Gazoduc Nigeria Algérie

Malgré des partenariats stratégiques, Alger voit se multiplier les incertitudes régionales, entre percée russe au Sahara occidental et tensions avec l’Alliance des États du Sahel.

L’accord de pêche récemment approuvé par le gouvernement russe avec le Maroc, portant sur la zone économique exclusive (ZEE) incluant les eaux du Sahara occidental, constitue un signal diplomatique fort. 

Ce texte, révélé par Barlaman.com, prévoit la présence de dix navires russes et une capture maximale de 90 000 tonnes de ressources halieutiques dans les eaux atlantiques marocaines. S’il vient à être mis en oeuvre, cet accord de pêche russo-marocain entérinerait  de facto une reconnaissance implicite de l’autorité du royaume chérifien sur le Sahara occidental, au détriment de la position défendue par l’Algérie et le Front Polisario.

Cet accord soulève une contradiction stratégique pour Alger : la Russie, partenaire historique et principal fournisseur d’armement de l’Algérie, choisit parallèlement de renforcer ses liens avec Rabat sur une question éminemment sensible. À cette ambivalence s’ajoute le soutien croissant de Moscou aux régimes militaires de l’Alliance des États du Sahel (AES) – notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger –, avec lesquels Alger entretient des relations fluctuantes, voire conflictuelles.

Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a estimé, lors de la conférence de presse organisée, le 4 avril, à Moscou, en marge de la rencontre avec les MAE des pays de l’AES, que les autorités des pays de l’Alliance des États du Sahel étaient confrontées à des actes de terrorisme liés au passé colonial, lorsque les métropoles ont tracé les frontières des États sans tenir compte de l’avis des populations. 

Le diplomate russe a, en outre, déclaré que la Russie était prête à soutenir les pays de l’AES dans les domaines de la défense et de la sécurité, de l’économie et de la diplomatie en leur fournissant des produits alimentaires, de l’énergie, des armes et de l’équipement militaire. Il a également noté que le rôle de l’Alliance des États du Sahel dans la promotion des programmes nationaux en Afrique serait renforcé et que la Russie soutiendrait cette tendance.

Sur le plan énergétique, le Niger demeure, à ce jour, partie prenante du projet de gazoduc Nigeria–Algérie–Europe, aussi appelé Transsaharan Gas Pipeline (TSGP), via un accord signé à Alger en mars dernier. Ce projet stratégique, censé acheminer le gaz nigérian jusqu’à l’Europe via le territoire algérien, représente un axe majeur de coopération entre Alger, Abuja et Niamey, et une réponse directe au projet concurrent Nigeria–Maroc, soutenu par Rabat et la CEDEAO.

Mais la stabilité de ce partenariat est désormais susceptible d’être remis en cause. Au début du mois d’avril, un incident majeur a opposé l’Algérie et le Mali : l’armée algérienne avait abattu un drone malien ayant pénétré son espace aérien, provoquant une réaction hostile des pays de l’AES. Cette tension soulève une interrogation centrale : le Niger, pris entre sa loyauté régionale envers ses alliés de l’AES et son engagement énergétique avec l’Algérie, pourrait-il revoir sa position ?

Un revirement du Niger porterait un coup dur au projet de gazoduc transsaharien, renforçant du même coup l’option du corridor énergétique via le Maroc. Ce dernier multiplie les initiatives diplomatiques et techniques pour faire avancer son propre projet, qui bénéficie de l’appui de plusieurs partenaires européens et du Golfe.

Dans ce contexte, l’Algérie doit faire face à un environnement stratégique de plus en plus mouvant et incertain, où même ses partenariats les plus récents, comme celui avec le Niger, peuvent être remis en question par des dynamiques de court terme. Entre rivalités au Sahara, recompositions sécuritaires sahéliennes et enjeux énergétiques cruciaux, Alger est désormais confrontée à la nécessité de réévaluer sa doctrine régionale et de sécuriser ses alliances, au risque de se retrouver isolée dans une région de plus en plus fragmentée.

Deux visions pour le gaz nigérian vers l’Europe

Alors que l’Europe cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique, deux projets concurrents visant à acheminer le gaz nigérian vers le continent européen cristallisent les tensions géopolitiques au Maghreb et au Sahel.

