En tant qu’universaliste convaincu, comme personne sur la planète Terre (si j’avais une baguette magique, j’effacerais toutes les frontières réelles ou fictives, géographiques ou spirituelles, dressées entre les hommes par des hommes et leurs dieux).
Je n’aurais jamais cru pouvoir écrire cela un jour, mais il est temps de se mettre à l’évidence : seule une autonomie régionale peut encore sauver ce qui peut l’être – si ce n’est déjà trop tard – de ces nébuleuses arriérées qui gangrènent le pays, de ces mutants d’un autre temps « qui ont perdu la raison tout en croyant avoir raison ». Une partie de ces tristes individus occupe le pouvoir physique indûment et une autre, le pouvoir spirituel suranné. Le peuple est coincé entre la marteau Tebboune et l’enclume Ali Belhadj.
Et on se permet de mettre en prison ceux qui prônent l’autonomie de la Kabylie ! ?
À bien y réfléchir, le pays ne peut être sauvé, si on ne sauve pas d’abord la Kabylie !
La laïcité ne peut s’installer que si elle s’installe d’abord en Kabylie !
Le pays ne peut se réformer si on ne réforme pas d’abord la Kabylie !
Le pays ne retrouvera ses racines que si l’on irrigue celles de la Kabylie !
Le pays ne se réconciliera avec lui-même que si réconciliation il y a, avec la Kabylie !
On pourrait s’adonner à une série infinie d’énoncés de même acabit.
En résumé, l’avenir de l’Algérie ne sera assuré qu’une fois celui de la Kabylie arraché !
Qui oserait encore croire que le pouvoir n’est pas gangréné par la rage salafiste qui a contaminé le pays, et dont on refuse obstinément de soigner les maladies ?
Qui peut aujourd’hui affirmer que la Kabylie est indemne de cette nébuleuse de tous les dangers ?
La Kabylie dans la ligne de mire du pouvoir
Depuis le règne du duo Tebboune-Chanegriha, c’est une véritable guerre que le pouvoir mène contre tout ce qui rime avec Kabyle et Kabylie. Et personne ne peut le contester. La badissia Novembria n’est pas une simple vue de l’esprit, mais une politique cynique et impitoyable qui s’emploie à démanteler la profondeur millénaire de l’Algérie pour la confiner dans une identité de subtitution importée du Moyen-Orient.
Depuis Abdelmadjid Tebboune, traverser les frontières est désormais défendu pour tous ceux qui sont sous le coup d’une Interdiction de sortie du territoire national, la fameuse ISTN. Cette mesure arbitraire touche de plus en plus de citoyens. Kabyles pour la majorité. Reconnaissons-le ! Même si de nombreux citoyens d’autres régions sont aussi concernés.
Depuis fin 2021, de nombreux activistes, avocats, journalistes, artistes et citoyens lambda sont frappés d’une interdiction de quitter le pays sans avoir été notifiés, au préalable, de l’existence d’une ISTN. Les personnes concernées ne savent même pas comment ni devant qui contester cette décision. Surtout quand on sait quel a justice est inféodée au pouvoir politique et l’Etat profond.
Le nombre de cas connus soumis à cette ISTN, imposée d’une manière illégale, ne cesse d’augmenter. Nombre de ressortissants vivant à l’étranger, rentrés pour les vacances, se sont vu interdire de quitter le territoire à leur retour. On parle de véritable black-list qui touche un grand nombre d’activistes. Mais, aucun chiffre exact ou approximatif n’est disponible pour l’heure. Seuls les limiers du renseignement et de la justice sont au parfum.
Certaines indiscrétions parlent d’une liste de 17 000 personnes. Nombre excessif ? Peut-être bien, mais comment le savoir ?
Il se susurre que si certaines des personnes concernées par cette procédure ont choisi de médiatiser leurs affaires, beaucoup d’autres ont opté pour le silence, en tentant de résoudre leur problème, à l’amiable, dans le silence, ou peut être bien au moyen d’une tchipa conséquente ou encore d’une maârifa bien placée… Allez savoir dans ce flou artistique absolu !
Toujours est-il que le pouvoir ne recule devant rien pour appliquer sa loi d’airain. Il n’hésite pas à briser l’élan de nos artistes. En janvier 2023, c’est l’inimitable chanteur Oulahlou qui avait été refoulé à l’aéroport Houari-Boumediene alors qu’il s’apprêtait à partir pour une tournée internationale à l’occasion de Yennayer. Ali Ideflawen, l’autre figure de la chanson d’expression kabyle, a aussi subi la loi arbitraire de l’interdiction de quitter le pays.
Pas plus tard qu’hier, un ami me confiait qu’aux tous débuts de l’ère Boumediene, on n’avait pas le droit de se rendre en voiture à Alger de Tizi-Ouzou avec des voyageurs autres que ceux de la famille proche. On risquait carrément la prison. Je n’ai pas assisté à ce genre de contrôle. Ce que je sais, c’est que le barrage de gendarmerie installé à Assif nat Aïssi nous traumatisait.
Faire des analyses de la situation que subit le pays, et notamment la Kabylie, est chose aisée, mais la question qui reste en suspens est : que faire ? Comment se sortir des griffes de l’arbitraire ? Une chose est sûre : les crises sont accélératrices de l’histoire. Et nous espérons que celle que nous vivons sera celle qui mettra un terme à six décennies d’un système prédateur et particulièrement discrétionnaire.
Kacem Madani