20 avril 2024
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Interroger les cendres et autopsier les crimes (III)

OPINION

Interroger les cendres et autopsier les crimes (III)

Des milliers d’animaux domestiques et sauvages sont morts durant les incendies de Kabylie.

Ce pays a connu des incendies qui ont brûlé des surfaces plus amples en 1983 (221 367 ha), 1994 (271 958 ha) ou 2012 (99 061 ha), souligne dans le tabloïd Liberté du 31 août, Menad Beddek, et s’il se trouve malheureusement que des moyens dérisoires ont été débloqués, le manque flagrant de préventions chez des responsables aveugles aux bouleversements climatiques n’ont pas amélioré la situation. Le Plan d’action présenté le 30 août au Conseil des ministres n’incluant aucune nouvelles résolutions (surveillance des forêts, débroussaillages ou travail de sensibilisation aux risques) rien ne s’arrangera de sitôt. 

4) « La Roc-Kabylie » à l’épreuve des faits, partitions et spéculations complotistes

Avec une surface brûlée de 89.000 hectares, l’incendie de 2021 « est celui qui a fait le plus de victimes et de dégâts matériels, dépasse la moyenne nationale de ces 20 dernières années (…) et touche essentiellement la wilaya de Tizi Ouzou» mentionnait ledit chercheur en attendant des données plus détaillées. İncitant les experts à s’exprimer afin d’étayer des explications rationnelles et d’occulter l’hystérie à ses yeux génératrice de passivités intellectuelles, il préconise d’élaguer les bas-côtés des routes et abords de villages, de créer des groupes de forestiers et de pompiers volontaires, de former des naturalistes et conservateurs chargés d’inventorier la biodiversité, de combler au plus vite le retard en modernisant les méthodes d’aménagement du territoire, en s’ouvrant aux dernières technologies de la télédétection et de l’intelligence artificielle, en répartissant ainsi en temps réel les risques, en interpellant l’İnstitut national de recherche forestière (İNRF), l’École nationale supérieure d’agronomie, la Direction générale des forêts ainsi que l’Agence nationale pour la conservation de la nature, organismes désormais forcés de se concerter.

LIRE ICI LA DEUXIEME PARTIE

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İmpliquer des équipes pluridisciplinaires (ingénieurs en génie rural, écologues de l’économie rurale, urbanistes ou spécialistes des sciences humaines et sociales) et encourager la collaboration avec les autres pays méditerranéens, permettra d’autant plus de dissocier les agents naturels de ceux à imputer à l’homme, et à ses transformations socio-anthropologiques, que les écosystèmes méditerranéens sont intimement liés à des feux « de plus en plus fréquents », mentionnait le docteur en biodiversité et écologie.

Hormis au réchauffement de la planète, le motif des feux échoie au « changement d’usage des terres, à l’abandon de l’agriculture vivrière en bordure des villages et à l’étalement d’habitations en contact direct avec les maquis », concluait-il. Évidents en Kabylie où se vérifie la perte des savoirs ancestraux, ces facteurs aggravants et confondants y multiplient le péril de propagation rapide de la combustibilité sur des zones bâties à forte densité et aux abords de parcelles agricoles morcelées ou non entretenues.

Se pose dès lors avec acuité la problématique du rapport de l’homme à son proche environnement, cela d’autant plus que 90% des incendies engagent directement ou indirectement sa responsabilité, asserte Abdelaziz Mahdi, chef de secteur au parc national du Djurdjura. İl ne s’agit pas ici de malveillances voulues et prononcées mais d’imprudences répétées, de dégradations, pollutions en tout genre perpétuées par les incivilités accrues de campeurs, randonneurs ou touristes, quidams je-m’en-foutistes inondant le biotope de détritus (papiers, plastiques etc…) jonchant les bordures des chaussées, le sol des milieux boisés, le couvert végétal touffu des massifs forestiers ou collines escarpées. En énumérant les paramètres (désertion, désertification, déplacement de populations rurales, insouciances, bouleversement de l’écosystème, etc…) accentuant les conséquences et phénomènes néfastes relatifs aux calamités subies, on échappe aux diffamations se substituant aux études de longue haleine.

Garder la tête froide au lieu de se fier aux apprentis sorciers, de gesticuler pour un Oui ou un Non sur Facebook semble en apparence la méthode à adopter surtout quand les esprits sont montés en épingle selon une logique rétroactive que connaissent parfaitement les spécialistes de la sociologie des conflits, lesquels déduisent ceci : peu importe que la présence agissante de l’ennemi désigné reste réelle ou fictive, l’essentiel est de stimuler de la peur et à travers elle de la cohésion nationale, voire nationaliste, de consolider une homogénéité interne, à faire en sorte que la collectivité des croyants ou éclairés partageant le même corpus de valeurs se sentent mis en péril par l’externalisation de calculs perfides et, par effets concordants, adhèrent à une fraternité extra-nationaliste.

