26 avril 2024
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« Il y a urgence de donner un véritable statut officiel pour l’amazigh »

Muhand-Ouramdhane Khacer, ancien membre de l’Académie berbère (II)

« Il y a urgence de donner un véritable statut officiel pour l’amazigh »

Muhand Ouramdhane Khacer est l’un des plus anciens militants de la cause amazighe. Son exil forcé n’a altéré en rien sa volonté de continuer son combat. Un combat entamé au lendemain de l’indépendance algérienne. Figure emblématique au sein de la fameuse Académie berbère, Muhand Oramdhane prône toujours l’unité des peuples amazighs en Afrique du nord et défend, bec et ongles le choix des caractères tifinagh pour la transcription de la langue de Massinissa. (Deuxième partie)

Le Matin d’Algérie : En tant qu’un des membres fondateurs de l’Académie berbère en France, que vous inspire la création officielle d’une académie en Algérie ?

Muhand Ouramdhane Khacer : Concernant la création de l’Académie Amazighe à Alger, nous l’attendions depuis l’indépendance de notre pays. Il est important de la prémunir des joutes politiques. Celle-ci ne doit pas être une chambre de résonance des courants politiques du pays. Comme toutes les académies de langue, la future institution doit être neutre. Sa mission doit être clairement définie par des statuts : Sa fonction principale est d’œuvrer à la normalisation et au perfectionnement la langue amazighe. Elle aura aussi pour objectif de travailler à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre capable de traiter les arts et les sciences. Cette mission doit se traduire par la rédaction d’ouvrages didactiques et pédagogiques. Un dictionnaire général de la langue amazighe sera réalisé par cette Académie. Si aujourd’hui le monde amazigh peut s’accommoder de ses variantes régionales, la tendance maintenant est à l’unification de la langue pour la réalisation d’un standard amazigh moyen qui soit compréhensible par tous les Algériens et par tous les Amazighiens (Nord-Africains) qui l’adopteront dans le cadre d’une future Union Amazighienne que j’appelle de mes vœux. Pour le couronnement de ses objectifs, cette future institution académique possède déjà plusieurs atouts.

1er) Tajerrumt, la grammaire amazighe éditée en 1976, restera le fondement essentiel de la langue amazighe. Sa sortie a permis son développement et a encouragé de nombreux jeunes à des créations d’œuvres littéraires ouvrant la langue et la culture amazighes à l’universalité. Dda L’Mouloud demeurera le symbole de l’éternité amazighe et celui de l’Homme Libre. Son nom restera à jamais ancré dans la mémoire de son peuple et traversera les générations… Aujourd’hui on commence à dire Tamâamrit la langue de Dda Lmouloud pour la langue amazighe comme on dit la langue de Molière pour le français, de Shakespeare pour l’anglais. L’occasion est plus ce que jamais donnée à l’État algérien de lui rendre un vibrant hommage en baptisant cette Académie du nom du guide. L’Académie Amazighe Dda L’Mouloud At Mâamer.

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2°) L’alphabet Tifinagh. La langue amazighe possède son propre système d’écriture, elle n’a pas besoin de transcription. (cf. Mon Plaidoyer pour l’usage du Tifinagh publié en octobre 1995 à Rabat dans l’hebdo « Tidmi » n° 38 par M. Mahdjoubi Ahardan ancien ministre). Contrairement à une calomnie et à une désinformation lancées par l’un des animateurs de l’Académie Berbère, Dda Lmouloud, ce grand visionnaire est en faveur du choix du Tifinagh. Voici ce qu’il a écrit dans la préface du Manuel de grammaire berbère (kabyle) de Hamid Hamouma Association de culture berbère, 1987. 179 pages. « Le débat, intervenu quelquefois, sur le système à adopter me semble personnellement ou de pure forme ou d’opportunité. Le principe est une question de simple bon sens : le berbère doit s’écrire en berbère, c’est à dire en Tifinagh aménagée. A l’heure actuelle par nécessité purement pratique, on utilise l’une des trois graphies selon les lieux, les groupes, voire les individus». Lors de ma conférence en direct de BRTV portant sur «l’apport de l’émigration au combat identitaire»le dimanche 26 janvier 2014 du colloque portant sur l’apport de l’Académie Berbère, notre ami Ramdane Achab a confirmé mon témoignage.