1- Le Transsaharan Gas Pipeline (TSGP)

Trajet : Nigeria – Niger – Algérie – Méditerranée – Europe

Longueur estimée : Environ 4 128 km

Capacité prévue : 30 milliards de m³/an

Partenaires : Nigeria, Niger, Algérie

Statut : Accord tripartite signé en juillet 2022, confirmé par un engagement renouvelé à Alger en mars 2025

Le TSGP est le projet historiquement porté par l’Algérie pour faire de son territoire un carrefour énergétique entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe.

Il permettrait de renforcer les capacités de transport de gaz via les infrastructures algériennes existantes (Transmed vers l’Italie, Medgaz vers l’Espagne).

Le projet dépend toutefois de la sécurité dans la bande sahélienne, notamment au Niger, et de la stabilité politique entre les trois pays impliqués.

L’incident diplomatique entre Alger et les pays de l’AES en avril 2025 pourrait menacer la solidité de cette coopération.

2. Le Nigeria–Maroc Gas Pipeline (NMGP)

Trajet : Nigeria – Bénin – Togo – Ghana – Côte d’Ivoire – Libéria – Sierra Leone – Guinée – Guinée-Bissau – Gambie – Sénégal – Mauritanie – Maroc – Europe

Longueur estimée : Plus de 5 600 km (le plus long gazoduc offshore au monde, en grande partie sous-marin)

Capacité prévue : Phase initiale autour de 5 milliards de m³/an, avec montée en charge

Partenaires : Nigeria, Maroc, CEDEAO, avec le soutien de la Banque islamique de développement, de la Banque mondiale et d’acteurs européens.

Le projet a été lancé en 2016, avec un accord stratégique signé entre le Nigeria et le Maroc.

Il vise à connecter le gaz nigérian à l’Europe via le Maroc et à désenclaver énergétiquement l’Afrique de l’Ouest, en fournissant également du gaz aux pays côtiers traversés.

Moins dépendant du Sahel, il bénéficie d’un soutien diplomatique solide et croissant, notamment de la part des États du Golfe, de l’Union européenne et des États-Unis.

Le duel entre ces deux corridors gaziers dépasse la seule question énergétique. Il reflète une lutte d’influence géostratégique entre le Maroc et l’Algérie, chacun cherchant à s’imposer comme acteur central entre l’Afrique et l’Europe. L’attitude du Niger, acteur pivot dans le TSGP, sera déterminante pour l’avenir de cet équilibre.

Pour Alger, le pipeline via le Maroc est perçu comme un projet concurrent qui affaiblit sa position régionale.

Samia Naït Iqbal

3 Commentaires

  1. Un pipeline pourrait renforcer la position régionale d’un régime politique ?
    Si des investisseurs décident d’acheter le gaz dans des gisements en Afrique le client est roi et cela ne devait pas être un quelconque instrument politique et ça résume uniquement à la vente et l’achat.

  2. Jamais ce soit disant gazoduc ne verra le jour. Qui voudrait s’associer avec une junte dictatoriale et surtout instable. Les ministres changent tous les 4 matins, aucune compétence en quoi que ce soit à part vendre en Frac comme disait l’ancien sinistre.
    Pour établir des relations commerciales solides, il faudrait d’abord faire la paix avec ses voisins,et ce qui se passe en Algérie, nous laisse penser que cette houkouma est comme un poulet sans tête. Depuis la pseudo indépendance,ils vendent au Ghachi des rêves qui sont tous inatteignables, pendant qu’ils se goinfre eux et leurs rejetons. Les énergies renouvelables remplacent peu à peu les énergies fossiles. On le voit en Europe dans la vie quotidienne. Par où j’habite aucun permis de construire n’est délivré sans panneaux photovoltaïques. Quasi toutes les maisons ont une pompe à chaleur etc…
    Beaucoup se mettent à l’ aérovoltaique, et cela fonctionne à merveille et on divise nos factures annuelles presque par 2 et demie.
    Au pays de la tchipa, rien ne va ,mais tout va bien elhamdoulah, et puis après c’est alahghaleb,et c’est la main étrangère qui nous sabote.

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