LIRE LA PREMIERE PARTIE

Rompre les relations diplomatiques avec Rabat, faire de Rachad et du MAK les bêtes noires à abattre, les assimiler au sein d’un pacte schismatique et d’une allégeance externe prolongeant la mainmise impérialo-sioniste, participe de la même recette ou tactique, renseigne sur les hostilités et projections d’un pays (l’Algérie) qui irrite les ressentiments envers son frontalier de l’Ouest, grossit, sous couvert du néo-colonialisme, les traits réfractaires du liberticide et d’un antisémitisme qui s’y porte finalement très bien, impacte les mentalités au sujet de la méfiance à conserver envers les Kabyles Bien que ceux-ci gardent et couvent en eux un esprit frondeur, ils n’envisagent pas, dans leur vaste majorité, de signer l’acte de sédition territoriale et le projet du MAK demeure à ce titre voué de facto à l’échec.

Préférant le chanteur Matoub Lounès à Lounis Aït Menguellet, ses protagonistes rechignent généralement à écouter Hadj M’hamed el Anka ou Dahmane El Harrachi, ressentent un sentiment de supériorité, s’enferment dans le mythe de la pureté berbère pendant que les fondamentalistes religieux incubent l’ADN des racines sanguines. À ce stade, mues par un identique sectarisme, les extrêmes se rejoignent, deviennent le yin et le yang, les deux phases ou faces complémentaires cependant aussi antinomiques puisque en vérité le projet du MAK et de Rachad est irrémédiablement inconciliable tant le premier rejette l’arabisation à outrance de la société algérienne, campe sur les affects idiomatiques et historiques des mémoires amazighs.

Le 14 juin 2001, les ligues citoyennes des Aârchs étaient seules à converger vers Alger la Blanche pour laver les multiples humiliations endurées depuis Juillet 1962, appliquer la plate-forme d’El-Kseur inspirée des revendications identitaires de la décennie 80 et la remettre alors à Abdelaziz Bouteflika.

La rencontre tournera court et, stoppée manu-militari, la marche se métamorphosera en nasse despotique, piège au milieu duquel les insurgés du jour virent l’arrivée en trombe de sbires (jeunes désenchantés des quartiers malfamés et pratiquants revanchards) les frappant à l’aveugle (huit morts, des dizaines de disparus, de blessés et hospitalisés mis sous mandat de dépôt ou en garde à vue).

Aux brutalités frontales succéderont, pillages, destructions de biens publics et privés, raids policiers en chasse des meneurs à débusquer : au sein de chiottes s’il le faut ! Le phagocytage spatio-temporel du consortium militaro-industriel a comme but de ne pas rebattre les cartes, de garder à contrario le monopole sur les dividendes de la rente, de « renforcer les efforts pour assurer la sécurité des frontières nationales et lutter contre les vestiges du terrorisme et de la criminalité transnationale organisée » insiste le programme de l’Exécutif déployé le 30 août 2021.

En misant par ailleurs sur « l’apport de l’armée dans le développement économique (et) au renforcement des moyens et capacités de la cyberdéfense », il augurait la poursuite monopolistique de décideurs privilégiant la théorie du complot et évacuant invariablement la notion « concours de circonstances » au moment de spécifier le meurtre du défunt Djamel Bensmaïl.

Alors, puisqu’il s’agit donc d’un coup fourré, supposons dans ce cas un instant que le portable de « l’ami des Kabyles » ait photographié des intrigants en train d’allumer à maints endroits des torches, que ces factieux soient des flics en civil, que pour ne pas être confronter au témoin gênant, ils aiguillonnèrent et emballèrent l’excitation de masse autorisant l’irréparable. İmaginables, de tels postulats, conjectures ou soupçons requièrent de démêler les imbroglios, de déterrer les objets de l’adjuration, de tramer à fortiori l’archéologie de l’in-situ sinon les plus folles présomptions circulent à vitesse grand V.

En questionnant braises et enfumages, en déconstruisant les arguments des uns et des autres, en fournissant des certifications scientifiques, nous avons évité de propager les préjugés de l’inutile provocation et d’amplifier des supputations ne tenant pas la route. 

Auteur
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art et de la culture

 




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