Je souligne que contrairement aux affabulations de certains militants, l’appellation Tamâamrit s’applique à la grammaire publiée en 1976 et non pas à la transcription API (alphabet phonétique international) qu’il a codifiée. Cette Académie Amazighe doit réunir des sages qui sont éloignés des tumultes de la vie politique du pays. Elle doit inclure également des personnalités marquantes de la vie littéraire (grammairiens, écrivains, poètes, romanciers, hommes de théâtre…), des historiens, des hommes de science, des philosophes, des anciens militants. Sa composition doit être le reflet de l’ensemble des régions du pays. Sa gestion doit être assurée par des personnalités neutres.

Il ne m’appartient pas de proposer des noms, mais ma pensée va aux intelectuels militants intègres que j’ai rencontrés des hommes et des femmes comme Remdan At Mensur (M. Ouahès), Tassadit Yacine, Achab Remdane, Malika Hachid, Hachi Slimane, Ali Sayad, Idres Abdelhafid, Madi Rabah… Que ceux ou celles que j’ai oubliés de citer me pardonnent.

Le Matin d’Algérie : Une fois cette académie est mise sur pied, quels sont les mécanismes nécessaires pour l’usage de Tamazight dans l’administration, la justice…?

Mohand Ouramdhane Khacer : Aujourd’hui, l’urgence est de donner un véritable statut officiel pour l’amazigh sur tout le territoire national en commençant immédiatement, sans attendre par son admission dans la monnaie, la carte d’identité et le passeport. En attendant la réalisation d’un amazigh moyen, l’amazigh dans ses variantes, doit progressivement devenir la règle partout dans toutes les administrations y compris la justice. Permettre à une grande partie de notre peuple, de s’exprimer dans sa langue maternelle devant un juge et les administrations de son pays. L’amazigh doit être intégré officiellement dans toutes les universités, écoles, collèges et lycées. De par son statut officiel, son enseignement doit être obligatoire et dispensé à tous les enfants d’Algérie. C’est une question de justice et de bon sens. Pour ce faire, une grande campagne d’information doit être ordonnée par l’État à travers tout le territoire national pour accompagner cette officialité. L’État doit utiliser tous les canaux de la presse écrite et audiovisuelle. Il faudrait que l’État algérien cesse de jouer une bonne fois pour toutes avec les valeurs amazighes et le concept d’amazighitude car dans la nouvelle constitution, l’arabe est seule langue d’État. Le pouvoir a donc relégué l’amazigh, l’une des plus belles langues du pourtour méditerranéen et de l’Afrique, au statut de langue sous-officielle car toutes les langues officielles dans le monde sont des langues d’État sauf chez nous en Algérie. Quand bien même, il est écrit que l’amazigh est également langue nationale et officielle. Je dénonce ce détournement du statut de langue officielle pour l’amazigh. C’est une véritable trahison, une forfaiture et une imposture de plus. Les langues comme les hommes sont égales en droit, d’autant plus que la langue amazighe constitue le patrimoine commun. Elle a été la première langue naturelle de tous les Algériens pendant une très grande période de l’histoire de l’Algérie. Elle est à l’origine des premiers balbutiements de l’humanité amazighienne-nord-africaine de cette grande région d’Afrique septentrionale. Langue de résistance par excellence, elle est aujourd’hui la langue maternelle ou naturelle de près de 40 millions de personnes dans l’Espace amazighien qui va d’Est en Ouest de Siwa en Égypte jusqu’aux Îles Canaries et du Nord de l’Algérie jusqu’au Sud du Niger à Hombori. (A suivre)

Auteur
Abdenour Igoudjil

 




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