À l’approche de l’Aïd-el-Adha, le gouvernement, fidèle à une logique devenue routinière, opte pour l’importation massive de moutons. Des milliers de moutons, affrétés depuis l’Espagne, la Roumanie ou encore le Brésil, sont accueillis avec une mise en scène bien rodée : caméras, déclarations officielles, promesses de prix « étudiés ».

L’opération, présentée comme une réponse pragmatique aux tensions du marché, devient en réalité le symbole accablant d’un système économique à bout de souffle.

Le paradoxe est saisissant : comment un pays doté d’une immense superficie agricole, d’une tradition pastorale ancestrale et d’un potentiel humain et naturel considérable, en est-il réduit à importer pour satisfaire un besoin aussi prévisible que celui de l’Aïd ? Ce choix, loin d’être anodin, révèle l’échec structurel d’une politique agricole incapable de produire, de réguler, ni de distribuer. Il ne s’agit pas ici de pallier un imprévu, mais de masquer une défaillance chronique, devenue une habitude d’État.

L’opération, censée soulager les ménages, ne bénéficie qu’à une minorité « ciblée ». Faute d’informations claires ou par opacité délibérée, il se murmure que les fonctionnaires, les agents de l’administration et les travailleurs des collectivités locales sont les premiers servis. Les autres ? Ils attendront, paieront plus cher, ou se passeront d’Aïd.

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Le citoyen lambda, non inscrit dans le maillage bureaucratique, se retrouve une fois de plus écarté. Les moutons sont là, oui — mais pour qui ?

Cette segmentation renforce l’injustice sociale. Elle crée deux catégories d’Algériens : ceux qui ont accès à une Aïd subventionnée, encadrée, livrée au pied du bureau. Et les autres, abandonnés à un marché dérégulé, où les prix flambent, dopés par une spéculation que l’État prétend combattre… sans jamais l’éradiquer.

Ce recours à l’importation illustre une logique de gouvernance par l’urgence. Au lieu d’investir dans des filières d’élevage locales, de soutenir les éleveurs, de réguler les intrants (aliments, médicaments vétérinaires), l’État préfère importer, subventionner, distribuer. Une politique de rustines, sans vision ni cap agricole clair. On compense, on éteint, on rassure à court terme — sans jamais reconstruire à long terme.

Où sont passés les discours sur la souveraineté alimentaire, si souvent brandis ? Que reste-t-il des slogans sur l’autosuffisance, sur l’Algérie « productrice » et « victorieuse » ? Tout cela sonne creux, dès lors que l’État ne peut ni produire ses propres moutons, ni garantir un accès équitable à la population.

Au-delà de l’économie, cette politique traduit le désintérêt profond du pouvoir pour le monde rural. Éleveurs marginalisés, coopératives délaissées, circuits de distribution traditionnels contournés : c’est toute une culture vivrière, tout un tissu socio-économique, qui est peu à peu sacrifié. Au lieu de le revitaliser, on importe. Au lieu de dialoguer, on impose. C’est un modèle de développement qui tourne le dos à sa propre base.

Le comble ? Cette politique d’importation est elle-même noyée dans une bureaucratie kafkaïenne : formulaires à remplir, listes à envoyer, délais administratifs à respecter… Même l’aide est rationnée, organisée, triée. L’Aïd, moment de solidarité et de spiritualité, devient un exercice de gestion technocratique réservé à ceux qui savent « naviguer » dans les arcanes de l’administration.

Ce que le pouvoir en place présente comme une prouesse organisationnelle n’est, en vérité, qu’un miroir de son impuissance. L’importation des moutons n’est pas une solution, mais un constat d’échec. Une fuite en avant masquée sous un vernis humanitaire. Car au fond, un pouvoir qui ne peut garantir à ses citoyens un simple mouton une fois l’an… que peut-il encore leur promettre ?

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

Cette contribution est publiée aussi par son auteur sur Facebook.

3 Commentaires

  1. C’est des moutons qui se zaiment entre eux c.a.d. xzytg, qui vont adoucir la societe’ . . . Quand a la « tradition pastorale ancestrale », c’est plus specialise’ de nos jour… Le Singe Major surveille et guide la Bagra Supreme tous les jours et souvent avec des lunettes noires, pour que personne ne l’appercoive.

  2. incroyablement inconséquent!
    Il est des moments où l’adhésion est un devoir …
    Économiquement, cette opération visait à réguler le marché et à ramener le prix du mouton à un prix plus abordable

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