanson m’avait choisi »

Fils de berger, né le 25 octobre 1949 à Aït Lahcène, un village de Kabylie, Idir — de son vrai nom Hamid Cheriet — fait figure de héros pour la communauté kabyle, dont il n’a eu de cesse de défendre l’identité et la culture.

Dans un de ses grands rendez-vous avec son public, il a partagé la scène avec l’autre monument de la chanson, Lounis Aït Menguellet et Allaoua. C’était Yennayer 2019 à la salle Paris Bercy.

Alors qu’il se destinait à être géologue, un passage en 1973 sur Radio Alger change le cours de sa vie : il remplace au pied levé la chanteuse Nouara et sa chanson en langue berbère Vava Inouva fait le tour du monde à son insu pendant qu’il fait son service militaire. « Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu’il fallait », racontait en 2013 à l’Agence France-Presse Idir, imprégné dès son enfance par les chants qui rythmaient tous les moments de la vie quotidienne.

Quand il quitte l’Algérie pour venir s’installer à Paris, en 1975, c’est sur la suggestion de la maison de disques Pathé Marconi. Il avait terminé son service militaire, ses études (DEA de géologie), alors pourquoi pas quitter ce pays « avec un seul parti, un seul journal, où l’on nous envoyait des profs pour nous enseigner les fondements du marxisme et faire de nous de parfaits petits révolutionnaires », raconte-t-il. « Je suis venu enregistrer un 33-tours avec A Vava Inouva, qui a bien fonctionné, et j’ai commencé à envisager de rester ici puisque la chanson m’avait choisi, mais toujours avec une valise prête à partir dans ma tête. »

« J’ai tout aimé des manifestations » populaires en Algérie

Idir a traversé les 30 dernières années du XXe siècle en menant plusieurs combat. Il composait, chantait et dénonçait l’arbitraire de la dictature des Boumediene et Chadli.

Il disparaît de la scène pendant dix ans de 1981 à 1991, mais sa carrière est ensuite relancée. En 1999, il publie l’album Identités, sur lequel il chante avec Manu Chao, Dan Ar Braz, Maxime Le Forestier, Gnawa Diffusion, Zebda, Gilles Servat, Geoffrey Oryema et l’Orchestre national de Barbès. En 2007, il avait publié l’album La France des couleurs, en pleine campagne pour l’élection présidentielle française marquée par des débats sur l’immigration et l’identité.

Ses chansons respirent la poésie, l’humanité, la tendresse et font d’Idir l’un des grands ambassadeurs de la culture kabyle, avec ses arrangements où résonnent la flûte de berger et la guitare. Mais cet homme discret, à la voix douce et au look d’universitaire, n’apprécie guère les contraintes de la notoriété. Après son deuxième album Ay Arrac Nney sorti en 1979, il s’éclipse entre 1981 et 1991 où, relancé par un album compilation, il reprend le fil de sa carrière. Dans son disque suivant Les Chasseurs de lumière (1993), il invite Alan Stivell. Les concerts d’Idir sont des moments de partage et de fête, son public déborde de ferveur et d’enthousiasme.

Après une absence d’une trentaine d’années, le baladin kabyle a présenté en tournée son album Ici et ailleurs, composé en majorité de duos, en 2017.

Dans une interview au Journal du dimanche, en avril 2019, il évoquait les manifestations populaires en Algérie et le départ d’Abdelaziz Bouteflika :

« J’ai tout aimé de ces manifestations : l’intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique (…) J’avoue avoir vécu ces instants de grâce depuis le 22 février comme des bouffées d’oxygène. Atteint d’une fibrose pulmonaire, je sais de quoi je parle. De toute façon, nous sommes condamnés à réussir. Continuons donc à réfléchir en termes de nation algérienne vers le progrès. Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire ».

Idir a tenté d’organiser une ultime tournée en Algérie en 2018. Il chantera même à Alger. Mais en vain, son rêve ne s’est pas réalisé car les autorités de l’époque ont tout fait pour faire capoter son projet. Il rentrera à Paris dépité.

 

Auteur
Yacine K/Agences

 




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